vendredi 14 décembre 2007

Vague de xénophobie en Italie

Les immigrés sont dans le collimateur de la nouvelle campagne de la Ligue du Nord. Interdictions et restrictions se multiplient. Un article de Dominique Dunglas, correspondant à Rome pour 24 Heures.



Agressif «Citoyens, émigrez! Vous vivrez mieux
en tant qu’immigrés dans un autre pays.»
Dans plusieurs villes du Nord, la politique de
l’immigration prend une tournure inquiétante.
Et le mouvement prend de l’ampleur.
MONTEGROTTO TERME, LE 3 DÉCEMBRE 2003

Reprise par ses vieux dé­mons xénophobes, la ligue du Nord a décidé de rendre la vie plus difficile aux immigrés installés en Ita­lie. La campagne est partie de Massimo Bitonci, maire de Cit­tadella, ville située à une ving­taine de km de Vicence.
Par un décret, le premier citoyen élu sous les couleurs de la Ligue a en effet interdit la résidence dans sa commune aux extracommunautaires ne pouvant pas justifier un re­venu d’au moins 5000 euros par an. Le seuil minimum passe à 10 000 euros puis à 15 000 euros selon que la fa­mille a un ou deux enfants. Sur sa lancée, le maire a égale­ment interdit la résidence aux immigrés dont le casier judi­ciaire n’est pas vierge ainsi que le stationnement des Gitans. Enfin, il a créé une commis­sion destinée à recevoir les dénonciations «de situations de danger social». Mis en exa­men pour cette dernière initia­tive, considérée comme un ap­pel à la délation, Massimo Bi­tonci a été absous par la magistrature, qui a classé l’af­faire.
Une brèche dans laquelle s’est engouffré Giuseppe Previ­dini, le maire léguiste de Cara­vaggio, non loin de Bergame. L’édile a interdit dans sa com­mune les mariages mixtes – un ou une Italienne avec un ou une extracommunautaire – si l’étranger n’est pas en posses­sion d’un permis de séjour.

La ligue s’inspire de Blocher
Dans ce nord-est, qui a pourtant besoin de la main-d’oeuvre étrangère, les exemples de Cittadella et Cara­vaggio ont fait tâche d’huile. Quarante-trois maires de la Ligue du nord ont d’ores et déjà adopté les mêmes ordon­nances communales «anti­marginaux » et le mouvement ne cesse de s’étendre. Le parti autonomiste fondé par Um­berto Bossi appelle à manifes­ter avec Alliance Nationale di­manche à Milan sur le thème de la sécurité et contre l’immi­gration. Il espère qu’une cen­taine de maires auront adopté d’ici là les décrets contre les immigrés. Et pour appuyer ses initiatives, c’est de l’UDC de Christoph Blocher que la Li­gue s’inspire.


L‘affiche est apparue sur les
murs des villes du nord de l’Italie.

La fameuse affi­che des trois moutons blancs chassant un mouton noir est apparue sur les murs de toutes
les villes du Nord. Mais cela est bien peu, en regard de la proposition du conseiller communal de Tré­vise, Giorgio Bettio. «Pour ap­prendre aux immigrés à bien se comporter, il faut utiliser les méthodes des nazis. Cha­que fois qu’un habitant de Trévise subira un dommage de la part d’un extracommunau­taire, je propose que 10 immi­grés soient punis.» Mais à Trévise il ne faut s’étonner de rien. C’est là que le maire Giancarlo Gentilini, lui aussi élu de la Ligue, avait proposé de «déguiser les im­migrés en lapins pour que les chasseurs puissent s’amu­ser ».


Un concierge kosovar soutenu par (presque) tous ses locataires

Bekim Ademi devrait quitter la Suisse dans quelques jours. Il se bat pour y rester, avec sa femme et ses enfants. Il a le soutien des locataires dont il est le concierge. Un article de Jérôme Ducret dans 24 Heures.


Bekim Ademi, au centre, entouré de son épouse
Gjemile et de leurs deux enfants de sept
et huit ans Shkresa (à gauche) et Shkrep.
A partir de ce samedi, ils n’ont en principe
plus l’autorisation de rester en Suisse.
LAUSANNE, LE 11 DÉCEMBRE 2007.


C’est son avocat, Me Jean Lob, qui lui a conseillé de contacter 24 heures . Bekim Ademi a débarqué en Suisse en 1993. A l’époque, il était venu travailler au noir, durant deux ans, pour une entreprise de la région lausannoise. Quatorze ans plus tard, ce Lausannois d’adoption, sa femme Gjemile et leurs deux enfants Shkresa et Shkrep ont reçu de Berne un avis d’expulsion du territoire suisse, exécutoire ce samedi.

Enfants nés en Suisse
L’homme est originaire du Kosovo. Il avait 24 ans lorsqu’il a posé son premier pied dans la capitale vaudoise. «Je ne veux pas retourner au Kosovo, je n’y ai plus d’attaches, commente Bekim. Nos deux enfants, ils ne savent presque pas ce que veut dire le mot Kosovo. Ils sont nés en Suisse, on leur parle en français, ma femme et moi, c’est leur langue maternelle.»

En 1995, Bekim est devenu un «travailleur au gris», comme il le dit lui-même. Il a obtenu durant quelques années un permis de séjour provisoire. Lorsque la guerre a pris fin dans son pays natal, il a dû y retourner. Il s’est alors retrouvé dans une situation qu’il qualifie de «délicate». Il est revenu en Suisse, avec une nouvelle demande de permis de séjour. Au bout d’une longue procédure, Berne a dit non. Au vu de la situation familiale de ce père de deux enfants scolarisés à Lausanne, le Service cantonal de la population a tenté d’obtenir une exception auprès de l’Office fédéral des migrations. Le fait que Bekim Ademi n’ait pas de casier judiciaire, et qu’il n’ait jamais demandé l’aide sociale, semblaient plutôt favorables. Là encore, après bien des méandres juridiques, la réponse a été négative. Elle a été confirmée récemment par le Tribunal fédéral administratif.

Pour mettre toutes les chances de son côté, Bekim, concierge de trois immeubles au chemin de Florency depuis une année et demie, a obtenu le soutien de son ancien patron – l’entreprise Coppola et Seggio. Il a également fait le tour de «ses» locataires en leur demandant s’ils étaient d’accord de signer une lettre de soutien.

«Les bons, ils s’arrangent pour les mettre à la porte»
«Trente-cinq ont signé, explique le Kosovar. Il y a une personne qui n’a pas voulu. Elle m’a dit qu’elle n’aimait pas les étrangers, qu’elle votait pour Blocher…» «C’est vrai, je lui ai dit que je n’étais pas d’accord, explique la personne en question. Je ne comprends d’abord pas pourquoi la gérance engage quelqu’un qui n’a pas de papiers, et puis il y a beaucoup de gens à Lausanne qui cherchent un appartement et qui n’ont pas sa chance!» «Nous, on a signé, rétorque une locataire. Les bons, ils s’arrangent pour les mettre à la porte de la Suisse, et les mauvais, ils peuvent rester, ça n’est pas logique. Ca va peut-être changer, maintenant que Blocher n’est plus au Conseil fédéral…»