Stephen Harper fomente un complot pour assassiner la reine d'Angleterre ? C'était une des fabulations d'un père de famille russe paranoïaque qui a entraîné sa femme et son fils dans son suicide dimanche. Cette tragédie a relancé le débat sur le sort des demandeurs d'asile en Grande-Bretagne.
Les tours à logements de Red Road ont une triste réputation à Glasgow, en Écosse. Autrefois la fierté de la ville, les huit immeubles géants tombent en ruine. Les murs sont couverts de graffitis. Leurs balcons, en décrépitude, sont dotés de filets pour prévenir les chutes.
Dimanche matin, Serge Serykh a jeté une commode au travers du filet de son balcon, au 15e étage. Puis, l'homme, sa femme et leur fils ont sauté par l'ouverture.
Ce suicide a ébranlé les réfugiés qui habitent les tours vétustes, que le Daily Mail a baptisées «les Nations unies de l'enfer». Mais les déclarations extraordinaires des défunts, qui se croyaient traqués par le gouvernement canadien, ont ajouté à la consternation. Les bribes d'information qui sont parvenues jusqu'aux médias dressent le portrait d'un homme paranoïaque qui sombrait dans la folie.
Serge Serykh, 43 ans, prétendait être un ancien espion russe. Détenteur d'un passeport canadien, il avait demandé l'asile politique à son arrivée en Grande-Bretagne, en 2007. Le ministère de l'Immigration venait de rejeter sa demande et de lui ordonner d'évacuer l'appartement.
Demande rejetée
«Il avait très peur, a expliqué à la presse britannique un ami iranien, Mohsen Maroufi. Il disait que, s'il retournait au Canada, le gouvernement le tuerait.»
Serge Serykh et ses proches se sont réfugiés au Canada en 2000. Le père de famille avait offert ses services au gouvernement, affirmant connaître l'existence d'un réseau d'espions en sol canadien. Ils ont obtenu le statut de réfugié en 2005. Lorsque leur demande de citoyenneté a été rejetée, en 2007, ils ont subitement quitté le pays.
Ils accusaient le gouvernement canadien d'avoir utilisé des «armes psychotroniques» contre eux. «Le père croyait que la Russie et le Canada échangeaient des renseignements à son sujet», a affirmé une source au quotidien écossais Daily Record.
Il aurait également confié à un député britannique que Stephen Harper complotait pour assassiner la reine Élisabeth.
Rien pour les réfugiés
En dépit de ces déclarations fantaisistes, la tragédie familiale a donné aux réfugiés de Red Road l'occasion de dénoncer leur sort.
«Tout le monde est en colère parce qu'il n'y a rien pour nous, ici», a dit Belal Azizi, un Afghan de 24 ans.
Seyed Ali Ghasemi, de son côté, comprend le geste de la famille: «Peut-être qu'un jour je ferai la même chose. Je n'ai pas vu mon fils depuis deux ans», a dit l'Iranien de 28 ans.
Un groupe de soutien aux réfugiés soupçonne que les Serykh ont sauté du balcon lorsque des agents de l'immigration ont frappé à leur porte. «Les Britanniques ont le droit de savoir si leur système d'immigration est juste ou s'il terrorise des gens vulnérables au point de les mener au suicide», a affirmé Robina Qureshi, de l'organisme Positive Action in Housing.
Un article dans la Presse (CA) signé Mali Ilse Paquin et relayé par cyberpresse