samedi 15 mai 2010

La burqa, mieux vaut en rire

Peter de Wit Avec Burqa Fashionista , le dessinateur hollandais Peter de Wit caricature l’intégrisme vestimentaire islamique. Et ça cartonne. Claude Ansermoz dans 24 Heures.

Peut-on rire, ces temps-ci, de ou avec la burqa? Peter de Wit dit oui. Le Néerlandais fait même mieux, il dessine. Des petits comic strips hilarants et décalés qui ont pour vedettes des femmes dans leur vêtement controversé du moment. Chaque semaine, dans le quotidien progressiste De Volkskrant , repris ensuite sur le site du Courrier international . Aux Pays-Bas, le best of des Burka Babes est épuisé (plus de 20 000 exemplaires vendus). Il sort traduit en français la semaine prochaine. burqa1

Peter de Wit, qu’on dérange au téléphone en train justement de dessiner, est tombé en 2005 presque nez à nez avec l’une de ces femmes. Dans son studio à l’ouest d’Amsterdam. «Je me suis dit: «Mais qu’est-ce que c’est que ça?» raconte-t-il dans un anglais mâtiné d’accent flamand. C’est très intimidant de voir un grand objet noir marcher. L’image est tellement puissante. Pour un dessinateur, c’est un défi fantastique de trouver le petit détail qui tue. En dehors de tout contexte politique ou religieux.» Mesdames Burqa, Peter de Wit les a fait d’abord rentrer dans le cabinet de Sigmund , «mon personnage fétiche, un psychiatre chez qui déboule toute la société du pays. Mais elles ont fini par éliminer Sigmund pour devenir des personnages à part entière.»

burqa3

Pas de polémique

Dessiner l’islam avec humour? Pour l’avoir fait, le Danois Kurt Westergaard, (il avait croqué Mahomet enturbanné avec une bombe) a été mis en retraite pour des raisons de sécurité après une tentative de meurtre à son encontre en début d’année. L’Allemande Eva Schwingenheuer, dont le trait plus caustique et politique détourne lui aussi la burqa, refuse que son portrait soit publié. Par précaution .

«Mon approche est différente, assure Peter de Wit. Mes dessins ne sont pas polémiques ou offensants, mais ils essaient d’être drôles. Ce ne sont que des personnages commentant la société dans laquelle ils vivent: les hommes ou leur religion par exemple. Ces femmes ne sont pas heureuses de porter la burqa, mais elles doivent le faire. Tout en rendant cela le plus vivable possible. Des ménagères portant le cabas qui expriment des opinions fortes. Je réponds toujours aux quelques e-mails courroucés mais jamais menaçants que je reçois. Il n’est pas rare que des femmes voilées ou en foulard achètent mon livre et me demandent de le leur dédicacer. J’aimerais d’ailleurs que tous les musulmans hollandais amateurs de cartoons achètent ce livre. Cela enlèverait de la pression à ce sujet chaud.»

burqa2

Car aux Pays-Bas, le sujet de la burqa est aussi sensible. Le parlementaire populiste Geert Wilders proposant même de taxer le voile ou le foulard. «Ici, il y a peut-être cinquante, voire cent femmes portant la burqa (ndlr: cent cinquante selon un rapport effectué pour le Sénat français) . C’est un problème mineur. Mais une femme emprisonnée dans son propre vêtement, l’image est forcément forte. Et donc récupérée politiquement. Aux Pays-Bas, la burqa est interdite dans certains lieux publics, comme les universités. Mais il serait anticonstitutionnel de l’interdire totalement.»

Quid de la censure du bouffon au crayon? «Je me fixe moi-même mes limites. Vous ne pouvez pas demander à un dessinateur de ne pas croquer les catholiques, l’islam ou la reine des Pays-Bas, qui est ici un sujet tout aussi sensible. Depuis l’affaire des caricatures danoises, la pression est indéniablement plus forte. Mais la liberté de la presse est au-dessus de tout ça .»

La burqa emballe. Faut-il l’interdire pour autant ?

burqa bruxelles La motion d’Oskar Freysinger «Bas les masques!» force la classe politique à se prononcer sur un vêtement religieux qui ne concerne qu’une centaine de femmes dans le pays.  Un article de Chantal Savioz dans 24 Heures.

La burqa est plus que jamais montée en épingle. Faut-il l’interdire en Suisse? Deux conseillères fédérales ont pris position sur la question le week-end dernier. La ministre de Justice et Police, Eveline Widmer-Schlumpf, s’est prononcée en faveur de l’interdiction. Micheline Calmy-Rey a, elle, adopté une position plus prudente, soulignant les risques de stigmatisation d’une communauté. Risques malvenus juste au sortir du vote antiminarets, qui a placé la Suisse sous les tirs croisés des pays musulmans. Le thème du voile intégral devient affaire d’Etat en Suisse, tout comme en France et en Belgique. Au lendemain du vote antiminarets, le PDC, par la voix de son président, Christophe Darbellay, avait ouvert le débat. Très récemment, le Grand Conseil argovien, emmené par le député libéral-radical Philipp Müller, a voté une motion visant l’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public suisse. Une commission du Grand Conseil prépare dans ce sens un texte d’initiative qui pourrait être déposé auprès des Chambres fédérales.

«Bas les masques!»

Certains signes de nervosité à l’encontre de ce vêtement apparaissent ailleurs, comme en ville de Fribourg, où plane la menace d’une baisse de 15% des prestations sociales accordées à des musulmanes portant le voile. Les services concernés ont démenti. Toujours est-il que le voile dans l’espace public pose problème.

Autre front antiburqa: celui préparé par le conseiller national UDC valaisan Oskar Freysinger. Sa motion intitulée «Bas les masques!», déposée en mars dernier, devrait être traitée dès le 31 mai, lors de la session d’été. «Cet automne au plus tard», menace le Valaisan. Le fer de lance de la campagne antiminarets a vu large. Il demande une règle fédérale interdisant les visages couverts dans les transports publics, devant les autorités et lors des manifestations. Le texte s’attaque aussi au port des cagoules ou des masques en dehors de certaines périodes autorisées.

«Face à la nervosité ambiante, ma motion permet de régler le problème à moindre mal, prévient d’ores et déjà Oskar Freysinger. Elle ne s’attaque pas à la liberté religieuse, mais incite à une modification de la loi sur la sécurité intérieure. Si elle ne passe pas, on peut craindre que l’interdiction de la burqa fasse l’objet d’une initiative populaire et qu’elle fasse un raz-de-marée devant le peuple.»

Les femmes résistent

L’UDC ne semble pas vouloir partir à l’assaut des signatures. Ueli Maurer s’est en effet prononcé contre l’interdiction de la burqa. Le PDC se montre, lui, plus décidé à combattre le vêtement qui symbolise «l’expression du fondamentalisme».

Les partis bourgeois donnent le la et ouvrent un débat politique sur un sujet religieux. «La burqa est un symbole du pouvoir de l’homme sur la femme et empêche l’intégration», soulignent les partisans de l’interdiction.

Face à un tel argumentaire, les femmes semblent curieusement résister. Si certaines musulmanes suisses saluent un débat salutaire (lire ci-dessous) , d’autres féministes optent pour la prudence. Réunie dimanche dernier, l’organisation féminine Alliance F s’est opposée à un bannissement pur et simple. Les élues socialistes, Vertes, libérales-radicales et chrétiennes sociales se sont unies pour se prononcer contre l’interdiction. «On est en train de monter en épingle un faux problème, s’exclame la conseillère nationale socialiste Maria Roth-Bernasconi. La burqa ne concerne que quelques cas en Suisse. C’est une feuille de vigne qui masque à peine les vrais problèmes que pose l’égalité en Suisse.» La Genevoise signale encore le dispositif qui existe dans les cantons, dans les communes pour régler les cas problématiques de visage masqué dans l’espace public. «Aller au-delà, c’est jeter de l’huile sur le feu!»

Faut-il interdire la burqa ? Opinions

burqa opinion stéphane lathion burqa opinion saida keller-messahli burqa opinion martine brunschwig-graf

Burqa: opinion des lecteurs

 burqa sondage 24H

image image

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

image

Voile islamique

Courriers de lecteurs dans le quotidien 24 Heures à propos du voile islamique

Mais quelles leçons avons-nous à donner?

A Fribourg, une conseillère communale met les musulmanes qui portent le voile sur le même plan que les alcooliques impossibles à réinsérer dans la société. De la part d’une femme dont la grand-mère n’aurait sans doute pas osé sortir dans la rue sans un fichu ou un chapeau sur la tête — mais qui accepte probablement que les adolescentes se promènent le ventre à l’air! — ce manque de respect vis-à-vis d’une coutume nullement scandaleuse traduit un obscurantisme qui évoque les chasses aux sorcières de sinistre mémoire.

Quelles leçons avons-nous à donner alors que nous sommes les héritiers sinon les fidèles d’une religion dont l’attitude de ses dignitaires n’aura pas toujours été irréprochable hier comme aujourd’hui? Alors que nous qui assistons à la destruction de la planète menacée de toutes parts, ne devrions-nous pas exiger des politiciens qu’ils ne fabriquent pas de faux problèmes pour cacher les vrais?

Frank Böttger, La Sarraz

Le rôle de l’Etat n’est-il pas de lutter contre la discrimination?

Cette réduction de 15% des prestations sociales aux femmes musulmanes qui refusent de retirer leur foulard pour assurer la garde d’enfants après l’école est choquante.

N’est-ce pas le rôle de l’Etat de lutter contre la discrimination à l’embauche, qu’elle soit liée à l’appartenance ethnique, religieuse ou à un trait physique?

Le cas est d’autant plus choquant par l’utilisation du moyen de pression que représente la menace de restriction de l’aide à la subsistance.

Voilà où nous mène l’opportunisme de nombreux politiciens suisses, à l’image de M. Darbellay, s’engouffrant dans la brèche ouverte par l’UDC suite à la votation contre les minarets. Je pense qu’ils devraient mesurer les conséquences d’une montée de la discrimination contre les musulmans de Suisse. Sont-ils conscients qu’ils s’en prennent certes à une minorité, mais pas si minoritaire que ça: dans nos écoles, environ un tiers des enfants qui formeront la société de demain sont musulmans. Quel message leur envoie-t-on?

Par ces attaques constantes contre l’expression de l’islam, on marginalise des personnes parfaitement intégrées dans notre pays. Par un mécanisme de défense, leur revendication d’appartenance religieuse est exacerbée alors que celle-ci n’était qu’une des facettes constituant leur identité, être Suisse en étant une autre.

Chantal Nebri, Yverdon-les-Bains

L’interdire est un profond manque de respect

A propos de l’article intitulé «Le canton d’Argovie veut à son tour bannir le voile intégral» ( 24 heures du 5 mai 2010):

La question posée sur l’interdiction de la burqa en Suisse est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Parce que l’idée même d’un simple voile est trop facilement associée avec islamisme intégriste, à juste titre d’ailleurs par rapport aux événements et attentats terroristes vécus.

Or, autant je suis d’avis qu’il faut lutter par tous les moyens contre le terrorisme, autant faut-il respecter les femmes qui souhaitent conserver le port de la burqa. Et le leur interdire est simplement un profond manque de respect, voire du mépris à leur égard. Bien sûr qu’elles doivent aussi comprendre et admettre que leur voile et tout autre moyen de se cacher le visage n’est pas autorisé ici dans certains lieux publics et en particuliers lors de contacts et formalités auprès de nos administrations.

Alors comment diable concilier tout cela? Je n’en ai pas la moindre idée… Mais le chemin de l’interdiction pure et simple du port de la burqa n’est certainement pas le bon.

Stéphane Coeckelenbergh, Lausanne

Question de sécurité

Interdire la burqa n’est pas un acte anti-islamique puisque le Coran ne le demande aucunement, c’est aussi un problème de sécurité. En effet, n’importe quelle personne peut se cacher sous un tel costume.

Il faudrait aussi interdire le port de la cagoule lors de diverses manifestations car si les manifestants n’osent pas se montrer le visage découvert… qui peuvent-ils être? Ce n’est guère rassurant pour la population.

Alors si nous proposons une loi, allons jusqu’au bout et interdisons avec précision ce que nous voulons et cela pour notre sécurité.

En revanche, le port du voile découvrant le visage ne devrait pas nous indisposer, les sœurs catholiques le portent bien!

Denise Charbonney, Gland

On veut nous faire avaler tout et n’importe quoi

A propos de l’éditorial de Caroline Zuercher intitulé «Des musulmanes prises en otage par la burqa» ( 24 heures du 4 mai 2010):

En lisant cet éditorial publié en première page de 24 heures , j’ai eu le profond sentiment que — en tant que lectrice et abonnée — j’étais considérée comme une personne incapable de discernement, à qui on peut faire avaler tout et n’importe quoi.

En effet, d’après l’auteur, les femmes musulmanes bien dans leur tête — de préférence «couverte» (les autres n’étant pas concernées) — sont pour la plupart des «touristes». Mais quelques lignes plus loin, on peut lire «qu’elles en ont marre d’essuyer le regard des passants, des commentaires d’une institutrice ou du refus d’un employeur».

J’aimerais que l’on m’explique comment on peut à la fois être «touriste» et en même temps scolariser ses enfants et être en recherche d’emploi.

Avec de telles contradictions, «arrêtez de nous infantiliser» comme le conseille si bien Mme Zuercher. N’incitez pas le lectorat à aller s’informer et s’abonner ailleurs, auprès d’une presse qui le respecterait et qui ne se permettrait pas de raconter de telles inepties.

Jeannine Simon, Lausanne