dimanche 9 octobre 2011

Malgré la pétition, la fermeture des centres de détention est peu probable

Une pétition demande la fermeture des centres de type Frambois. Mais c’est le contraire qui est en route: une étude montre qu’il faudrait 200 places de plus en Suisse. Et Genève fait dans la surenchère avec un projet de 250 places.

Le centre de détention genevois de Frambois, où le film «Vol spécial» a été tourné.

Le centre de détention genevois de Frambois, où le film «Vol spécial» a été tourné. © Pascal Frautschi

En finir avec Frambois et les centres de détention similaires en Suisse. C’est ce que demande une pétition, lancée par les milieux culturels dans la foulée de la sortie du film «Vol spécial». Or, dans les tiroirs des administrations, c’est tout le contraire qui est prévu. Alors que la Suisse dispose d’environ 400 places, une enquête effectuée par l’Office fédéral des migrations montre qu’il faudrait en créer deux cents de plus pour répondre aux besoins des cantons, dont la moitié en Suisse romande.

2000 signatures en une semaine
Le film de Fernand Melgar met en évidence l’existence de ces lieux, dernière adresse pour près de 4000 étrangers par an, avant leur retour forcé au pays. Cette détention dite «administrative» permet de priver de liberté des personnes dont le principal tort est de refuser de quitter le territoire suisse. Même si, comme l’a révélé il y a une semaine «Le Matin Dimanche», les détenus sont loin d’être tous des enfants de chœur, les pétitionnaires parlent de pratiques «inhumaines» et ont récolté 2000 signatures en une semaine. Le débat est relancé alors que, politiquement, ces centres ont plutôt le vent en poupe. Le centre de Frambois, qui découle d’un concordat entre les cantons de Genève, Vaud et Neuchâtel, devrait ainsi passer de 23 à 50 places.

Et les Genevois songent aussi à faire cavalier seul. En septembre dernier, le Grand Conseil a voté une motion du groupe radical demandant la création de 250 places. Le député Frédéric Hohl explique que cette proposition «n’est pas sortie d’un chapeau mais a été préparée après analyse de la situation avec les autorités policières et pénitentiaires». Pour le radical, les 16 places réservées à Genève dans le centre de Frambois ne sont pas suffisantes, «et ça se sait!» Ce qui, pour lui, aggrave la situation sécuritaire de la ville. Laurent Paoliello, porte-parole de la conseillère d’Etat Isabel Rochat, confirme que la demande du Grand Conseil sera intégrée à la planification pénitentiaire en cours d’élaboration. «Ces 250 places seront rapidement occupées», ajoute-t-il. Comment expliquer cette course à la rétention? Pour certains, la Suisse romande aurait accumulé un certain retard dû à l’absence de majorité politique pour de tels projets, notamment à Genève. Henri Nuoffer, secrétaire général de la Conférence latine des chefs des départements de justice et police évoque pour sa part les changements géopolitiques. «La Suisse attire toujours plus de réfugiés dits économiques. Comme ils ne répondent pas aux critères d’octroi du droit d’asile, ils ne peuvent pas tous rester sur notre sol. La plupart s’en vont sans qu’il y ait besoin de les détenir pour assurer leur départ. Mais d’autres pas. Et ils sont toujours plus nombreux», indique-t-il. Roger Schneeberger, secrétaire général de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police, ajoute un autre argument: l’initiative pour le renvoi des criminels étrangers, qui devrait bientôt entrer en vigueur. Enfin, dans le canton de Vaud, Henri Rothen, chef du Service de la population, parle d’une «augmentation de la résistance au départ».

Fermeture coûteuse
Pour les autorités, fermer les centres de détention administrative semble impensable. «Comment voulez-vous renvoyer quelqu’un qui se cache? S’il n’est pas dans un centre, on aura réservé une place sur un vol, voire même organisé un vol spécial, et au moment voulu, on ne trouve plus personne. Je pense que ça coûterait cher à la Suisse…» estime Roger Schneeberger. Résoudre un problème en fermant des centaines de portes à double tour? Des organisations tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps. La Suisse a déjà fait l’objet de deux rapports indépendants sur la gestion de ses centres. Résultat: les durées de rétention sont trop longues, les conditions souvent inappropriées. Même le Tribunal fédéral a dû rappeler les cantons à l’ordre: la détention administrative ne doit pas avoir un caractère pénal. Elle doit être exécutée dans des locaux autres qu’une prison. En Suisse, il existe trois centres distincts, dont Frambois. Les autres places ont été aménagées dans des établissements pénitentiaires.

Magalie Goumaz dans le Matin Dimanche

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QUELLES SONT LES AUTRES SOLUTIONS?

Et si on fermait les centres de détention administrative? Ce n’est pas ce que demande le HCR, ni même les organisations de défense des droits de l’homme. Mais Amnesty International estime que les autorités ne misent pas suffisamment sur le dialogue pour convaincre un étranger qu’il vaut mieux partir librement avec une aide au retour que rester enfermer dans un centre jusqu’au renvoi forcé. Le problème, selon Denise Graf, spécialiste du dossier «asile» à Amnesty International, c’est que la même autorité a en mains les deux options. «Pour octroyer l’aide au retour, en expliquer les enjeux et l’intérêt, une institution indépendante parviendrait sans doute à établir un meilleur dialogue et à nouer une relation de confiance avec les personnes», estime Denise Graf. Au HCR, Susin Park, responsable du bureau suisse, évoque une expérience qui porte ses fruits en Belgique. On y a ouvert des «maisons du retour», soit un projet pilote qui offre un véritable accompagnement aux familles et personnes vulnérables qui doivent quitter le pays. «Les personnes se sentent écoutées, respectées. Et les résultats jusque-là sont positifs!»

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