samedi 24 mai 2008
Le mal est déjà fait
Lire cet édito du Courrier
A une semaine de la votation fédérale, l'initiative «pour des naturalisations démocratiques» mobilise la quasi-totalité des partis et l'ensemble de la société civile. Hier encore, le président de la Confédération dénonçait avec fougue cette intolérable atteinte à l'Etat de droit[1]. A grand renfort d'encarts publicitaires, les comités bourgeois appellent les électeurs à la raison face au projet outrancier de l'UDC. Pourtant, même si le dernier sondage SSR –qui indique un retournement de situation salutaire en faveur du non– laisse à penser que le parti d'extrême droite ne triomphera pas le 1erjuin, le mal est déjà fait. Soi-disant seule contre tous, l'UDC continue patiemment d'instiller sa propagande raciste dans la tête des Suisses. Elle en récolte les fruits à chaque nouvelle élection et pèse de tout son poids sur les politiques d'immigration. Lorsqu'il s'agira par exemple de se prononcer sur l'expulsion facilitée des étrangers condamnés, sur un énième durcissement du droit d'asile et du séjour des extra-Européens, le cordon sanitaire dressé autour de cette initiative aura vite fait de sauter. Pour refaire place à la connivence habituelle. La procédure d'acquisition de la nationalité suisse est l'une des plus restrictives au monde. Intangible, le droit du sang veille sur la «suissitude». La Suisse naturalise beaucoup en chiffres absolus? Certes, mais sa communauté étrangère est bien plus importante qu'ailleurs (21% des résidents). Et si l'on regarde la part des naturalisations par rapport à la population étrangère, le taux est l'un des plus faibles d'Europe. Tout le monde –sauf évidemment la formation de Blocher– semble d'accord là-dessus. C'est précisément là où réside le problème. Aujourd'hui, s'opposer aux provocations de l'UDC –cette initiative en est bien une– revient à vanter les mérites d'un système suisse qui n'a malheureusement pas attendu l'émergence de Blocher pour ériger une forteresse contre la «menace étrangère». La boucle est bouclée. Même à gauche, on ne se prive pas de louer la «rigueur» et les garde-fous de la législation actuelle. Qui n'a pas entendu un élu vert ou socialiste raconter la bouche en coeur qu'effectivement la naturalisation n'est pas un droit et qu'il lui est arrivé plus d'une fois de recaler un candidat indigne au passeport rouge à croix blanche? Soumettre la naturalisation d'une personne à l'approbation du corps électoral est une aberration. C'est le règne de l'arbitraire. Cette démarche, purement administrative, ne regarde que l'intéressé et l'Etat. Quant à la suppression de toute voie de recours, elle constitue une injustice grave. La majorité du peuple se ralliera probablement à cet avis. Mais le rejet de l'initiative de l'UDC ne servira que s'il marque le début d'une prise de conscience des Suisses. Soit l'impérieuse nécessité de redéfinir les bases de la citoyenneté pour y insuffler une dose massive de solidarité et d'égalité, des notions aujourd'hui galvaudées. Rien n'empêche d'en rêver. Car, dans le cas contraire, le 1erjuin 2008 ne sera qu'une péripétie dans la dérive raciste et xénophobe de la Suisse.
[1]Le Courrier et La Liberté.
A une semaine de la votation fédérale, l'initiative «pour des naturalisations démocratiques» mobilise la quasi-totalité des partis et l'ensemble de la société civile. Hier encore, le président de la Confédération dénonçait avec fougue cette intolérable atteinte à l'Etat de droit[1]. A grand renfort d'encarts publicitaires, les comités bourgeois appellent les électeurs à la raison face au projet outrancier de l'UDC. Pourtant, même si le dernier sondage SSR –qui indique un retournement de situation salutaire en faveur du non– laisse à penser que le parti d'extrême droite ne triomphera pas le 1erjuin, le mal est déjà fait. Soi-disant seule contre tous, l'UDC continue patiemment d'instiller sa propagande raciste dans la tête des Suisses. Elle en récolte les fruits à chaque nouvelle élection et pèse de tout son poids sur les politiques d'immigration. Lorsqu'il s'agira par exemple de se prononcer sur l'expulsion facilitée des étrangers condamnés, sur un énième durcissement du droit d'asile et du séjour des extra-Européens, le cordon sanitaire dressé autour de cette initiative aura vite fait de sauter. Pour refaire place à la connivence habituelle. La procédure d'acquisition de la nationalité suisse est l'une des plus restrictives au monde. Intangible, le droit du sang veille sur la «suissitude». La Suisse naturalise beaucoup en chiffres absolus? Certes, mais sa communauté étrangère est bien plus importante qu'ailleurs (21% des résidents). Et si l'on regarde la part des naturalisations par rapport à la population étrangère, le taux est l'un des plus faibles d'Europe. Tout le monde –sauf évidemment la formation de Blocher– semble d'accord là-dessus. C'est précisément là où réside le problème. Aujourd'hui, s'opposer aux provocations de l'UDC –cette initiative en est bien une– revient à vanter les mérites d'un système suisse qui n'a malheureusement pas attendu l'émergence de Blocher pour ériger une forteresse contre la «menace étrangère». La boucle est bouclée. Même à gauche, on ne se prive pas de louer la «rigueur» et les garde-fous de la législation actuelle. Qui n'a pas entendu un élu vert ou socialiste raconter la bouche en coeur qu'effectivement la naturalisation n'est pas un droit et qu'il lui est arrivé plus d'une fois de recaler un candidat indigne au passeport rouge à croix blanche? Soumettre la naturalisation d'une personne à l'approbation du corps électoral est une aberration. C'est le règne de l'arbitraire. Cette démarche, purement administrative, ne regarde que l'intéressé et l'Etat. Quant à la suppression de toute voie de recours, elle constitue une injustice grave. La majorité du peuple se ralliera probablement à cet avis. Mais le rejet de l'initiative de l'UDC ne servira que s'il marque le début d'une prise de conscience des Suisses. Soit l'impérieuse nécessité de redéfinir les bases de la citoyenneté pour y insuffler une dose massive de solidarité et d'égalité, des notions aujourd'hui galvaudées. Rien n'empêche d'en rêver. Car, dans le cas contraire, le 1erjuin 2008 ne sera qu'une péripétie dans la dérive raciste et xénophobe de la Suisse.
[1]Le Courrier et La Liberté.
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