Après la Belgique, la France et l’Allemagne, le débat rebondit en Suisse. Hier en Argovie, les Démocrates suisses ont réussi à convaincre le Grand Conseil de préparer un projet d’interdiction de la burqa. Il devrait être soumis à Berne. Un article de Caroline Zuercher dans 24 Heures.
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Le débat sur l’interdiction du voile intégral était dans l’air. Le canton d’Argovie met le feu aux poudres. Son Grand Conseil a voté hier, par 89 voix contre 33, une motion des Démocrates suisses visant son interdiction dans l’espace public. Le texte a été soutenu par l’UDC, le PLR, le PDC, le PBD et les Evangéliques. Les socialistes et les Verts s’y sont opposés. Une commission va préparer une initiative cantonale. Le plénum décidera s’il souhaite la déposer aux Chambres fédérales.
Les arguments ont été classiques. La burqa est un symbole du pouvoir de l’homme sur la femme et empêche l’intégration, ont souligné les partisans de l’interdiction. Ce n’est pas à nous de faire pression sur Berne, ont rétorqué les socialistes alors que les Verts ont dénoncé une attitude «hystérique» et «visant à faire peur».
Ces vêtements qui cachent le visage de la femme sont au cœur des polémiques. En Suisse comme en Europe. La semaine dernière, les députés belges ont décidé de les interdire. Le Conseil des ministres français examinera le 19 mai un tel projet de loi. Et la cheffe de file des libéraux allemands a réclamé dimanche une mesure similaire.
Dans le monde politique suisse, la burqa et le niqab font aussi l’unanimité contre eux. Mais pas la nécessité de légiférer. Comme le rappelle Martine Brunschwig Graf (PLR/GE), il ne doit pas y avoir plus de dix à onze femmes portant la burqa en Suisse. La Genevoise s’oppose aussi à une mesure visant une religion particulière. A son avis, les dispositions cantonales permettent déjà d’exiger que le visage soit découvert dans l’espace public, au nom de l’ordre public. Reste à savoir, précise-t-elle, «si la solution fédéraliste suffit ou si des dispositions devraient être précisées sur le plan suisse».
La proposition d’Oskar Freysinger
Cette voie a déjà été suivie par l’UDC valaisan Oskar Freysinger. Dans sa motion «Bas les masques!», il demande une règle fédérale interdisant les visages couverts dans les transports publics, devant les autorités et lors de manifestations. Il évoque dans son texte les voiles intégraux, mais aussi les cagoules et les masques. Une manière d’éviter le débat religieux. «Ma motion est pragmatique, souligne-t-il. Je propose de régler le problème là où il est le plus aigu.» Car le Valaisan le sait aussi: une interdiction totale serait difficile à appliquer.
Musulmans divisés
Bannir la burqa, le président du PDC Christophe Darbellay l’a déjà proposé en 2006. «Nous ne voulons pas de guerre de religions, mais une politique d’intégration crédible doit comporter des limites claires», argumente le Valaisan. Or, poursuit-il, ce vêtement est «une expression du fondamentalisme».
La question divise les musulmans eux-mêmes. Ainsi, le Forum pour un islam progressiste s’oppose à la burqa et au tchador. «Ils sont indignes pour la femme et il n’est pas écrit dans le Coran qu’elle doit être couverte de la sorte, argumente sa présidente Saïda Keller-Messahli. La burqa est peut-être un faux problème en Suisse, mais cela nous oblige à entamer un débat public. Le voile, le niqab, le tchador… Je ne pense pas qu’en les portant, les femmes se soumettent aux hommes. Par contre, ils traduisent un problème avec le corps de la femme qui se retrouve d’ailleurs dans toutes les religions. Et il faut parler de ces tabous. »