Ils fuyaient la Libye pour rejoindre l'Italie, jeudi. Leur embarcation surchargée a chaviré sous le poids des passagers. Pierre Henry, directeur général de l'ONG France terre d'asile, rappelle que l'Europe et la France ont un devoir de protection des populations civiles.
Nous sommes face à une véritable urgence humanitaire, comme à chaque fois que nous sommes en situation de guerre.
La majorité de l'opinion publique européenne n'en mesure pas les conséquences, notamment parce qu'elle n'est pas éclairée par les médias, qui ne regardent pas au bon endroit.
Nous ne voyons aucune image de guerre. Aucune image des conséquences des bombardements. Seule l’opposition libyenne circulant à bord de pick-up est filmée. Comme d'habitude, nous verrons tout le reste après. Ces choses-là font partie de la gestion stratégique de la guerre.
L'opinion publique européenne a donc globalement l'impression que ce conflit ne lui appartient pas, qu'il se déroule hors-sol. Or les conséquences sont surtout les 800.000 déplacés, dont 400.000 en Tunisie, et les centaines – voire les milliers – de morts. Le Haut commissariat aux réfugiés faisait état il y a déjà trois semaines de 1.200 personnes mortes en Méditerranée.
Tout cela se déroule dans le silence et l'indifférence les plus totales.
Rappelons pourtant que la France et l’Europe ont un devoir de protection des populations civiles. Ce concept ne s’arrête pas aux portes de Benghazi. Il doit s'appliquer à tous ceux qui tentent de quitter le chaos d'un pays en guerre.
Au Sud de la Tunisie se trouve un camp de réfugiés, le camp de Choucha. Chaque jour, la vie s'y complique et devient plus dure, les tensions aboutissent parfois à des morts. Parmi les individus qui s'y trouvent, on compte des Erythréens ou des Nigérians, qui n'ont plus le droit de retourner dans leur pays. Alors ils repassent la frontière et tentent de fuir par la mer depuis la Libye. C'est un retour à la case départ.
L'Europe refuse de partager la charge de l’accueil de personnes qui fuient la guerre, alors que sa responsabilité est entière. Il y a 13 ans, lors de la guerre des Balkans, l'Europe a accueilli plus de 100.000 réfugiés. Cette fois-ci c'est la même chose : nous sommes engagés, donc responsables.
Or pour l'instant, nous assistons surtout à une non-assistance à réfugiés en danger.
Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, dans le Nouvel Observateur