mardi 7 avril 2009

Se remobiliser contre le racisme

SE RE-MOBILISER CONTRE LE RACISME

Paru le Mardi 07 Avril 2009 
   KARL GRÜNBERG    

ContrechampONU - Du 20 au 24 avril, Genève accueille la Conférence mondiale contre le racisme. Il s'agit en fait d'examiner la situation huit ans après le sommet de Durban. Les milieux anti-racisme constatent, eux, que le fléau a empiré. Eclairage par Karl Grünberg, d'ACOR SOS Racisme. 
Depuis le procès de Nuremberg, les Etats démocratiques condamnent ce fléau1. La Déclaration universelle des droits de l'homme a proclamé «l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère»2. Depuis quelques années, les Etats démocratiques occidentaux, se référant à la Shoah, affirment un devoir de mémoire qui les protégerait du racisme. Combien de massacres de masse ou de génocides depuis 1945? Et combien reconnus comme tels? Des Tribunaux pénaux internationaux poursuivent les responsables du génocide au Rwanda et des crimes contre l'humanité commis en ex-Yougoslavie. Des tribunaux spéciaux instruisent les massacres de Sierra Leone et du Cambodge. En Afrique, en Amérique latine, en Asie les morts innombrables de crimes ignorés glissent dans l'oubli. 
Doudou Diène, rapporteur spécial sur le racisme, l'exposait dès 2007. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale relevait en 2008 que la législation suisse n'a pas correctement défini la discrimination raciale. Il relevait le recours au profilage racial3 et la protection inadéquate du droit de se marier et de fonder une famille pour les étrangers originaires d'un État non membre de l'Union européenne. Il constatait les attitudes racistes et xénophobes contre les Noirs, les musulmans, les Roms, les immigrants, les requérants d'asile. Il regrettait les violences policières4. 
Il s'inquiétait de ce que nous connaissons: la sélection raciste des bénéficiaires d'autorisations de séjour, les centaines de milliers de «sans-papiers» vivant dans la peur et sans statut légal; 
La loi sur l'asile, cruelle pour les réfugiés qu'elle déboute, à nouveau révisée: les guerres poussent à l'exil de nouveaux malheureux; 
La loi genevoise anti-mendiants dont les auteurs savaient que les Roms fuient le racisme dans leur pays d'origine; 
Les récentes décisions du Conseil national: ne pas invalider l'initiative anti-minarets, durcir le Code civil «afin que les étrangers séjournant illégalement en Suisse ne puissent plus se soustraire par mariage à l'obligation de quitter le pays». 
Last but not least, les autorités ont interrompu le subventionnement d'ACOR SOS Racisme, seul organisme indépendant qui assurait en Suisse une défense professionnelle des victimes du racisme. 
L'aggravation du racisme alarmait la Conférence de Durban5, troisième conférence mondiale consacrée à le combattre. Des oppositions entre pays arabes et occidentaux avaient marqué celles de 1978 et de 1983, que les Etats-Unis avaient boycottées. En 2001, le Proche-Orient et les réparations liées à l'esclavage avaient opposé pays occidentaux, pays arabes et ONG africaines6 qui demandaient la reconnaissance de la traite transatlantique, de l'esclavage et du colonialisme comme crime contre l'humanité7. 
L'Organisation de libération de la Palestine revendique depuis novembre 19678 le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés pendant la guerre des 6 jours. Une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies assimilait en 1975 le sionisme à une forme de racisme. Elle sera annulée en 1991 grâce aux accords d'Oslo. Israël, depuis lors, s'est débarrassé des Accords d'Oslo. 
Le racisme a-t-il reculé depuis 2001? Combien de pays ont-ils pris de réelles mesures pour en protéger les victimes, Afro-descendants, minorités, peuples autochtones, peuples opprimés, Roms? 
Le 11 Septembre, les kamikazes, les attentats de Londres, Madrid et Bombay mettent le feu à la rumeur. Les «jeunes nés de l'immigration» ne refuseraient pas l'injustice, ils seraient racistes anti-blanc, islamistes. Un racisme identitaire et victimaire gonfle au coeur des ex-puissances coloniales et des idéologies nationalistes et racistes nées au sein d'ex-colonies contribuent à accréditer le mythe du «clash des civilisations»9 qui désinhibe le racisme occidental contemporain. 
Le 17 janvier 2008, à l'initiative de Filip Dewinter, député d'Anvers et porte-parole du Vlaams Belang flamand, plusieurs mouvements nationaux et identitaires constituent l'organisation européenne «Les villes contre l'islamisation». Le 14 février 2008, les Jeunesses identitaires de Savoie se réjouissent que le tribunal administratif de Grenoble ait annulé le permis de construire une mosquée à Annecy. Le 20 septembre 2008, une manifestation européenne a réuni à Cologne les mouvements contre l'islamisation. La Lega Nord en Italie a déposé un projet de loi contre la construction de mosquées que le lobby islamophobe combat dans l'Europe entière. C'est en Suisse que ce mouvement est le plus fort: la question y sera soumise au vote10. Oskar Freysinger, fer de lance de l'initiative anti-minarets, ne cache pas sa collaboration avec le Vlaams Belang. 
L'Etat d'Israël et ses partisans pensent-ils éviter que ne soit entendue à Genève l'indignation soulevée par le sort de Gaza? De nombreux intellectuels animent une campagne d'opinion massive. Ils dénoncent la menace contre Israël que représenterait l'antisémitisme musulman et s'acharnent à délégitimer la prochaine conférence contre le racisme. 
Des organisations représentant les communautés juives ont déployé parallèlement une intense activité politique et diplomatique. Mardi 3 mars 2009, le Congrès juif européen demandait aux pays de l'Union européenne de boycotter la Conférence de l'ONU contre le racisme11. Mardi 17 mars, le groupe de travail préparant la Conférence a diffusé, dans l'espoir de couper court aux menaces de boycott des pays occidentaux, un projet de déclaration finale consensuel et nettoyé des points de discorde12. Les quatre conditions que les Etats-Unis avaient fixées le 27 février 2009 semblent aujourd'hui satisfaites. 
Le 22 juin 2006, à la première séance plénière du nouveau Conseil des Droits de l'homme, le ministre iranien des Affaires étrangères engageait la lutte contre la diffamation du message divin de l'islam et contre son dénigrement. 
Cette exigence provoque une inquiétude légitime. En décembre 2007, le journaliste Jean-Claude Bührer13 estime la liberté d'expression en danger. En février 2008, la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) diffuse un appel signé par de nombreux intellectuels français. Elle craint que l'année 2008 ne voie «simultanément le soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme par l'ONU et la destruction de ses principes par la même ONU» et alarme l'opinion contre «la révolution multiculturelle (...) de l'OCI (Organisation de la conférence islamique), du Mouvement des Non Alignés (...) et de la Chine avec la complaisance cynique de la Russie»14. 
Le 24 avril 2008, l'essayiste et journaliste Caroline Fourest soutient dans Le Monde que «les Etats liberticides ont profité de l'après-11-Septembre pour faire évoluer l'ONU vers une vision différentialiste des droits de l'homme. (...) Contrairement à l'expression 'racisme antimusulmans', qui vise bien le racisme envers des individus, le mot 'islamophobie' désigne la phobie envers l'islam au risque de disqualifier toute parole critique envers la religion ou l'intégrisme comme étant une forme de racisme». 
La Déclaration universelle des droits de l'homme aspirait à un monde «où les êtres humains soient libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère». Les Etats démocratiques occidentaux ont-il lutté pour leur application? Les seules avancées qu'ont connues ces droits n'ont pas d'autre source que les luttes des mouvements ouvrier et écologiste, des mouvements de défense des droits humains et de libération sociale, nationale, de genre ou d'orientation sexuelle. 
Certains invoquent le rempart contre la barbarie que représenterait la laïcité française. Oublient-ils que cette dernière s'est imposée contre l'alliance du sabre et du goupillon et pour la démocratie sociale mais que le mouvement qui la portait n'a pas combattu la colonisation? La république a soumis les Algériens comme sujets musulmans, leur a refusé la citoyenneté et la démocratie. Sarkozy et sa cour refusent aujourd'hui la repentance. Et le devoir de mémoire? 
L'Organisation de la conférence islamique (OCI) compte l'Arabie saoudite et les pétromonarchies, le Pakistan, d'autres pays avec lesquels l'Occident et les Etats-Unis forment le monde réellement existant qui se moque des droits de l'homme comme de colin-tampon. Si l'OCI s'opposait au racisme islamophobe qui ferme l'Occident «aux ressortissants des pays qui n'ont pas les idées européennes (au sens large)» elle viserait juste. Mais la politique de bloc que mène cette Union sacrée conforte les inégalités économiques, sociales, politiques, religieuses, de genre au sein des pays qu'elle rassemble. Et qui accepte la politique migratoire occidentale. 
Drapés dans les vertus qu'ils s'attribuent, démocratiques pour l'Occident, religieuses pour l'OCI, ces deux larrons s'entendent sur l'essentiel. Tondre la laine sur le dos des peuples qu'ils dominent. 
L'échec de la Conférence de Durban, l'échec programmé de la Conférence diplomatique de Genève, n'ont évidemment rien à voir avec l'antisémitisme ou les revendications mémorielles. 
Les émotions que soulève la question palestinienne ne tiennent pas au fait que sa résistance porte les espoirs qu'avait soulevés dans les années cinquante les mouvements de libération. Mais au blocus de Gaza, au massacre du ghetto de Gaza qui satisfont aux intérêts coloniaux d'Israël. D'un Israël qui bénéficie du soutien des pouvoirs qui dominent la planète parce que le mur qui divise la Palestine est un tronçon de la muraille qu'ils érigent contre les pauvres. 
Une photo de famille souriante conclura peut-être la Conférence diplomatique et il faudrait avoir l'esprit bien chagrin pour la déplorer. Ce décor dissimulera l'essentiel. 
Mais l'essentiel, l'espoir, est ailleurs. Il se niche dans les ateliers qu'animeront au cours du week-end précédant la conférence les militant-e-s du monde entier réunis par le Forum de la société civile. Il s'exprimera dans la manifestation nationale et internationale qu'organisent à Genève le 18 avril la multitude d'organisations solidaires des droits des réfugiés, des migrants, de toutes les minorités dans leur combat contre le racisme et la discrimination. 
Il réside dans cette opinion publique internationale qui émerge et se renforce aujourd'hui pour appliquer les droits humains et qui apprend qu'elle ne devra compter sur le soutien d'aucun Etat mais tous les mettre en question. I 1 Le Tribunal de Nuremberg a siégé du 14 novembre 1945 au 1er octobre 1946. L'Assemblée générale des Nations unies a confirmé le 11 décembre 1946 «les principes de droit international reconnus par le Statut du tribunal de Nuremberg et par le jugement de celui-ci». 
2 Préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme, http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm 
3 Délit de faciès: délit de «sale gueule». 
4 19 août 2008, Le Courrier, «La lutte contre le racisme connaîtra-t-elle un nouvel essor?» 
5 Conférence d'examen de Durban, http://www.un.org/french/durbanreview2009/ngo.shtml 
6 25 août 2001, Libération, «L'antiracisme piégé par le sionisme et l'esclavage». 
7 Aidh.org http://www.aidh.org/Racisme/durb_conf_05.htm 
8 Résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies. 
9 Samuel P. Huntington, Le clash of civilizations and the remaking of world order, Simon & Schuster, UK, 1997. 
10 solidaritéS, n°140 (08/01/2009), «Libre circulation: les racistes à l'affût». 
11 Cicad 874, 4 mars 2009, Le Congrès juif européen demande aux pays de l'UE de boycotter «Durban II». 
12 Cicad 884, 18 mars 2009, «Durban II»: le groupe de travail propose un nouveau texte très consensuel. 
13 Décembre 2007, Jean-Claude Buhrer, «L'ONU contre les droits de l'homme». 
14 LICRA, http://www.licra.org/index.php?section=detail&cur_rub=1&id=3000 
Note : 1 Le Tribunal de Nuremberg a siégé du 14 novembre 1945 au 1er octobre 1946. L'Assemblée générale des Nations unies a confirmé le 11 décembre 1946 «les principes de droit international reconnus par le Statut du tribunal de Nuremberg et par le jugement de celui-ci». 
2 Préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme, http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm 
3 Délit de faciès: délit de «sale gueule». 
4 19 août 2008, Le Courrier, «La lutte contre le racisme connaîtra-t-elle un nouvel essor?» 
5 Conférence d'examen de Durban, http://www.un.org/french/durbanreview2009/ngo.shtml 
6 25 août 2001, Libération, «L'antiracisme piégé par le sionisme et l'esclavage». 
7 Aidh.org http://www.aidh.org/Racisme/durb_conf_05.htm 
8 Résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies. 
9 Samuel P. Huntington, Le clash of civilizations and the remaking of world order, Simon & Schuster, UK, 1997. 
10 solidaritéS, n°140 (08/01/2009), «Libre circulation: les racistes à l'affût». 
11 Cicad 874, 4 mars 2009, Le Congrès juif européen demande aux pays de l'UE de boycotter «Durban II». 
12 Cicad 884, 18 mars 2009, «Durban II»: le groupe de travail propose un nouveau texte très consensuel. 
13 Décembre 2007, Jean-Claude Buhrer, «L'ONU contre les droits de l'homme». 
14 LICRA, http://www.licra.org/index.php?section=detail&cur_rub=1&id=3000

Clandestins: Tripoli, invité à coopérer avec l'UE, demande des contreparties

BRUXELLES - La Commission européenne a demandé mardi à la Libye une coopération plus étroite pour lutter contre les embarquements d'immigrants clandestins, mais les contreparties réclamées par Tripoli posent problèmes, a souligné le commissaire à la Sécurité Jacques Barrot.

"La Libye a demandé des financements et des moyens logistiques pour surveiller sa frontière sud", a expliqué M. Barrot à l'AFP à l'issue d'une rencontre à Bruxelles avec l'ambassadeur de Libye, Ahmed Hadeiba Alhadi. "Mais répondre à ces demandes est très difficile. Il n'est ainsi pas certain que les pays africains acceptent l'alimentation d'un fonds pour les problèmes liés à l'immigration via le Fonds européen au développement", a-t-il souligné. "Je veux rouvrir le dialogue avec la Libye et je veux aller au fond des choses", a-t-il néanmoins affirmé.

M. Barrot n'a pas exclu un déplacement en Libye. "Je veux voir comment intéresser les Libyens à un certain nombre d'actions efficaces", a-t-il insisté. "Il faut arrêter les passeurs", a-t-il affirmé. "J'ai également dit que nous étions prêts à les aider pour éviter les naufrages, mais que ce qui impliquait une coopération étroite avec Frontex", l'agence européenne chargée des frontières extérieures de l'UE, a ajouté le commissaire. "J'ai noté leur engagement pour des patrouilles conjointes avec l'Italie à la mi-mai, et c'est un point positif, parce que cela peut permettre d'éviter des catastrophes humaines", a-t-il souligné.

"Mais le problème devient que faire des personnes sauvées. Où les emmener?", a-t-il demandé. "Il nous faut des accords de réadmission avec la Libye, mais les Libyens nous disent que ces personnes viennent d'autres pays d'Afrique avec qui ils n'ont pas d'accords et donc qu'ils ne peuvent les renvoyer", a-t-il précisé. "Les autorités libyennes ont pris la mesure du problème. Ils estiment à près de 2 millions les candidats à l'immigration vers l'Europe présents sur leur territoire", a-t-il indiqué.

Environ 80% clandestins qui tentent une traversée de la Méditerranée vers l'Europe entrent en Libye par le Niger, avait indiqué la semaine dernière le ministre libyen de l'Intérieur Abdelfattah Younis Al-Obeidi. Fin mars, le naufrage d'une embarcation de fortune au large de la Libye à fait au moins 21 morts et plus de 200 disparus, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM), qui a fait état de "départs massifs" d'immigrants depuis les côtes libyennes. La plupart tentent de rallier l'Italie ou sont dirigés sur Malte. Près de 37.000 candidats à l'immigration sont arrivés sur les côtes italiennes en 2008, un chiffre en hausse de 75% par rapport à 2007, selon le ministère italien de l'Intérieur.

Les difficultés rencontrées par l'Italie, Malte et l'Espagne, trois pays du sud de l'Europe en première ligne face à l'immigration clandestine, ont été une nouvelle fois évoquées lundi lors d'une réunion des ministres de l'Interieur de l'UE à Luxembourg. "Nous devons placer la dimension migratoire au centre de tous nos accords avec les pays tiers, notamment les pays d'origine", a affirmé Jacques Barrot. "Nous ne pouvons pas accueillir toute l'Afrique en Europe. Ce ne serait pas possible et ce ne serait pas bon pour l'Afrique", a-t-il souligné.

(©AFP / 07 avril 2009 17h43)