mercredi 15 septembre 2010

La police contre le travail au noir

La semaine passée, la police cantonale a arrêté 13 ouvriers clandestins dans la banlieue lausannoise. Mais le problème reste entier, s’irrite le syndicat Unia.

Ce 8 septembre à 6 heures, les premiers clients de la Brasserie de Malley, à deux pas du centre ville lausannois, ont assisté à une descente de police. Sur le trottoir, des policiers de la Sûreté vaudoise ont effectué des contrôles d’identité auprès de trente-trois ouvriers en quête de travail. Originaires du Kosovo et du Portugal, treize étaient clandestins, dont un faisant l’objet d’un mandat d’arrêt.

Première du genre dans le quartier, l’opération a permis de constater un fait bien connu dans tout le périmètre de Malley. A l’aube, des ouvriers s’y regroupent par dizaines avant d’être amenés sur les chantiers vaudois. En novembre 2009, L’Hebdo avait rendu compte de ce manège. A nouveau, ce sont des travailleurs du ferraillage et du coffrage qui se trouvent les premiers concernés.

L’opération marque-t-elle une avancée dans la lutte contre le travail au noir? «Non», tranche Pietro Carobbio, syndicaliste d’Unia. «La répression des ouvriers n’est pas du tout une bonne mesure. Le problème reste l’organisation structurelle de la construction.»

En clair, le système de sous-traitance qui veut que, depuis l’entreprise générale opérant sur un chantier, une cascade de sous-traitants apparaît avec, au final, de petites sociétés prêtes à engager des clandestins et autres travailleurs au gris.

Plusieurs travailleurs interpellés à Malley se rendaient le matin même sur un important chantier du quartier de Beaulieu, à Lausanne. Pour l’heure, au moins deux sociétés de ferraillage sont concernées par l’enquête. «L’une d’elles, Art Net Sàrl, et son patron, ont fait l’objet de précédentes dénonciations par l’inspection des chantiers», jure Pietro Carobbio. Une société que L’Hebdo n’a pas été en mesure de joindre.

Yves Steiner dans l’Hebdo

Les clandestins pourront être apprentis

Le Conseil des Etats a voté l’accès à la formation professionnelle pour les sans-papiers. Ils seraient entre 200 et 400 ados concernés en Suisse.

Incertain, le vote l’a été jusqu’à la dernière seconde. Mal disposé, le Conseil des Etats a pourtant octroyé aux clandestins le droit à l’apprentissage, selon la motion du conseiller national Luc Barthassat (PDC/GE). Le 14 septembre, l’union sacrée du PDC romand et du PS – mené par le Fribourgeois Alain Berset – a eu raison de justesse (23 voix contre 20) des réticences internes aux démocrates-chrétiens.

Depuis le début de l’année, la pression s’intensifiait sur l’interdiction de se former en entreprise, alors que le gymnase et l’université sont accessibles. La cause a été relayée de toutes parts – incarnée par le municipal lausannois Oscar Tosato, votée par le Conseil national, soutenue par des entrepreneurs et l’Union des villes suisses.

Car, outre le souci de ne pas pénaliser des jeunes pour le statut de leurs parents, le débat s’est alimenté du souci de l’intérêt social. En filigrane du lobbying des villes transparaît la crainte que ces ados, privés d’avenir à 15 ans, ne basculent dans la délinquance.

Pas une lubie de Romands. En outre, le débat a forcé à documenter le phénomène, sur lequel n’existe aucune statistique. L’estimation de l’Union des villes suisses et l’extrapolation à partir des cas recensés à Neuchâtel (entre quatre et huit par an) évoquent entre 200 et 400 clandestins susceptibles de commencer une formation duale chaque année. Cela représente entre 0,25% et 0,5% des 80 000 contrats.

Ces chiffres permettent non seulement de relativiser l’ampleur de la demande future, mais aussi de généraliser le phénomène, présenté par ses opposants comme une lubie de Romands. «Les Alémaniques estimaient que ce problème n’existait pas chez eux, alors qu’il est tout aussi aigu à Zurich, Saint-Gall ou Berne», confie Luc Barthassat.

Aux anges, le conseiller national attend qu’Eveline Widmer-Schlumpf propose une solution d’ici à trois ou quatre ans. Via la loi sur les étrangers ou l’ordonnance sur les apprentis. D’ici là, il espère que les cantons demanderont des dérogations, pour que les ados puissent dès aujourd’hui prendre le train de la formation.

Tasha Rumley dans l’Hebdo

Injustice réparée

Le feu vert, hier, des sénateurs à l'apprentissage des sans-papiers est une excellente nouvelle. La victoire, de justesse, couronne le patient travail de tous les militants et élus qui ont permis d'obtenir de l'un des pays les plus restrictifs en matière d'immigration une décision progressiste.

Lausanne et Genève voient leur lobbying courageux récompensé. En annonçant leur intention d'engager des apprentis clandestins, ces municipalités avaient opportunément suscité le débat. A l'inverse, les politiciens qui les ont attaquées en se drapant dans la valeureuse défense de la légalité ressortent peu grandis. Le vote d'hier rappelle à ces légalistes obtus que c'est en bousculant les lois injustes qu'on peut espérer les changer.
En permettant à tous les mineurs, clandestins compris, de suivre un apprentissage en entreprise, le parlement suit les pas du conseiller d'Etat genevois Dominique Föllmi. Il y a vingt ans, il avait accompagné une fillette sans-papiers à l'école, ouvrant un peu partout en Suisse la scolarité obligatoire à tous, sans distinction de statut.
Par respect de la Convention internationale des droits de l'enfant, il est intolérable de priver ces jeunes de formation –qu'ils doivent, une fois adultes, quitter la Suisse ne soustrait pas cette dernière à son obligation de leur offrir un cadre pour qu'ils apprennent un métier. Par sa décision, le parlement met fin à une politique qui punit les enfants en raison du destin de leurs parents. Cette discrimination entre ados avec ou sans permis de séjour est d'autant plus injuste qu'elle se double d'une ségrégation entre les clandestins pouvant poursuivre dans la voie universitaire et les autres.
C'est sur le plan des valeurs que la victoire doit être saluée. Mais c'est probablement l'argument économique qui a fait pencher la balance. Car bien des secteurs manquent de main-d'oeuvre et des voix influentes, parmi les patrons, ont souligné que la Suisse se pénalisait en empêchant ces jeunes, souvent très motivés, de travailler. L'argument sécuritaire a lui aussi dû trouver des oreilles attentives: pourquoi forcer ces ados à zoner dans la rue alors qu'une place d'apprentissage est la meilleure forme d'intégration?
Après l'heureuse régularisation des Selimi, la nouvelle d'hier prend une dimension supérieure. Car elle mettra fin à une injustice collective, tandis que le sésame offert à cette famille de clandestins installée à Carouge a été brandi comme une justification de la politique très restrictive des régularisations au cas par cas.
Alors que l'économie exploite le travail des clandestins, le combat en faveur de leur régularisation collective reste la priorité, indépendamment de la réparation de l'injustice à l'égard de leurs enfants.

Editorial de Rachad Armanios dans le Courrier

L’apprentissage s’ouvre aux jeunes sans-papiers

 

Ici la fête des métiers, à Zurich, en novembre 2009. [Keystone]

Ici la fête des métiers, à Zurich, en novembre 2009. [Keystone]

A l'avenir, les jeunes sans-papiers devraient pouvoir suivre un apprentissage en Suisse. Le Conseil des Etats a adopté mardi une motion du National donnant mandat au gouvernement de modifier la loi en ce sens. Le Parlement met fin à une inégalité de traitement avec les sans-papiers autorisés à suivre des études.

La motion de Luc Barthassat (PDC/GE) charge le Conseil fédéral de mettre en oeuvre un mode d'accès à l'apprentissage pour les jeunes sans statut légal une fois leur scolarité terminée. Le National l'avait adoptée de justesse (93 à 85 et 8 abstentions) alors que la Commission des institutions du Conseil des Etats l'a soutenue dans un premier temps à une voix près, inversant sa position après que le plénum lui a renvoyé l'objet en juin.

La fin d'une hypocrisie

Les jeunes ne sont pas responsables du statut de leurs parents. Le camp rose-vert auquel se sont joints quelques sénateurs PDC et PLR, plutôt latins, veut mettre fin à une certaine hypocrisie et à l'injustice qui consiste à autoriser les jeunes en situation illégale à poursuivre des études via le gymnase alors qu'ils n'ont pas le droit de suivre un apprentissage.

Les socialistes Claude Hêche (JU) et Alain Berset (FR) ont rappelé les débats des années 80 quand, s'agissant de l'école, on l'a rendue obligatoire également pour les sans-papiers. Les jeunes ne comprendraient pas qu'un couperet tombe à la fin de leur formation initiale, a dit Alain Berset. C'est se mettre un autogoal que de refuser l'apprentissage à des jeunes intégrés.

Offrir une occasion de se former

Le risque est grand de les voir commencer de commettre de petits délits s'ils restent oisifs à la maison, a plaidé Claude Hêche pour qui cette ouverture constitue "un excellent programme d'intégration, le moins coûteux". "Alors qu'on cherche souvent ici des solutions au problème de délinquance, nous avons l'occasion d'y répondre en partie en leur donnant l'occasion de se former", a renchéri Luc Recordon (Verts/VD).

Avec cette nouvelle attractivité, plusieurs orateurs UDC ont craint qu'on ouvre grand les portes de l'immigration clandestine. S'alignant sur les considérations du Conseil fédéral, ils préfèrent largement une solution individuelle, pour les cas d'une extrême gravité, possible dans le cadre des dispositions légales en vigueur.

L'UDC et son scénario-catastrophe

Liliane Maury-Pasquier (PS/GE) a fustigé certains orateurs UDC qui ont agité des scénarios-catastrophe n'ayant aucune chance de se réaliser. Il faut éviter toute "prime à l'illégalité". Si besoin est, les dossiers doivent être traités individuellement, via la réglementation sur les cas de rigueur. On trouve alors une solution définitive.

Si la Chambre des cantons a donné suite de justesse à cette motion, elle a en revanche rejeté par 22 voix contre 21 l'initiative cantonale de Neuchâtel allant dans le même sens mais un peu plus rigide et qui aurait impliqué que le Parlement et non le Conseil fédéral légifère.

Une autre motion, d'Antonio Hodgers (Verts/GE), n'a pas eu plus de succès. Rejetée par 22 voix contre 16, elle allait encore un peu plus loin en exigeant en plus que les jeunes clandestins bénéficient d'une reconnaissance formelle à la naissance. Le National avait adopté les motions alors que la polémique battait son plein dans le canton de Vaud. La Municipalité de Lausanne avait notamment annoncé qu'elle engagerait de jeunes apprentis sans-papiers.

ATS relayé par la RSR

Le Conseil des Etats autorise les jeunes sans-papiers à suivre un apprentissage

Une motion ouvrant la voie de l'apprentissage aux jeunes sans-papiers scolarisés en Suisse a été adoptée. L'inégalité entre apprentis et étudiants sera ainsi levée.

«Le Conseil fédéral est chargé de mettre en oeuvre un mode d'accès à l'apprentissage pour les jeunes sans statut légal ayant effectué leur scolarité en Suisse.» Par 23 voix contre 20, le Conseil des Etats a approuvé hier cette motion du démocrate-chrétien genevois Luc Barthassat, qui avait déjà obtenu l'aval du Conseil national en mars dernier (93 voix contre 85, avec 8 abstentions). Résultats serrés mais impératifs: le Conseil fédéral est maintenant tenu de s'exécuter.Débats nourris: 25 sénateurs (plus de la moitié du conseil) ont pris la parole pour appuyer ou contester la motion Barthassat. Parmi les partisans, Didier Berberat (ps/NE) a rappelé qu'il s'agissait de 300 à 500 jeunes qui, chaque année, pourraient commencer un apprentissage. Ils ont pu suivre l'école obligatoire, ont accès au niveau secondaire II et aux hautes écoles. Mais pas à l'apprentissage dual: il leur faut un contrat de travail et, sans permis de séjour, aucun employeur ne s'y risque.

Mieux que «zoner»

Bien sûr que la clandestinité, c'est l'illégalité, ajoute Robert Cramer (Verts/GE). Mais en quoi ces jeunes sont-ils responsables de cette situation? Si on est attaché au principe de la responsabilité individuelle, on ne peut pas les sanctionner alors qu'ils n'ont commis aucune faute, note Raphaël Comte (plr/NE). Si on laisse des jeunes de 15-20 ans «zoner» dans les rues à ne rien faire, ils vont au mieux travailler au noir et, au pire, tomber dans la délinquance, avertit Luc Recordon (Verts/VD). Mais une partie du conseil craint qu'on ne vise, sans le dire, une régularisation collective des sans-papiers, avec le potentiel d'attractivité qui en découlerait pour de nouveaux clandestins. Il n'en est pourtant pas question, souligne Didier Berberat: les parents clandestins - avec leurs enfants en apprentissage - resteraient en principe expulsables. Dans les faits, il s'agit de jeunes scolarisés en Suisse (donc intégrés) et qui y resteront, à qui il faut offrir une formation, assure Liliane Maury Pasquier (pe/GE).La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf estime que les cantons peuvent accorder des régularisations au cas par cas, dans des situations graves: c'est une marge de manoeuvre suffisante. Mais, demande Alain Berset (ps/FR), un jeune de 15 ans va-t-il demander à bénéficier d'une telle mesure, en dévoilant la clandestinité de ses parents (puisqu'il ne peut signer lui-même un contrat de travail), sachant en outre que la décision est le plus souvent négative?Au final, la gauche est rejointe par suffisamment de démocrates-chrétiens (dont les Valaisans René Imoberdorf et Jean-René Fournier, le Fribourgeois Urs Schwaller), avec quelques libéraux-radicaux, pour faire passer la motion Barthassat. L'initiative cantonale neuchâteloise, de même teneur, échoue à 22 contre 21. Et la motion du Vert genevois Hugues Hiltpold, qui voulait une régularisation à la naissance, au nom de la Convention sur les droits de l'enfant, est rejetée par 22 voix contre 16.

François Nussbaum dans la Liberté

Bâle-Ville n’interdira pas le voile intégral

Contrairement au parlement argovien, le Grand Conseil de Bâle-Ville rejette toute initiative cantonale demandant d’interdire au niveau national toutes formes de dissimulation du visage.

AFP-a

© AFP-a | Une musulmane portant le niqab. S’opposant à toute réglementation vestimentaire, les députés de Bâle-Campagne ont défendu le droit au libre-choix.

Les députés bâlois ont largement refusé hier une motion de l’UDC déposé en ce sens. S’opposant à toute réglementation vestimentaire, les représentants de gauche comme de droite ont défendu mercredi de concert le droit au libre-choix. Au final, le «non» l’a largement emporté, par 58 voix contre 13.

S’il concède qu’on ne peut «pas soutenir le port de la burqa», le PS a pourtant mis en garde face à une interdiction du voile intégral qui «pousserait d’autant plus les femmes soumises dans l’isolation». Et d’ajouter que le voile n’est pas porté uniquement par des femmes qui y sont contraintes.

Les Libéraux ont eux rappelé que certains vêtements portés durant l’hiver cachent également une partie du visage et ce, en toute légalité. Il en va de même des voiles portés par des veuves. L’exemple de la tenue des nones a également été cité à la tribune. Les Verts ont eux critiqué que la motion s’attaquait aux victimes et non à leurs oppresseurs.

Les députés de l’UDC ont reconnu qu’il n’existait aucun problème de voile islamique à Bâle. Ils ont toutefois estimé que cette situation pouvait changer «au vu du taux de natalité et des flux migratoires». Le PS a du même coup accusé le parti de droite nationaliste de «cultiver la peur» et de «faire campagne électorale sur le dos des étrangers».

Mardi, le parlement argovien a pris une décision contraire à celui de Bâle-Ville. Ses députés ont soutenu par 76 voix contre 42 une initiative cantonale demandant à la Confédération d’interdire la burqa et toute forme de dissimulation du visage dans les espaces publics. Ce texte sera remis aux Chambres fédérales.

D’autres propositions de ce type ont été déposées ces derniers mois au sein des parlements bernois, soleurois, thurgovien et schwyzois. Le gouvernement bernois a rejeté un projet de l’UDC. Le Conseil d’Etat schwyzois en a fait de même, invoquant qu’une interdiction était inutile, disproportionnée et discriminatoire.

Au début du mois d’août, le conseil scolaire du canton de St-Gall a demandé aux communes de prendre des mesures pour interdire le port du voile islamique à l’école. Pour cette institution, une telle interdiction permettrait d’empêcher une discrimination des élèves musulmanes tout en facilitant leur intégration.

ATS relayé par 24 Heures

La France et les Roms: pour Bruxelles, “trop, c’est trop !”

Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice, va demander l'ouverture d'une procédure d'infraction contre Paris.

« Une honte ! » s'est exclamée ce mardi la commissaire européenne à la Justice à propos de la circulaire du gouvernement français ciblant les Roms pour les expulsions. Viviane Reding va demander l'ouverture d'une procédure d'infraction contre Paris pour violation du droit européen. Les 27 commissaires devront s'entendre sur une « mise en demeure » qui pourrait déboucher sur des sanctions.

Longtemps hésitante sur l'attitude à adopter concernant les expulsions de Roms bulgares et roumains décidées par la France, la Commission européenne vient de trancher : elle part en guerre contre la France.

C'est la commissaire en charge de la Justice, la luxembourgeoise Viviane Reding qui l'a déclaré elle-même lors d'une conférence de presse à la mi-journée. (Voir la vidéo en anglais)

Lire la suite de cet article sur Rue89

La sagesse l’emporte sur la maladresse de Tosato

MS Prin En accordant le droit à des adolescents sans papiers de suivre un apprentissage, le Conseil des Etats met un terme à une triste polémique vaudoise. Après le Conseil national, la réputée conservatrice Chambre des cantons admet qu’il n’est plus possible de punir des enfants pour une faute de leurs parents: celle d’avoir choisi de rester en Suisse dans la clandestinité. Le vote des sénateurs permet au héraut lausannois de cette lutte de sortir la tête haute du dossier.

En déclarant en février dernier vouloir «faire le pari de l’illégalité», Oscar Tosato a tenu des propos inadmissibles pour un magistrat et indignes d’une démocratie. Nul ne saura jamais si la provocation médiatique du socialiste a véritablement influencé le vote des parlementaires; mais le municipal des Ecoles peut être fier d’avoir médiatisé les problèmes de ces enfants de sans-papiers privés de toute formation s’ils n’ont pas le niveau pour suivre le gymnase. Face à sa maladresse, le Conseil des Etats vient répondre par une leçon de démocratie, et surtout de sagesse.

Désormais, la classe politique vaudoise doit faire preuve de la même sagesse et mettre fin à une polémique inutile. La Municipalité de Lausanne et le Conseil d’Etat doivent rapidement trouver une solution permettant d’offrir une formation pratique aux jeunes clandestins. Ils ne doivent plus être les victimes des décisions de leurs parents. Cela ne signifie pas, une fois leur CFC en poche, qu’ils pourront rester dans le canton ou en Suisse. Ce débat n’est pas le même, comme l’a judicieusement admis le Conseil des Etats.

Editorial de Mehdi-Stéphane Prin dans 24 Heures

Débouté par Berne, l’ex-policier chinois fait recours à Strasbourg

L’avocat Philippe Currat a saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour empêcher le renvoi par la Suisse de Nijiati Abudureyimu, qui dénonce un trafic d’organes.

Confronté à une machine administrative qui refuse de l’entendre et maintient sa décision de renvoi du territoire suisse, un ex-policier chinois qui dénonce un trafic d’organes à grande échelle dans son pays a saisi la justice européenne pour un ultime recours. «Personne ne veut m’écouter ici, aucun politicien ne réagit. Si on ne force pas les autorités, il ne se passera jamais rien», explique Nijiati Abudureyimu. Son avocat, Me Philippe Currat, a déposé jeudi dernier une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour violation par la Suisse de plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Face à la «mauvaise volonté» du Tribunal administratif fédéral (TAF), dernière instance de recours en Suisse, et au silence de l’Office fédéral des migrations (ODM), l’avocat genevois n’avait d’autre ressort que l’échelon européen pour s’opposer au renvoi de son client vers l’Italie. «Je n’ai jamais vu cela», constate-t-il. Le TAF a rejeté le 23 août une demande de restitution de délais pour procéder à un recours en bonne et due forme contre une décision de non-entrée en matière de l’ODM sur la demande d’asile du Chinois. L’ODM estime que son cas doit être traité par l’Italie, son premier point d’entrée en Europe, comme cela est prévu par les Accords de Dublin qui réglementent au niveau européen les flux de réfugiés. Or c’est en Norvège que se situe en l’espèce ce point d’entrée et l’Italie comme la Norvège ont montré leur absence totale de volonté de le recevoir, estime pour sa part l’avocat.

Philippe Currat constate plusieurs manquements de la part de la Suisse à ses obligations légales. «Nijiati Abudureyimu a été privé de son droit à l’assistance d’un avocat de même que de son droit à disposer d’un interprète. Il n’a donc pas eu un procès équitable, ni même un accès effectif à un tribunal», explique-t-il. Il dénonce enfin les méthodes expéditives du TAF qui a exigé des frais «inhabituellement élevés» (600 francs au lieu de 200 francs) et un délai «inhabituellement court» (12 jours au lieu de 30) pour les payer sous peine d’irrecevabilité de son recours alors que l’ex-policier se trouve dans l’indigence la plus totale, ce que savait le tribunal (il n’avait que 5 euros en arrivant en Suisse). «On lui a fermé les portes du tribunal, une façon de ne pas se prononcer sur le fond alors que l’on devrait au moins trancher la question du lieu où le renvoyer éventuellement et les conditions dans lesquelles un tel renvoi pourrait être effectué», estime encore l’avocat. Il demande en conséquence que la Suisse suspende toute procédure de renvoi et l’octroi d’une assistance judiciaire à son client.

L’ODM répond qu’il n’est pas directement concerné par ce recours qui conteste un arrêt du TAF. Philippe Gnaegi, le ministre de tutelle de l’immigration du canton de Neuchâtel – où réside Nijiati Abudureyimu – chargé de mettre en œuvre la décision de renvoi des autorités fédérales n’était pas joignable hier.

Nijiati Abudureyimu avait une première fois refusé d’être embarqué dans un avion à destination de Rome le 29 juillet dernier. Il s’estimait menacé par les services secrets chinois s’il devait retourner en Italie où il avait déjà séjourné sans obtenir la moindre attention des autorités locales. Le conseiller d’Etat neuchâtelois Frédéric Hainard (qui a entre-temps démissionné) l’avait alors rapatrié vers son canton en expliquant qu’à titre personnel il serait «favorable à l’asile pour ce cas».

Arrivé en Suisse le 9 novembre 2009, l’ex-policier avait déposé une demande d’asile en témoignant du calvaire qu’il avait vécu dans son Xinjiang natal (région autonome ouïgoure du nord-ouest de la Chine) où il était chargé de mener les condamnés à mort au peloton d’exécution. Il a ensuite témoigné publiquement sur le prélèvement d’organes provenant de prisonniers. En tant qu’ancien agent de l’Etat, il peut être considéré comme un témoin clé de ce trafic. Il dénonce également les tortures infligées dans les geôles chinoises.

Nijiati Abudureyimu est très inquiet pour les membres de sa famille restés au Xinjiang. Ce lundi, il apprenait que sa sœur aînée a disparu depuis le 25 juillet. Il craint qu’elle n’ait été enlevée – voire éliminée – par des agents de la sécurité chinoise afin de l’intimider. Il y a plus d’un an, son père était décédé dans des circonstances étranges, selon ses dires, deux mois après qu’il eut reçu des menaces alors qu’il se trouvait en Norvège. A présent il a peur pour la vie de sa mère, de sa femme et de sa fille. Il lance cet appel: «J’espère que les autorités suisses feront quelque chose, sur le plan humanitaire, auprès du Parti communiste pour protéger ma famille.»

Frédéric Koller dans le Temps