samedi 16 janvier 2010

La Suisse a déjà offert l’asile politique à des Ouïgours

Il y a déjà une huitantaine d’Ouïgours en Suisse au bénéfice du statut de réfugié. Alors pourquoi la Chine met-elle la pression sur Berne dans le dossier des deux ex-détenus de Guantánamo? Un article de 24 Heures signé Xavier Alonso.

image Tursunjan Tohti, ici avec trois de ses quatre enfants, a reçu l’asile politique en Suisse il y a dix ans, A Genève, cet Ouïgour de 44 ans poursuit ses activités politiques pour l’autonomie du Turkestan oriental. Genève, 15 janvier 2010. Photo Magali Girardin.

«Turkestan oriental!», corrige invariablement Tursunjan Tohti. Cet Ouïgour de 44 ans est né sur un territoire qu’il refuse d’appeler «Chine» et encore moins «province du Xinjiang». Il est l’un des 80 Ouïgours (enfants inclus) qui résident déjà en Suisse – estimation de la diaspora elle-même, l’Office fédéral des migrations ne donnant aucun chiffre.

La majorité de ces Ouïgours a obtenu l’asile sans que cela ne fâche l’Empire du Milieu. Pourquoi, alors, le dossier de l’accueil humanitaire des deux Ouïgours détenus à Guantánamo s’enlise-t-il ces jours à la suite des pressions exercées par la Chine? «La situation a changé», analyse Tursunjan Tohti, en froid avec le régime de Pékin. «La Chine veut montrer qu’elle est devenue une grande puissance. Désormais, elle intimide.»

C’est en octobre 2000 que Tursunjan Tohti a reçu l’asile politique. En 2005, sa femme l’a rejoint à Genève, où ils élèvent désormais leurs quatre enfants. Et, s’il a multiplié les petits boulots, raconte-il dans un français approximatif, il ne travaille plus depuis 2007 en raison de «problèmes de dos».

Comme pour tant d’autres Ouïgours, le chemin de l’exil de Tursunjan Tohti passe par la Turquie et la Grèce pour aboutir à Genève. Le réfugié y poursuit ses activités politiques pour l’autonomie du Turkestan oriental.

«Le plus souvent avec les Tibétains – un autre peuple réprimé par Pékin –, nous organisons des manifestations et des discussions», explique Tursunjan Tohti, actif dans l’«association des exilés ouïgours de Suisse» que préside Endili Memetkerim, à Zurich. Cet acuponcteur de 43 ans, en Suisse depuis dix ans et marié à une Suissesse, en est la figure de proue très médiatisée en Suisse alémanique. «D’autres Ouïgours de Guantánamo ont été admis en Albanie, aux Bermudes et aux Palaos (ndlr: minuscule Etat dans le Pacifique Sud). Un accueil en Suisse, pays plus important tout de même, et situé au centre de l’Europe, est plus problématique pour la Chine.»

Le Jura en attente…

Par la voix de sa porte-parole, Manon Schick, Amnesty International confirme. Cinq Ouïgours ont été transférés en Albanie en 2006, quatre aux Bermudes en juin 2009 et six aux Palaos en octobre 2009. Il reste aujourd’hui sept Ouïgours à Guantánamo sur les vingt-deux détenus «illégalement», selon le jugement rendu par une cour fédérale états-unienne en 2008, sous l’ère Bush.

«Evidemment que ceux qui ont suivi, discrètement, le parcours usuel de l’asile posent moins problème que ceux qui ont transité par Guantánamo», décortique Yvan Perrin, membre de la commission de politique de sécurité qui a recommandé mardi dernier au Conseil fédéral de ne plus accueillir d’ex-détenus de Guantánamo. «C’est parce qu’ils sont visibles qu’ils gênent la Chine», résume le vice-président de l’UDC. «Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures entre les Tibétains et les Ouïgours… Eussent-ils passé par Guantánamo», répond un autre membre de la commission de sécurité, Eric Voruz (PS/VD).

Pour le coup, c’est le Jura qui commence à la trouver saumâtre, le ministre Charles Juillard ne le cache pas. «Je suis pour le moins agacé. Mercredi, le Conseil fédéral aurait dû prendre une décision. Ce ne sont pas des interrogations logistiques – hébergement, traduction, coûts, soins éventuels – dans le canton du Jura qui sont prépondérantes dans une affaire de politique internationale.»

Un comité de plus pour représenter l’islam

Le Conseil central islamique suisse se bat pour la reconnaissance officielle de la foi musulmane. Mais cette organisation n’est encore qu’embryonnaire. Un article de Romain Clivaz, Berne, pour 24 Heures.

Une dizaine de jeunes hommes barbus se présentant comme le service de sécurité d’une organisation, la scène est rare dans les salons du très huppé Hôtel Bellevue, à Berne. C’est pourtant le spectacle qu’a offert hier le Conseil central islamique Suisse (CCIS) à l’occasion de sa conférence de presse de présentation. Conférence ouverte en prière.

Fondé en octobre dernier, le CCIS ambitionne de «devenir le représentant de l’islam normatif sunnite en Suisse (ndlr: environ trois quarts des musulmans)», selon son président, Nicolas Blancho, un étudiant biennois converti à l’islam à l’adolescence. Un projet ambitieux lorsque l’on sait que, actuellement, l’organisation compte 26 membres actifs et 500 passifs. Et comme «on ne peut pas mélanger les femmes et les hommes», une section féminine est prévue. Le financement, basé sur des dons et des cotisations, est assuré en Suisse.

Concrètement, outre un travail d’information, le CCIS projette d’organiser des séminaires et d’ouvrir des écoles islamiques. Il se battra aussi pour que l’islam soit reconnu de droit public. Autre projet, la création d’un conseil des fatwas, cénacle de juristes qui donneraient leur avis sur des questions d’actualité liées à l’islam. Enfin, le CCSI s’attellera à la confection de «vêtements islamiques».

Le CCIS s’est fait connaître en décembre dernier en organisant une manifestation sur la place Fédérale à Berne, après l’interdiction des minarets. Il s’ajoute à la longue liste d’environ 200 organisations musulmanes aux niveaux local, cantonal et national, estime le spécialiste de l’islam Stéphane Lathion. Autant dire que la grande union des musulmans de Suisse, que tout le monde appelait de ses voeux après le vote sur les minarets, n’est pas pour demain.

Le regroupement familial élargi

Un enfant domicilié à l’étranger a droit au regroupement familial, même si un seul des parent possède un permis de séjour en Suisse. Le Tribunal fédéral a modifié hier sa jurisprudence. Jusqu’ici, les deux parents devaient avoir un permis de séjour.

ATS