lundi 19 septembre 2011

Simonetta Sommaruga émue par le documentaire de Fernand Melgar

simonetta sommaruga avant-première vol spécial La projection, hier soir, de «Vol spécial», du réalisateur lausannois Fernand Melgar, restera sans doute l’un des moments forts de ce FFFH. Les spectateurs d’un Rex 1 archicomble ont été plongés au cœur du centre de détention administrative de Frambois à Genève, l’un des 28 centres d’expulsion pour sans papiers de Suisse.

Au-delà de la diffusion de ce documentaire largement médiatisé après la polémique du Festival du film de Locarno – le président du jury l’a qualifié de «film fasciste» –, la soirée d’hier a été marquée par le podium de discussion autour de la problématique des renvois forcés qui a suivi la projection. La conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga, à la tête du Département fédéral de justice et police, a en effet vu le documentaire de Fernand Melgar pour la première fois: «Il est difficile de réagir après cette projection. Je suis très émue. Je vous remercie d’avoir donné la voix à ceux qui n’ont pas de lobby pour les défendre. Ce documentaire va permettre de débattre de la thématique et dans ce sens il est très important.»

Le réalisateur a pu ainsi rappeler quel était le sens de sa démarche: «Je fais des films pour questionner mon temps, pas pour donner des réponses.» La conseillère fédérale a aussi tenu à relever que «le personnel des centres de détention administrative faisait un travail difficile et que cette réalité a été filmée avec respect». L’occasion pour Fernand Melgar de rappeler que le centre de Frambois fait figure d’humaniste dans le paysage helvétique. «Dans le Flughafengefängnis de Zurich, les détenus sont enfermés durant 23h/24h. En Appenzell, les Blancs et les Noirs sont séparés. J’aurais voulu filmer jusqu’à l’entravement qui précède le vol, mais l’Office des migrations a refusé, car il est interdit de filmer «des situations humiliantes et dégradantes», m’a-t-on dit. Donc, de fait elles le sont.»

Les solutions de Simonetta Sommaruga
Le public a pu poser ses questions. «J’aimerais que vous respectiez l’être humain» , a lancé cette spectatrice à la ministre socialiste, laquelle n’a pas promis monts et merveilles. Secrétaire général adjoint de l’Instruction publique pour la partie francophone du canton, Guy Lévy a tout d’abord relevé le non-sens de ce qui est vécu à Frambois: «Je n’en veux pas au personnel qui fait de son mieux. Mais quand il souhaite «Bonne chance» ou «Bon voyage» à celui qui va être expulsé, cette situation n’a pas de sens. En tant que conseillère fédérale socialiste, comment peut-on infléchir un discours qui nous amène à la frontière de l’inacceptable?» La ministre lui a répondu: «J’ai le devoir d’appliquer les lois qui ont été votées, mais je souhaite aussi améliorer la procédure d’asile en renforçant la protection juridique des requérants et en la rendant plus rapide. Les vols spéciaux doivent continuer d’exister, car si on ne va pas jusqu’au bout, notre politique d’asile n’est pas crédible. Elle est pleine de dilemmes. Le Parlement m’a demandé de faire un projet de loi qui permette aux sans papiers d’effectuer un apprentissage. Qu’en sera-t-il des parents et de la fratrie du jeune en formation? Pourront-ils rester jusqu’au terme de son CFC?» , s’est interrogée Simonetta Sommaruga. Allant dans le sens de la la professeure de droit Martina Caroni, aussi présente hier soir, la socialiste a estimé qu’il n’y a pas de solution simple aux questions migratoires, «c’est pourquoi il est facile de faire de la politique sur cette question».

Fernand Melgar a toutefois questionné: «Qui a vraiment envie de quitter sa famille, ses amis, Bamako, une des plus belles villes du monde? Les migrants sont poussés par la faim. Et le nouveau joujou des traders, ce sont les matières premières. Leur prix a augmenté entre cinq et dix fois ces dix dernières années à cause de ces délinquants en col blanc.» En guise de conclusion, la cheffe de Justice et police s’est montrée intéressée – «mais je ne veux pas vous dire ce que vous devez faire» – par un documentaire de Fernand Melgar sur les délinquants en col blanc. Histoire d’ouvrir le débat?

Jusqu’à l’expulsion
Avec «Vol spécial», Fernand Melgar porte son regard vers la fin du parcours migratoire. Le cinéaste s’est immergé pendant neuf mois dans le Centre de détention administrative de Frambois à Genève, l’un des 28 centres d’expulsion pour sans papiers en Suisse. Chaque année en Suisse, des milliers d’hommes et de femmes sont emprisonnés sans procès ni condamnation. Pour la seule raison qu’ils résident illégalement sur le territoire, ils peuvent être privés de liberté pendant 24 mois dans l’attente de leur expulsion. On trouve à Frambois des requérants d’asile déboutés ou des clandestins. Certains sont établis en Suisse depuis des années, ont fondé une famille et travaillent. Dans ce huis clos carcéral, le face-à-face entre le personnel et les détenus prend au fil des mois une dimension d’une intensité parfois insoutenable. Jusqu’à l’annonce de l’expulsion.

Vivian Bologna dans le Journal du Jura

« Certains musulmans sont restés cloîtrés chez eux »

Le 22 juillet, il a fallu deux heures aux autorités pour annoncer que le tueur était norvégien. Deux très longues heures pour les musulmans d'Oslo.

« Il y a eu une vague immédiate de racisme, raconte Ellen. J'ai vu des étrangers se faire insulter dans le bus. Les gens pensaient que l'attentat était l'œuvre d'Al-Qaida. » Les musulmans ne s'en sont pas encore remis. Seule touche de bleu dans un quartier terne, la mosquée d'Akebergveien garde désormais les volets baissés. Même aux heures de prière. La porte de l'entrée a été caillassée. Quant aux fidèles, ils détournent les yeux à la moindre question.

Le « champ des dieux »
« Aujourd'hui, cela va un peu mieux, confie pourtant Talaat, un réfugié palestinien de 35 ans. Mais, après l'attentat, certains sont restés cloîtrés chez eux de peur des représailles. » Car en tuant 77 personnes, Anders Breivik voulait dénoncer « l'islamisation rampante ». En trente ans, le taux d'immigrés est passé de 1,7 % à 11,4 %. « Mais nous avons toujours été bien intégrés, poursuit Talaat. Cela doit continuer. Inch Allah ! » Pour s'en convaincre, il faut se rappeler les origines d'Oslo. En vieux norvégien, cela signifie justement « le champ des dieux »

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