jeudi 15 novembre 2007
L'Imam devra parler français
islamique de Crissier (devant),
ne connaît que les rudiments
du français. Il a besoin des services
du traducteur Mostafa Brahami,
un fidèle (derrière), pour se faire
comprendre. Pourtant en cas de crise,
pour les autorités, c’est lui qui
représente la communauté.
CRISSIER, LE 13 NOVEMBRE 2007
ODILE MEYLAN
Crissier, centre islamique, mardi, au lendemain de la fusillade qui a grièvement blessé un fidèle. Les visages sont graves, rue du Jura, dans cet entrepôt à l’étage duquel se trouve la mosquée fréquentée par les musulmans de l’Ouest lausannois.
Faisant bonne figure contre mauvais sort, Ali Mohamed, un Somalien, adresse quelques salamalecs aux visiteurs de passage. Affable, désireux de dédramatiser une situation dont sa communauté se passerait bien. Affable, mais aphone aussi. A peine quelques phrases en français, une langue dont il comprend les rudiments. Mais qu’il maîtrise trop mal pour s’exprimer. Religieux, formé en Arabie saoudite, l’imam du centre islamique de Crissier-Renens maîtrise en revanche très bien l’arabe.
«Oui, c’est vrai, l’imam comprend et parle le français imparfaitement, reconnaît Mostafa Brahami, un fidèle du centre islamique, qui sert de porte-parole. Au centre, les communications se font dans les deux langues. Des Bosniaques, des Albanais, des Africains aussi, ne comprennent pas l’arabe. Mais les prières, au sens usuel, sont toujours dans la langue du Coran. Les requêtes se font, en revanche, aussi en français.»
D’autres moyens de s’intégrerDéléguée à l’intégration de la ville de Lausanne, Gabriela Amarelle estime que «la langue est un facteur d’intégration. Cela dit, ce n’est pas le seul. Il existe d’autres moyens de s’intégrer.» Mohamed Karmous, président du Centre socioculturel des musulmans de Lausanne, va plus loin: «Je trouve légitime que les imams parlent bien le français. C’est aussi valable pour n’importe quelle personne qui vit dans la région. Mais c’est particulièrement important pour les responsables d’associations religieuses. Lors d’un conflit ou d’une situation de crise, ils doivent pouvoir parler aux autorités au nom de la communauté. Cela devrait même être obligatoire.»
Philippe Leuba, conseiller d’Etat en charge du dossier de l’intégration, précise que «le Grand Conseil a notamment fixé le critère de la langue pour la reconnaissance des associations religieuses par l’Etat». Problème: «Aucune association islamique vaudoise n’a demandé, à ce jour, une telle reconnaissance», affirme Philippe Leuba. Le canton a pour particularité de ne pas mettre catholiques, protestants, communautés juive et musulmane au même niveau de représentation officielle. L’islam venant en troisième position.
Président de l’Association Orient-Occident, Driss Semlali ne pense pas que «la maîtrise de la langue du pays d’accueil soit une priorité». Il ne se dit pas «dérangé de voir des imams mal parler le français, vu qu’ils ont un rôle équivalent à celui d’un conseiller scientifique».
Obligation discutableBasée à Lausanne, l’association Français en Jeu vise à favoriser l’intégration des immigrés en Suisse, par l’apprentissage du français. Son directeur, Laurent Amy, estime lui aussi que les responsables d’associations religieuses devraient pouvoir pratiquer le français pour communiquer avec leur environnement social. En revanche, sur le principe, il se montre plus circonspect quant à l’obligation de l’apprendre: «Nos pédagogues ne sont pas convaincus par l’efficacité de cette méthode. Notre charte stipule que les gens viennent nous voir de leur propre chef. Nous militons pour que tout le monde puisse accéder à une formation en français. Nous faisons un travail de terrain, avec une majorité de personnes qui ont un faible niveau d’éducation et dont certaines ne maîtrisent pas l’alphabet latin.»
Un article de Nicolas Verdan dans 24 HeuresSituation des musulmans: la Suisse est une bonne élève
Lire cet article du Courrier qui relate les premiers échos de la visite du représentant de l'OSCE dans notre pays (ci-dessus) et regardez la séquence du 19h30
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J.-Y. C. : Plus que des percées, ce sont des consolidations puisque le populisme tel qu'on le connaît aujourd'hui est parti de Norvège dès les années 1970. Malgré des situations très variables selon les pays, leur succès est en partie comparable. Ces partis se situent en effet à mi-chemin entre la droite classique radicalisée et l'extrême droite. Outre leur aspect xénophobe, leur refus du multiculturalisme avec l'islam et plus globalement la défense de l'identité nationale, ils sont libéraux en économie, conservateurs sur les questions de société et de mœurs et refusent l'Europe supranationale.
Ils ont également réussi à émerger dans une période de croissance économique et non de récession comme en France avec le Front national. Je qualifie d'ailleurs cette tendance de "populisme de prospérité". En revanche, il faut noter que ces formations sont totalement déconnectées du fascisme des années 30. Ce ne sont absolument pas des nostalgiques de Mussolini ou d'Hitler...