Avec Burqa Fashionista , le dessinateur hollandais Peter de Wit caricature l’intégrisme vestimentaire islamique. Et ça cartonne. Claude Ansermoz dans 24 Heures.
Peut-on rire, ces temps-ci, de ou avec la burqa? Peter de Wit dit oui. Le Néerlandais fait même mieux, il dessine. Des petits comic strips hilarants et décalés qui ont pour vedettes des femmes dans leur vêtement controversé du moment. Chaque semaine, dans le quotidien progressiste De Volkskrant , repris ensuite sur le site du Courrier international . Aux Pays-Bas, le best of des Burka Babes est épuisé (plus de 20 000 exemplaires vendus). Il sort traduit en français la semaine prochaine.
Peter de Wit, qu’on dérange au téléphone en train justement de dessiner, est tombé en 2005 presque nez à nez avec l’une de ces femmes. Dans son studio à l’ouest d’Amsterdam. «Je me suis dit: «Mais qu’est-ce que c’est que ça?» raconte-t-il dans un anglais mâtiné d’accent flamand. C’est très intimidant de voir un grand objet noir marcher. L’image est tellement puissante. Pour un dessinateur, c’est un défi fantastique de trouver le petit détail qui tue. En dehors de tout contexte politique ou religieux.» Mesdames Burqa, Peter de Wit les a fait d’abord rentrer dans le cabinet de Sigmund , «mon personnage fétiche, un psychiatre chez qui déboule toute la société du pays. Mais elles ont fini par éliminer Sigmund pour devenir des personnages à part entière.»
Pas de polémique
Dessiner l’islam avec humour? Pour l’avoir fait, le Danois Kurt Westergaard, (il avait croqué Mahomet enturbanné avec une bombe) a été mis en retraite pour des raisons de sécurité après une tentative de meurtre à son encontre en début d’année. L’Allemande Eva Schwingenheuer, dont le trait plus caustique et politique détourne lui aussi la burqa, refuse que son portrait soit publié. Par précaution .
«Mon approche est différente, assure Peter de Wit. Mes dessins ne sont pas polémiques ou offensants, mais ils essaient d’être drôles. Ce ne sont que des personnages commentant la société dans laquelle ils vivent: les hommes ou leur religion par exemple. Ces femmes ne sont pas heureuses de porter la burqa, mais elles doivent le faire. Tout en rendant cela le plus vivable possible. Des ménagères portant le cabas qui expriment des opinions fortes. Je réponds toujours aux quelques e-mails courroucés mais jamais menaçants que je reçois. Il n’est pas rare que des femmes voilées ou en foulard achètent mon livre et me demandent de le leur dédicacer. J’aimerais d’ailleurs que tous les musulmans hollandais amateurs de cartoons achètent ce livre. Cela enlèverait de la pression à ce sujet chaud.»
Car aux Pays-Bas, le sujet de la burqa est aussi sensible. Le parlementaire populiste Geert Wilders proposant même de taxer le voile ou le foulard. «Ici, il y a peut-être cinquante, voire cent femmes portant la burqa (ndlr: cent cinquante selon un rapport effectué pour le Sénat français) . C’est un problème mineur. Mais une femme emprisonnée dans son propre vêtement, l’image est forcément forte. Et donc récupérée politiquement. Aux Pays-Bas, la burqa est interdite dans certains lieux publics, comme les universités. Mais il serait anticonstitutionnel de l’interdire totalement.»
Quid de la censure du bouffon au crayon? «Je me fixe moi-même mes limites. Vous ne pouvez pas demander à un dessinateur de ne pas croquer les catholiques, l’islam ou la reine des Pays-Bas, qui est ici un sujet tout aussi sensible. Depuis l’affaire des caricatures danoises, la pression est indéniablement plus forte. Mais la liberté de la presse est au-dessus de tout ça .»