Lire l'article de Yan Pauchar dans le Matin
C'est une fin de semaine inoubliable pour la jeune requérante. Mercredi, elle accouchait au CHUV d'une ravissante petite fille. Et, hier, elle recevait la lettre qui confirme sa régularisation en Suisse
samedi 15 juillet 2006
Émigration clandestine. Le grand déballage à la conférence de Rabat
Lire sur Yabiladi.com
De 50 à 70 Subsahariens ont tenté, lundi 3 juillet, un nouvel assaut (le premier depuis le drame de l'automne 2005) sur la triple frontière ceinturant Melilia. Bilan : 3 morts. Le même jour, deux embarcations ont échoué au large de Laâyoune. Bilan, plus lourd : 26 morts. C'est dans ce climat morbide que s'ouvre, lundi 10 juillet à Rabat, une méga conférence ministérielle, euro-africaine, avec 57 pays autour de la table. Objectif affiché à Bruxelles, par le premier ministre, Driss Jettou : faire du Maroc une tête de pont africaine en matière de lutte contre l'émigration. Une conférence parallèle, sur le même sujet, s'est tenue les vendredi et samedi derniers à Harhoura, réunissant 150 ONG altermondialistes. Il en ressort que la politique sécuritaire menée de concert avec l'Union européenne, nous mène droit dans le mur. Raisons invoquées : des frontières militarisées (autour de Melilia par exemple), des émigrés traités comme des sous-hommes et pris pour des criminels. “En bref, explique l'expert ès émigration, Mehdi Lahlou, nous acceptons de faire le sale boulot, en amont, à la place de l'Europe et cela nous coûte humainement très cher”. Face à cette logique du “tout ou rien”, les officiels marocains préfèrent la stratégie du step by step (pas à pas). “Au lieu de la confrontation, nous voulons amener les Européens à faire des concessions à terme”, déclare, confiant, Youssef El Amrani qui pilote la grand-messe de Rabat. Traduisez, le Maroc montre patte blanche en espérant un retour sur investissement. À voir...
De 50 à 70 Subsahariens ont tenté, lundi 3 juillet, un nouvel assaut (le premier depuis le drame de l'automne 2005) sur la triple frontière ceinturant Melilia. Bilan : 3 morts. Le même jour, deux embarcations ont échoué au large de Laâyoune. Bilan, plus lourd : 26 morts. C'est dans ce climat morbide que s'ouvre, lundi 10 juillet à Rabat, une méga conférence ministérielle, euro-africaine, avec 57 pays autour de la table. Objectif affiché à Bruxelles, par le premier ministre, Driss Jettou : faire du Maroc une tête de pont africaine en matière de lutte contre l'émigration. Une conférence parallèle, sur le même sujet, s'est tenue les vendredi et samedi derniers à Harhoura, réunissant 150 ONG altermondialistes. Il en ressort que la politique sécuritaire menée de concert avec l'Union européenne, nous mène droit dans le mur. Raisons invoquées : des frontières militarisées (autour de Melilia par exemple), des émigrés traités comme des sous-hommes et pris pour des criminels. “En bref, explique l'expert ès émigration, Mehdi Lahlou, nous acceptons de faire le sale boulot, en amont, à la place de l'Europe et cela nous coûte humainement très cher”. Face à cette logique du “tout ou rien”, les officiels marocains préfèrent la stratégie du step by step (pas à pas). “Au lieu de la confrontation, nous voulons amener les Européens à faire des concessions à terme”, déclare, confiant, Youssef El Amrani qui pilote la grand-messe de Rabat. Traduisez, le Maroc montre patte blanche en espérant un retour sur investissement. À voir...
Manaka, reine de Saba promise au mariage forcé
Lire l'article de Virginie Poyeton dans le Courrier
Réfugiée yéménite, Manaka est venue en Suisse à 19 ans pour échapper à une union forcée.
Un corsage blanc, des cheveux tirés encadrant un visage harmonieux. Elle ne parle pas très fort. Dans son regard, on pourrait lire la fragilité. Et pourtant...
Manaka[1] est née au Yémen il y a vingt-six ans, dans la capitale Sanaa. Son avenir était déjà tout tracé. Elle se marierait à un homme fortuné, un fiancé qu'elle apprendrait à connaître parce que ses parents en avaient décidé ainsi.
Sa «chance» –comme elle le dit elle-même–, c'est, à 19 ans, d'avoir voyagé en Italie avec sa famille. «J'avais déjà la bague au doigt. Au retour, je devais me marier. Un jour, ils sont tous partis faire des achats. J'en ai profité pour m'échapper.» La fugue se passe à Milan. Manaka rentre dans un restaurant libanais et demande de l'aide. On l'orientera vers un Algérien qui, pour la somme de 5000 dollars, lui propose de la conduire en Suisse. Elle restera quatre mois en Italie. Le temps de fabriquer de faux papiers. «J'ai dû me couper les cheveux, porter des lunettes. Je n'ai jamais vu les papiers. Il (le passeur, ndlr) les a peut-être utilisés pour une deuxième fille.» Manaka esquisse un sourire.
Un train pour Genève
Le séjour suisse commence à Brigue. Manaka y restera quatre jours avec la famille du passeur avant de prendre le train pour Genève. Une fois sur place, elle demande à un chauffeur de taxi de l'emmener «là où on peut déposer une demande d'asile». C'est à l'ancien CERA (centre d'enregistrement pour requérant d'asile) qu'elle effectuera les premières démarches. «Je n'avais aucun papier sur moi. Ils ont voulu me faire signer un document stipulant que j'acceptais de repartir si je ne me procurais pas de documents dans les quarante-huit heures. J'ai refusé. Ils m'ont ensuite emmenée au centre de la Voie-des-Traz, près de l'aéroport.» Une pratique encore en cours aujourd'hui. Avec la nouvelle Loi sur l'asile, soumise au Souverain le 24 septembre, Manaka aurait été immédiatement refoulée.
Sans statut, on n'est rien
Le premier séjour de la jeune Yéménite en terres genevoises ne marquera pas positivement sa mémoire. «C'était terrible. J'étais sûre qu'on allait venir d'un moment à l'autre pour m'expulser.» Car au Yémen, l'avenir était lourd d'incertitudes. «Je n'imaginais pas rentrer chez moi. J'étais partie pour toujours. Si je rentrais, c'était la mort. Au Yémen, une femme peut disparaître sans que personne ne s'en inquiète. Pour mes parents, ma fugue à l'étranger pour échapper à un mariage, c'était la pire des humiliations.» Quand on lui dit qu'elle a eu du courage, Manaka répond: «Non, de la chance.»
Avant d'obtenir l'asile –après deux ans, la jeune fille avait réussi à se faire envoyer son certificat de naissance par une amie–, la jeune Yéménite vivra deux ans et demi au foyer des Tattes, puis avec la mère de son ami. Quatre longues années d'attente, puis le bonheur d'être enfin «quelqu'un». «En Suisse, sans papiers, on n'est rien. Quand j'ai obtenu le statut de réfugiée, je n'avais qu'une seule envie: trouver un bon travail, me former. Un statut, ça vous ouvre des portes.»
«Je veux donner à mon tour»
Mais Manaka se rend vite compte que les choses ne sont jamais très simples en Suisse. «Etre intégrée, cela veut aussi dire avoir un appartement, un emploi fixe. J'aimerais travailler dans une organisation internationale. Beaucoup de gens comme Barbara Tschopp, d'Elisa (association d'aide aux requérants d'asile, ndlr) m'ont aidée. Maintenant, je veux donner à mon tour. Plus tard, j'aimerais mener des projets pour des femmes au Yémen.»
Réfugiée yéménite, Manaka est venue en Suisse à 19 ans pour échapper à une union forcée.
Un corsage blanc, des cheveux tirés encadrant un visage harmonieux. Elle ne parle pas très fort. Dans son regard, on pourrait lire la fragilité. Et pourtant...
Manaka[1] est née au Yémen il y a vingt-six ans, dans la capitale Sanaa. Son avenir était déjà tout tracé. Elle se marierait à un homme fortuné, un fiancé qu'elle apprendrait à connaître parce que ses parents en avaient décidé ainsi.
Sa «chance» –comme elle le dit elle-même–, c'est, à 19 ans, d'avoir voyagé en Italie avec sa famille. «J'avais déjà la bague au doigt. Au retour, je devais me marier. Un jour, ils sont tous partis faire des achats. J'en ai profité pour m'échapper.» La fugue se passe à Milan. Manaka rentre dans un restaurant libanais et demande de l'aide. On l'orientera vers un Algérien qui, pour la somme de 5000 dollars, lui propose de la conduire en Suisse. Elle restera quatre mois en Italie. Le temps de fabriquer de faux papiers. «J'ai dû me couper les cheveux, porter des lunettes. Je n'ai jamais vu les papiers. Il (le passeur, ndlr) les a peut-être utilisés pour une deuxième fille.» Manaka esquisse un sourire.
Un train pour Genève
Le séjour suisse commence à Brigue. Manaka y restera quatre jours avec la famille du passeur avant de prendre le train pour Genève. Une fois sur place, elle demande à un chauffeur de taxi de l'emmener «là où on peut déposer une demande d'asile». C'est à l'ancien CERA (centre d'enregistrement pour requérant d'asile) qu'elle effectuera les premières démarches. «Je n'avais aucun papier sur moi. Ils ont voulu me faire signer un document stipulant que j'acceptais de repartir si je ne me procurais pas de documents dans les quarante-huit heures. J'ai refusé. Ils m'ont ensuite emmenée au centre de la Voie-des-Traz, près de l'aéroport.» Une pratique encore en cours aujourd'hui. Avec la nouvelle Loi sur l'asile, soumise au Souverain le 24 septembre, Manaka aurait été immédiatement refoulée.
Sans statut, on n'est rien
Le premier séjour de la jeune Yéménite en terres genevoises ne marquera pas positivement sa mémoire. «C'était terrible. J'étais sûre qu'on allait venir d'un moment à l'autre pour m'expulser.» Car au Yémen, l'avenir était lourd d'incertitudes. «Je n'imaginais pas rentrer chez moi. J'étais partie pour toujours. Si je rentrais, c'était la mort. Au Yémen, une femme peut disparaître sans que personne ne s'en inquiète. Pour mes parents, ma fugue à l'étranger pour échapper à un mariage, c'était la pire des humiliations.» Quand on lui dit qu'elle a eu du courage, Manaka répond: «Non, de la chance.»
Avant d'obtenir l'asile –après deux ans, la jeune fille avait réussi à se faire envoyer son certificat de naissance par une amie–, la jeune Yéménite vivra deux ans et demi au foyer des Tattes, puis avec la mère de son ami. Quatre longues années d'attente, puis le bonheur d'être enfin «quelqu'un». «En Suisse, sans papiers, on n'est rien. Quand j'ai obtenu le statut de réfugiée, je n'avais qu'une seule envie: trouver un bon travail, me former. Un statut, ça vous ouvre des portes.»
«Je veux donner à mon tour»
Mais Manaka se rend vite compte que les choses ne sont jamais très simples en Suisse. «Etre intégrée, cela veut aussi dire avoir un appartement, un emploi fixe. J'aimerais travailler dans une organisation internationale. Beaucoup de gens comme Barbara Tschopp, d'Elisa (association d'aide aux requérants d'asile, ndlr) m'ont aidée. Maintenant, je veux donner à mon tour. Plus tard, j'aimerais mener des projets pour des femmes au Yémen.»
Enfin un happy end pour la famille Jakupi
Lire l'article de 24 Heures
ASILE L’annonce de la régularisation de 63 dossiers parmi les «523» se concrétise: jeudi, la famille morgienne a reçu une admission provisoire.
«Je suis très ému et je tiens à remercier mon employeur, mon avocat et le syndic de Morges.» Lorsque nous l’avons contacté hier matin, Bajram Jakupi ne débouchait pas encore le champagne mais exerçait son métier de couvreur, comme à son habitude. Une activité que ce Kosovar — arrivé en 1993 en Suisse — n’a jamais cessé d’exercer, malgré l’interdiction de travail dont lui et les autres «523» requérants déboutés étaient frappés depuis le 31 décembre dernier.
Jeudi, son parcours du combattant a pris fin sous la forme d’une lettre adressée par la division asile du Service de la population (SPOP): lui et sa famille ont reçu une admission provisoire en attendant un permis B, qui devrait suivre dans les prochains jours, estime le syndic de Morges Eric Voruz. Ce dernier a fortement soutenu la famille tout au long de ses démarches.Cette décision fait suite à l’admission, la semaine dernière, de soixante-trois dossiers parmi ceux des "523" encore encore en examen à Berne. Egalement sur la liste, Mohamed Bourezgue, requérant algérien qui avait été incarcéré trois mois au centre de détention administrative de Frambois à fin 2005. Il a reçu un permis B jeudi dernier.
V.M.Y
La caravane passera-t-elle ici ou là? Ne nous trompons pas de débat…
L'opinion de Jacques Poget, rédacteur en chef de 24 Heures
Et c’est parti! Avec la «suggestion» appuyée des autorités de Vallorbe à la caravane pro-asile de passer au large de leur localité (affligée d’un centre d’enregistrement pour requérants), le débat dérape inéluctablement. Au risque de perdre de vue la question cruciale: quelles lois sur l’asile et les étrangers la Suisse entend-elle adopter?
Et c’est parti! Avec la «suggestion» appuyée des autorités de Vallorbe à la caravane pro-asile de passer au large de leur localité (affligée d’un centre d’enregistrement pour requérants), le débat dérape inéluctablement. Au risque de perdre de vue la question cruciale: quelles lois sur l’asile et les étrangers la Suisse entend-elle adopter?
Le piège: quelles que soient ses intentions, la tentative de musellement est profondément pernicieuse; il est donc impératif de résister à toute idée d’intimider les adversaires de la loi. Car il ne s’agit pas «simplement » de ce referendum, mais du droit à l’expression de tout citoyen, sur n’importe quel sujet. Il faut rappeler fortement que, sans discussion ouverte et publique, une votation perd toute valeur; souligner la portée générale de l’incident, montrer comment ce précédent, s’il était contagieux, attaquerait notre démocratie à la racine.
Simultanément et contradictoirement, il faudrait faire l’impasse sur cet épisode local pour évacuer tout parasite à la discussion sur l’asile et les étrangers. Il est tellement tentant de se focaliser sur des aspects qui pourraient passer pour folkloriques. Et de dénaturer la controverse en l’écartant de son enjeu ultimepar exemple en s’affrontant longuement sur l’opportunité ou non d’une halte de la caravane dans des lieux particulièrement sensibles, tels que Vallorbe ou Bex.Or les deux lois cibles du referendum font partie de ces dispositions cardinales pour la démocratie qui mettent en forme des comportements primordiaux. La manière dont une collectivité considère et traite les étrangers, dont elle accueille ceux qui lui demandent aide et protection, dont elle règle son attitude essentiellement sur le respect ou sur le soupçon, tout cela a des implications invisibles mais tentaculaires sur l’ensemble de la société. Tout cela en dit long sur ses véritables valeurs fondatrices, non celles du credo officiel mais celles des conduites sociales au quotidien. C’est pourquoi il faut pouvoir débattre lucidement de ces deux lois, examiner sereinement leurs dispositions précises, établir froidement leurs conséquences. Loin des jugements à l’emporte-pièce, des on-dit, des on-croit et des généralisations.Modèle du genre, l’intervention de la libérale Suzette Sandoz, professeur de droit, dans Le Temps du 16 juin, démontrait comment la nouvelle loi aboutirait à transformer les officiers d’état civil en «bras privé de la police des étrangers». (Ajoutons qu’elle encouragerait soupçon et délation). Et la juriste de souligner une «barbarie » de la loi, le fait de punir les enfants pour l’acte des parents. Il est prévu qu’en cas de mariage de complaisance, l’union soit annulée, et la paternité du mari automatiquement supprimée. Automatisme glaçant: des enfants forcément sans père si le père a abusé de la confiance de la Suisse.Il y a dans les deux lois soumises au peuple le 24 septembre plusieurs «détails» de ce genre, auxquels les parlementaires ne se sont pas arrêtés. Par exemple celui qui a poussé un ancien grand patron comme Markus Rauh (Swisscom) à organiser avec d’autres conservateurs un comité pour le referendum: il s’agit pour lui d’empêcher que des policiers puissent, sans mandat d’un juge, entrer chez quelqu’un et l’emprisonner en vue d’une expulsion; empêcher, qu’en Suisse on puisse être ainsi détenu jusqu’à deux ans hors du circuit de la justice. De tels détails, à mettre en regard des inconvénients de la loi actuelle, méritent une décision mûrement réfléchie, à ne laisser troubler par aucune controverse secondaire. «Il est tellement tentant de se focaliser sur des aspects qui pourraient passer pour folkloriques»
LA RÉDACTION
JACQUES POGET
■ Rédacteur en chef
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