mardi 5 juillet 2011

Frontex, le garde-frontières européen

Le Conseil et le Parlement européens viennent de décider de davantage « muscler » Frontex. L'outil européen de surveillance des frontières de Schengen évolue, mais, faute d'une politique commune de l'immigration, on reste loin d'un vrai système intégré.

C'est la plus grande des agences européennes, mais son nom est peut-être plus connu à Tunis, Dakar, Kaboul ou Khartoum qu'à Berlin ou Paris. Frontex, le bras armé de l'Union européenne pour le contrôle de l'immigration irrégulière aux frontières de Schengen, fait trembler les candidats à l'asile ou à la migration économique ; il les rassure parfois aussi, lorsqu'il se porte au secours de leur fragile esquif au bord du naufrage, au large de Malte ou de la Sicile. Partie prenante de toutes les grandes crises migratoires récentes aux marches de l'Europe, l'agence était à Lampedusa en février dernier, lorsque des milliers de Tunisiens y débarquaient pour fuir leur pays en pleine révolution. Trente experts, 2 bateaux, 2 hélicoptères et 4 avions venus des voisins européens ont été mobilisés par l'agence pour porter assistance aux autorités italiennes. Leur mission : contrôler la situation, recueillir des informations sur les immigrants, les analyser et organiser leur retour vers leur pays d'origine. Multinational mais discret, Frontex reste au mieux mystérieux, mais plus souvent méconnu du grand public.

L'agence, qui, depuis les deux étages qu'elle occupe dans un gratte-ciel de Varsovie, coordonne l'endiguement de la migration illégale à des milliers de kilomètres de là - qu'il s'agisse de boat people en Méditerranée ou aux Canaries, ou de passages à la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce -, est pourtant un vrai « poil à gratter ». ONG et organisations politiques la soupçonnent de non-respect des droits fondamentaux des migrants et critiquent le flou entourant la responsabilité de ses actions ; ses pays membres ne sont pas toujours d'accord entre eux sur ce qu'elle doit être et faire ; et le Conseil et le Parlement européens ont joué un bras de fer de près d'un an et demi pour parvenir enfin, il y a quelques jours, à préciser davantage le cadre et les moyens de ses missions.

La « mauvaise conscience » des Etats

On entend tout et son contraire à propos de Frontex : d'un côté, on stigmatise la faiblesse de ses moyens, environ 80 millions d'euros par an et jusqu'ici pas de matériel en propre pour la surveillance de 42.672 kilomètres de frontières extérieures, 8.826 kilomètres de frontières maritimes et quelque 300 millions de passages annuels à ces frontières ; de l'autre, des opposants voient dans l'agence - d'ailleurs dirigée par un général de brigade finlandais -une véritable « force militaire de dissuasion », voire, comme l'a affirmé l'homme politique et universitaire suisse Jean Ziegler, une « organisation militaire semi-clandestine »... « L'agence est en fait un peu la mauvaise conscience des Etats membres. Elle est celle qui fait le sale boulot : repousser les migrants et les renvoyer d'où ils viennent. Elle symbolise pour beaucoup la "forteresse Europe" », explique Sylvie Guillaume, députée du groupe socialiste au Parlement européen. Agée d'à peine six ans, fruit de multiples compromis au coeur d'une politique de l'immigration à plusieurs voix, cette agence aux contours un peu flous vit en fait « une sorte de crise de croissance ». « Les attentes des pays européens sont de plus en plus fortes et de plus en plus urgentes, alors que ses moyens sont relativement limités », même si son budget a été multiplié par 10 depuis sa création, explique un bon connaisseur de l'organisation. Alors que le problème de l'immigration tourne parfois au cauchemar pour les pays européens, sa capacité de dissuasion et ses résultats sont malgré tout reconnus : en 2009, l'opération Poséidon en mer Egée pour protéger la Grèce a pu mobiliser 21 Etats membres, 23 navires, 6 avions et 4 hélicoptères ; il a encore endigué cet hiver la vague de migration terrestre entre la Turquie et la Grèce, et il a pratiquement tari les flux venant du Sénégal et de Mauritanie vers les Canaries. « Globalement, il est la manifestation de la puissance publique européenne », reconnaît-on au Parlement européen.

Opérationnel depuis 2005, Frontex est né d'une crainte : la perméabilité des frontières extérieures de l'Union européenne lors de son extension à de nouveaux pays membres à l'Est... dont on se méfiait un peu ; et d'une constatation : depuis l'éclatement de la Yougoslavie et les guerres en Afghanistan, en Irak et en Afrique orientale, les migrations politiques ont changé de nature. Elles sont devenues durables, plus organisées et clandestines. Selon les experts, un migrant sur cinq en Europe serait illégal. De là, l'idée de « gestion intégrée des frontières européennes » par une coopération des 25 pays membres de l'UE et ceux de la zone Schengen (y compris l'Islande, la Norvège et la Suisse) coordonnée par Frontex et d'une « mutualisation » de leurs moyens.

Interceptions spectaculaires

Quels moyens, pour quelles missions ? De l'agence, on ne retient généralement que ses interceptions maritimes spectaculaires, lors de grandes campagnes portant toutes le nom de divinités grecques (Héra, Poséidon, Hermès...) et placées sous la responsabilité de l'Etat demandeur. C'est effectivement sa « vitrine » et, grosso modo, la moitié de son budget. Jusqu'ici, Frontex doit faire appel aux moyens matériels de ses membres et leur rembourse ensuite leurs « prestations de services ». Il puise dans un pool d'équipements de contrôle et de surveillance auxquels les Etats membres participent sur une base volontaire : le système Crate, qui dispose cette année de 27 avions, 26 hélicoptères, 114 bateaux et 477 appareils de contrôle aux frontières, indique Frontex. La France s'est ainsi engagée cette année à offrir 5 semaines de mer de patrouilleur et 40 heures de vol de Falcon 50 Marine. Frontex dispose également de gardes-frontières mis à sa disposition par les Etats membres, soit dans le cadre d'opérations programmées annuellement, soit dans le cadre des Rabit, ces équipes communes d'intervention rapide aux frontières mobilisées à la demande d'un pays membre dans une situation grave et soudaine d'afflux de migrants. Créées en 2007, elles se sont déployées pour la première fois en Grèce en octobre dernier. « Tous les pays sont tenus d'avoir un vivier Rabit prêt sous dix jours », explique un responsable. Les experts français mis à disposition (ils sont 130 cette année) seraient semble-t-il particulièrement appréciés par Frontex et les pays hôtes. « Bien que ces équipes ne soient pas chargées de faire des enquêtes policières sur les réseaux de migrants irréguliers, la France est à l'origine de l'engagement de Frontex dans la lutte contre les filières d'immigration irrégulières, qui représentent aujourd'hui la deuxième source criminelle de revenus après le trafic de stupéfiants. Nous souhaitons que Frontex puisse transmettre à Europol toutes les informations relatives à des trafiquants de migrants, recueillies lors des opérations », explique Yves Jobic, sous-directeur des affaires internationales à la Direction centrale de la police aux frontières, et « point de contact » avec Frontex en France, où la coopération avec l'agence est de dimension interministérielle (PAF, Marine et Douanes). Frontex, c'est aussi et surtout de l'« analyse de risque » : « L'agence doit définir en permanence les points verts et les points rouges de la migration irrégulière sur la carte de l'Europe », explique Yves Jobic. C'est encore de la recherche et développement. Elle développe qui des satellites, qui des drones, des techniques de détection (caméras thermiques ou infrarouges, sondes mesurant le gaz carbonique, détecteurs de battements cardiaques...), des senseurs, de la biométrie ou des e-documents, et la formation et l'entraînement des gardes-frontières européens. C'est enfin deux types d'opérations souvent polémiques : les opérations de retour conjointes de migrants financés par l'agence mais organisés par des pays européens (les fameux « charters »), et des accords de contrôle des flux de migration passés avec les pays d'origine ou les pays de transit.

Une action davantage codifiée

Face à la montée en puissance de Frontex, le Conseil et le Parlement européens ont décidé le 24 juin de renforcer, de rendre plus réactive et de codifier davantage son action. Une vraie quadrature du cercle... : « On a voulu une agence renforcée, mais sans trop d'autonomisation et sans trop d'engagements et d'obligations pour les pays membres. » Sans surprise, le contrôle des frontières est - et restera -l'affaire des Etats : « Frontex est un opérateur sous l'autorité de la Commission pour appliquer les décisions du Conseil », rappelle-t-on ainsi à Paris, en ajoutant que « la France est d'accord pour "muscler" Frontex, pas pour accroître son pouvoir ».

Ce qui a été obtenu par Frontex ? D'abord la possibilité d'acquérir (y compris par leasing) ou de co-acheter du matériel - des bateaux ou des hélicoptères par exemple. « L'agence ne dépendra plus du volontariat et d'une programmation parfois lourde des Etats membres. Elle disposera d'un noyau dur d'équipements toujours disponibles », indique-t-on à la Commission. L'engagement des Etats sur la fourniture de matériels ou des moyens humains, une fois pris, deviendra de surcroît obligatoire. Frontex codirigera désormais aussi les opérations avec l'Etat hôte, qui en restera toutefois responsable et organisera lui-même les vols de retours groupés des immigrés. « Un soulagement, en termes d'image, pour les autorités nationales !... », souligne-t-on dans les milieux de la police.

Qu'a obtenu le Parlement européen ? Très soucieux des droits de l'homme et du contrôle démocratique de l'agence, il obtient davantage de transparence, des codes de conduite clairs pour toutes les activités de l'agence et la création d'un officier aux droits fondamentaux (nommé par l'agence), même s'il avait rêvé de contrôles inopinés. Les accords passés par Frontex avec les pays tiers devront par ailleurs répondre aux normes européennes en matière de droits fondamentaux et le principe de non-refoulement des migrants sera respecté « en toutes circonstances », ce qui rend au passage obligatoire le sauvetage en mer.

Ce que certains Etats et le Parlement n'auront pas obtenu, c'est la création d'un « corps européen de gardes-frontières ». On s'en étonnera peu : les Etats tiennent au contrôle ultime de leurs propres frontières. Mais il y a progrès : on verra désormais sur le terrain des « équipes européennes de gardes-frontières ». « On insuffle ainsi de la cohésion dans les équipes », remarque-t-on à Bruxelles.

Au fond, Frontex est au coeur d'une contradiction, soulignent les analystes : il est l'outil d'une politique d'immigration commune qui, prévue pour 2012 il y a douze ans à Tampere..., n'a toujours pas vraiment vu le jour. « Frontex est un des instruments de la politique migratoire de l'Union européenne, qui reste marquée par une juxtaposition de politiques nationales », estime Olivier Clochard, géographe à l'université Bordeaux-III et président de Migreurop. « Il agit ainsi de fait comme un intégrateur de la politique européenne d'immigration ! », ajoute un haut fonctionnaire à Bruxelles.

Daniel Bastien dans les Echos

Danemark: contrôles aux frontières

Le Danemark a décidé de renforcer les contrôles à ses frontières en dépit de la libre circulation.

TSR

Deux plaintes pénales contre une affiche antisémite

Le groupuscule identitaire «Genève non conforme» avait publié sur son blog une affiche où un pantin, portant une kippa et arborant le drapeau d’Israël, était transpercé par une flèche.

Le 17 juin, un groupuscule identitaire avait publié sur le blog de «Genève non conforme» une affiche invitant à un "1er Août non conforme". Sous l’inscription «Sauve la Suisse... vise juste», le visuel montrait un pantin portant une kippa et le drapeau de l’Etat d’Israël, le corps transpercé d’une flèche.

La Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) et la section genevoise de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) ont annoncé lundi le dépôt de plaintes pénales, confirmant une information parue lundi dans la «Tribune de Genève».

Les plaintes doivent être déposées de concert en début de semaine. «Une des conséquences de cette dénonciation sera l’identification des personnes responsables de ce visuel et des administrateurs du site, qui sont responsables de son contenu», a expliqué à l’ATS Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Cicad.

Le blog observé attentivement

L’organisation surveille depuis un certain temps déjà «Genève non conforme». «Notre organe veille d’un oeil sur un certain nombre de groupes qui peuvent être hostiles à la communauté juive ou antisémites. Nous les observons assez régulièrement. Un certain nombres de leaders de ’Genève non conforme’ sont d’anciens acteurs reconvertis d’Uni populaire. Ces liens ne peuvent qu’amener un certain nombre de questions», a poursuivi M. Gurfinkiel.

La Cicad et la Licra ont dénoncé le blog mais n’ont pas demandé son interdiction. «La fermeture du site peut être envisagée s’il n’est plus en conformité avec la loi. La question est ouverte. Certains liens sont clairement identifiés comme fascistes. La question importante est que les personnes assument la responsabilité et les conséquences juridiques du contenu outrancier qu’elles proposent», conclut le secrétaire général de la Cicad.

Emotion en Israël

L’affaire a également suscité l’émotion en Israël. Le visuel a été reproduit in extenso lundi par le quotidien israélien de langue anglaise «The Jerusalem Post» dans ses pages intérieures.

Interrogé par le journal, le Centre Simon Wiesenthal appelle pour sa part les autorités helvétiques à prendre des mesures contre GNC. «Montrer une silhouette israélienne une flèche plantée dans la tête n’a rien avoir avec l’expression politique, mais avec l’intimidation et la haine», assure le rabbin Abraham Cooper, un haut responsable du Centre Simon Wiesenthal.

Selon lui, «il y a de nombreux jeunes juifs religieux en Suisse qui, avec leurs familles, pourraient être pris pour cible».

ATS et Le Matin

Nouvelle mobilisation pour la formation des sans-papiers

sylvie perrinjaquetSylvie Perrinjaquet, ancienne cheffe des écoles à Neuchâtel, estime que la formation des sans-papiers compte plus que leur statut légal.

Enfants sans papiers à l’école. Tel est le nom de la brochure présentée hier à Berne par le Syndicat suisse des services publics et l’Association pour les droits des enfants sans statut légal. Objectif: formuler des recommandations et sensibiliser le corps enseignant comme les autorités scolaires. Les pratiques divergent entre cantons. Il arrive même que, par le biais de l’école, les autorités soient informées de la situation irrégulière des familles. La conseillère nationale neuchâteloise Sylvie Perrinjaquet (PLR) était présente. Interview.

Pourquoi soutenez-vous cette démarche?

La brochure pose un constat et présente bien la situation. Il est ici essentiel que l’on respecte la loi sur la protection des données et que chacun fasse son travail. L’école et les enseignants jouent leur rôle, qui est de former et non pas de dénoncer. Les autres services de l’Etat jouent le leur. Il ne faut pas tout mélanger. Neuchâtel a été le premier canton à reconnaître le droit à la formation d’enfants de sans-papiers. J’ai déposé des interventions parlementaires dans ce sens à Berne. Elles complètent les démarches de mon collègue démocrate-chrétien genevois Luc Barthassat.

spj commentaireN’est-ce pas paradoxal qu’une élue PLR, dont le parti veut un tour de vis migratoire, s’engage pour cette cause?

Non. Mon parti mise sur la valorisation de l’intégration. Les jeunes dont nous parlons ici sont justement souvent des exemples d’intégration. Ils sont d’ailleurs souvent nés ici. En fin de scolarité obligatoire, on est parfois confronté à des situations absurdes: un sans-papiers peut faire des études mais pas d’apprentissage car il ne peut pas signer de contrat vu son statut d’illégal.

Vos collègues radicaux alémaniques sont-ils aussi ouverts?

Il y a effectivement une différence de perception des deux côtés de la Sarine.

Dans la brochure, est-ce bien judicieux de pousser les enseignants à ne pas communiquer la présence d’enfants clandestins à certaines autorités, par exemple au Contrôle des habitants? Ne franchit-on pas la ligne rouge?

Mais dans mon canton les enseignants ne connaissent pas le statut des élèves et de leur famille. Et ils n’ont pas à le connaître. En Suisse alémanique, la pratique semble différente en matière d’information des directions et du corps enseignant. Chez nou,s le jeune est au centre. Pas question de jouer les auxiliaires des autorités migratoires. Pour moi c’est clair: dans le dossier des jeunes sans-papiers, le droit à la formation prévaut sur la question du statut légal de la famille. On ne peut pas théoriser sur l’importance de l’intégration, puis exclure des jeunes, souvent nés ici, qui veulent se faire leur place sur le marché du travail.

Ne repousse-t-on pas le problème à la fin de la formation?

Non. Car il faut être cohérent et ensuite admettre, sous certaines conditions, que ces jeunes puissent également rester en Suisse après leur formation.

Vous préparez des régularisations en masse, mais par la bande?

Absolument pas. Il est évident qu’une fois leur formation terminée ces jeunes n’auront pas automatiquement le droit de rester ici. Une procédure, semblable à celle pour une naturalisation, devra être mise sur pied. L’intégration ou la maîtrise de la langue joueront un rôle. Aucune forme de régularisation automatique pour les parents ne doit être prévue. Je demande juste un peu de pragmatisme et de sens des responsabilités à l’égard de jeunes qui se retrouvent dans de telles situations bien malgré eux.   

Romain Clivaz et Kiri Santer dans 24 Heures

Bâle veut des maisons de retraite pour musulmans

La première génération des migrants turcs et balkaniques vieillit. Deux élus lancent l’idée d’EMS particuliers.

maison retraite musulman

Le s Espagnols et les Italiens ont déjà leurs propres maisons de retraite à Berne ou à Zurich. Les musulmans n’en sont pas encore là. Mais cela pourrait changer. Bâle-Ville envisage d’ouvrir un home pour personnes de confession islamique. Une population qui peut avoir des attentes propres: soins uniquement prodigués par les personnes du même sexe, alimentation halal, etc. «Nous devons réfléchir aux offres qui seront nécessaires à l’avenir, explique Philippe Waibel, responsable de la Santé du canton de Bâle-Ville dans les colonnes de la Basler Zeitung . Je ne pense pas que l’échange multiculturel fonctionne s’il commence seulement à la maison de retraite.»

En février, deux députés socialistes bâlois d’origine turque ont proposé l’ouverture de telles maisons de retraite. «Nous avons jusqu’à présent un peu négligé comment et surtout où nous allons soigner la première génération de migrants», expliquait Gülsen Oeztürk.

D’abord la famille

Actuellement, les EMS suisses accueillent très peu de musulmans. Parce que cette immigration est encore jeune. Mais aussi parce que la tradition islamique veut que ce soient les familles qui prennent soin des aînés. Ancien porte-parole de la Mosquée de Genève, Hafid Ouardiri s’occupe ainsi de sa mère de 94 ans, en tournus avec son frère. Celle-ci vit toujours chez elle.

Le directeur de la Fondation de l’Entre-Connaissance estime toutefois qu’un projet d’EMS pour musulmans est une bonne idée, pour autant que le lieu reste ouvert à d’autres confessions. «Certaines personnes n’ont pas le choix, elles ne peuvent pas s’appuyer sur leur famille.»

La création de maisons de retraite pour musulmans pourrait devenir un débat suisse. La Coordination des organisations islamiques et la Fédération des associations faîtières islamiques de Suisse sont en train de mettre en place un organe politique commun. Une sorte de parlement religieux dont un des chevaux de bataille sera justement la mise en place de telles maisons de retraite. A noter qu’il existe déjà en Suisse des EMS liés à d’autres confessions ou mouvements religieux, comme, par exemple, juif ou adventiste.

Professionnels mitigés

«L’idée n’est pas incongrue», estime Tristan Gratier, président de l’association faîtière des EMS suisses (Curaviva). «Après, cela devient une question politique. Aujourd’hui, dans le canton de Vaud, l’Etat paie pour 75% des résidents. Aura-t-il envie de créer des structures peut-être plus coûteuses pour une petite partie de la population?»

Tristan Gratier craint l’effet ghetto et affiche sa préférence pour des établissements où les origines se mélangent, «véritable reflet de notre société». Surtout, il estime que le problème est du côté des résidents. «Aujourd’hui, les Suisses ne sont pas supermotivés à travailler dans les EMS. Le personnel soignant est en majorité étranger. C’est lui qui doit s’adapter aux habitudes suisses. Et ce n’est pas toujours évident.»

Avec sa société Boas SA, Bernard Russi possède 17 EMS privés dans les cantons de Vaud, du Valais, de Neuchâtel et de Berne et 5 hôtels. Il se montre sceptique. «A mon avis, ce n’est pas une bonne solution de séparer les gens, lance-t-il. Il incombe aux établissements de s’adapter à cette clientèle. On le fait bien dans les hôtels, pourquoi ne pourrait-on pas le faire dans les EMS?»

Julien Magnollay dans 24 Heures