Les Roms sont harcelés par la police jusque dans leur sommeil
Paru le Vendredi 06 Mars 2009RÉPRESSION - Indésirables sous les ponts, chassés des squats, amendés pour mendicité, les Roms roumains vivent un hiver difficile.
Descentes de police musclées, confiscations d'argent et condamnations pour séjour illégal. A Genève, la répression visant les Roms ne connaît pas de répit. Elle semble même s'être accentuée ces dernières semaines. «Ils sont devenus les souffre-douleur des agents», s'indigne Me Dina Bazarbachi, présidente de Mesemrom. «Nous avons dénoncé à la cheffe de la police une intervention brutale dans un squat à Vernier et nous nous apprêtons à faire de même pour un autre cas survenu au début de la semaine à la Servette», indique l'avocate qui préside l'association de soutien aux mendiants roumains, confirmant une information de la Tribune de Genève. Il y a d'abord un cas remontant à la nuit du 17 au 18 février. Une dizaine de Roms, dont deux enfants, dorment dans un bâtiment vide situé au chemin de la Renfile. Selon leurs témoignages, une patrouille de gendarmerie débarque vers 22h et fait usage de gaz lacrymogènes à l'intérieur sans leur laisser le temps de déguerpir. Deux personnes se blessent en sautant du premier étage. «Les policiers rigolaient en assistant à leur fuite», affirme Me Bazarbachi. La cheffe de la police Monica Bonfanti a ordonné l'ouverture d'une enquête interne.
Une traque sans répit
Enfin, vendredi et lundi derniers, deux autres opérations ont été menées dans des maisons vouées à la démolition sises à la route de Meyrin. La seconde, qui s'est produite au milieu de la nuit, se serait également mal passée. «Selon ce qu'on m'a rapporté, l'attitude des policiers était étrange. Ils ont notamment braqué leurs torches électriques sur les femmes qui se rhabillaient», ajoute la présidente de Mesemrom. Depuis, portes et fenêtres ont été démontées et le propriétaire, une fondation HBM, a fait dresser une immense palissade pour condamner l'accès à la parcelle. Trop nombreux pour tous dormir dans l'abri d'urgence de la Ville de Genève (lire ci-dessous), les mendiants roms sont maintenant systématiquement délogés quand ils s'installent sous les ponts ou dans des lieux désaffectés.
Et le harcèlement se poursuit le jour, quand les Roms font la quête dans les rues de Genève. Selon Dina Bazarbachi, les procédures réglementaires pour les saisies d'argent – autorisées par la loi, à titre d'avance – et les notifications d'amendes ne sont pas suivies. «C'est l'anarchie! Une fois sur deux, on ne leur établit même pas de quittance. Certains ont même été contraints de payer pour d'autres. Au début de l'année, nous avons fait opposition à 300 contraventions.»
Enfin, trois mendiants ont même reçu dernièrement des ordonnances de condamnation du Parquet pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers. Motif: ils n'ont pas présenté de passeport mais une carte d'identité lors de contrôles. «Pour passer les trois mois autorisés sur notre territoire, ils doivent être porteurs d'un passeport. Ces personnes en possèdent tous un. Mais, pensant bien faire, elles ont spontanément tendu aux policiers leur carte d'identité, car leur adresse en Roumanie y figure», explique Me Bazarbachi. La présidente de Mesemrom plaidera leur cause à la fin du mois devant le Tribunal de police, en compagnie de plusieurs confrères. I
«ILS PRÉFÈRENT ÊTRE AUTONOMES»
«Ces évacuations créent un certain désarroi au sein de la communauté rom et accentuent la demande pour un hébergement d'urgence. Mais quand ils ont le choix, ils préfèrent être autonomes», réagit Philippe Bossy, le responsable du secteur exclusion à la Ville de Genève. Selon lui, plus d'une centaine de Roms seraient actuellement à Genève. Au maximum, trente d'entre eux peuvent passer la nuit à l'abri PC des Vollandes, qui compte 100 places. Un tournus est établi et les plus fragiles (femmes seules, personnes âgées, malades) ne sont jamais refusés. Quant aux femmes avec enfants, elles sont envoyées à l'Armée du salut. «C'est une question d'équilibre. Un groupe, quel qu'il soit, ne doit pas être trop important, au risque de créer des problèmes de cohabitation», ajoute Philippe Bossy. Si la plupart des Roms croisés à Genève sont originaires du nord-est de la Roumanie, d'autres clans sont apparus cet hiver. Des Slovaques, et aussi des familles roumaines qui ont récemment dû quitter la France et l'Espagne où elles vivaient depuis plusieurs années. Victimes du durcissement des lois, ces gens errent à la recherche d'un nouveau point de chute. «Mais il ne s'agit en aucun cas de réseaux mafieux», précise le fonctionnaire