Avec un taux de près de 2% de réponses reçues à la consultation populaire sur la politique d’asile et les étrangers, l’UDC s’est dite satisfaite. Les résultats et la méthode ont été accueillis avec scepticisme.
Les résultats de la consultation populaire de l’UDC «Quelle politique étrangère souhaitez-vous?» ont fini par allumer un feu qui n’avait pas réussi à prendre lors du lancement du questionnaire, au creux de l’été. Il fallait s’y attendre: à vingt jours de la votation sur l’expulsion des criminels étrangers, la thématique est on ne peut plus brûlante. On en veut pour preuve l’irruption, lors de la conférence de presse de l’UDC mardi à Berne, de l’artiste Alois B. Stocher, qui s’était déjà fait remarquer le week-end dernier (LT du 05.11.2010).
L’incident n’a pas déstabilisé Toni Brunner. Le ton conquérant, le président du parti agrarien s’est dit ravi du taux de participation à la consultation, qui portait donc sur l’asile, les naturalisations, l’accord de libre circulation des personnes, les assurances sociales, l’islamisation et la criminalité. Au vu des 3,9 millions de tous-ménages distribués, les 70 123 réponses reçues (1,8%) paraissent pourtant bien maigres. Mais il est impossible de qualifier l’opération d’échec ou de succès – à l’exception peut-être des 1500 demandes d’adhésion arrivées à l’UDC.
Plus douteuse est l’impossibilité d’en savoir plus sur les répondants: leur âge, sexe, localité, sans parler de leur appartenance ou non au parti agrarien, resteront un mystère. Autant d’inconnues qui suffisent à décrédibiliser la démarche. «Ce qu’il faut se demander, c’est pourquoi l’UDC n’a-t-elle pas voulu savoir qui répondait. Ce n’est pas innocent. Avec ces données, la consultation aurait peut-être perdu en crédibilité, mais telle qu’elle a été menée et présentée aujourd’hui, elle n’en a aucune», estime ainsi la directrice de l’institut de sondage M.I.S Trend SA, Marie-Hélène Miauton.
Crédibilité scientifique ou non, les réponses montrent bien, a assuré Toni Brunner, l’exaspération de la population devant «l’égarement et le laxisme de la politique actuelle d’asile». Bref, que son parti est en phase avec le peuple. Pour en donner la preuve, le conseiller national a bombardé les journalistes d’une succession de chiffres issus de l’analyse du tous-ménages. Ils ont appris que 67,2% des participants se sont prononcés pour l’expulsion systématique des étrangers criminels, 63,9% pour celle des clandestins, 63,8% pour une naturalisation à l’essai, 58,3% pour la résiliation de l’accord de libre circulation des personnes, etc. Par ailleurs, sans compter les suggestions farfelues ou «extrémistes» (lire ci-dessous), 13 380 propositions de particuliers ont été recensées. Citons en vrac: «durcir les interventions contre les abus dans le droit d’asile», «supprimer la double nationalité», «permettre l’expulsion de délinquants naturalisés» ou, pour tous les étrangers, «instaurer un impôt à la source de 50%» et «interdire l’achat d’immeubles».
Dans la matinée, c’est sur le mode ironique que les Jeunes Verts ont dénoncé la manœuvre. Lors d’une conférence de presse délibérément débitée en suisse-allemand – «essentiel à l’intégration», ont-ils insisté –, ils ont présenté des chiffres farfelus sur une consultation «parfaite, puisqu’elle a donné les résultats que nous attendions».
Autre initiative, celle d’Antonio Hodgers. Le conseiller national (Verts/GE) a lancé un site internet* pour dénoncer la «manipulation massive» des 24 pages du tous-ménages. Il a, dit-il, consacré des heures à en vérifier les chiffres, alléché par le fait que «l’UDC avait sorti tous ses boucs émissaires d’un coup». Verdict: «Même si plein de chiffres sont justes et que les étrangers sont indéniablement surreprésentés dans les statistiques sur le chômage et la criminalité, je ne m’attendais pas à autant de manipulations.» Il a ainsi relevé que le questionnaire omettait certaines statistiques pour mieux en faire ressortir d’autres, ou que les naturalisés et les frontaliers devraient, selon l’UDC, être comptabilisés comme étrangers. «Nous n’avons pas fait un site pour les Verts», a rétorqué Toni Brunner, en assurant que si des chiffres avaient été omis, c’est qu’ils n’étaient pas encore disponibles au moment du sondage. «Ce qui me frappe, c’est à quel point l’UDC prétend être le seul parti légitime à aborder ces thèmes, s’insurge Antonio Hodgers. Face à des statistiques aussi alarmistes, le peuple ne peut qu’abonder dans son sens. Mais je continue à croire que la raison l’emportera sur la passion, même si elle ne lutte pas à armes égales.»
Albertine Bourget dans le Temps