L'afflux d'immigrants clandestins d'Afrique du Nord sur l'île italienne de Lampedusa impose une plus grande solidarité difficile à mettre en place entre pays de l'Union européenne et menace d'être exploitée par les partis extrémistes.
Le gouvernement italien compte relancer le débat lors du sommet des dirigeants de l'Union jeudi et vendredi à Bruxelles. "Nous voulons partager le fardeau très lourd de l'immigration illégale avec tous les partenaires, à commencer par les partenaires européens", a averti le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini. Il ne se fait toutefois pas d'illusions. Jusqu'à présent, les partenaires européens sont restés sourds aux appels de Rome, en première ligne face aux troubles en Afrique du Nord.
Le Haut commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR) a tiré la sonnette d'alarme. Près de 6.000 immigrés sont entassés à Lampedusa, confetti italien de 2O km2 proche des côtes tunisienne et libyenne, dans des conditions sanitaires précaires, dont 2.200 dans un centre d'accueil pour clandestins prévu normalement pour accueillir 850 personnes. Les dirigeants allemand, français, autrichien, suédois et finlandais soutiennent que l'Italie est à même de gérer seule. Vienne fait valoir qu'elle a dû gérer un afflux autrement plus important d'immigrants lors des guerres dans l'ex-Yougoslavie dans les années 1990.
Mais le problème risque de devenir rapidement le leur, car "rien n'empêchera ces illégaux de se rendre en Finlande s'ils le veulent", soutient une source italienne, il leur suffit de se montrer patients. Le ministre de l'Intérieur italien Roberto Maroni a été explicite lors de la dernière réunion avec ses homologues à Bruxelles. La Tunisie, la Libye et l'Egypte n'ont pas d'accord de réadmission avec l'Union européenne, a-t-il rappelé.
Le problème se pose aujourd'hui avec la Tunisie, pays d'où sont partis les immigrants arrivés à Lampedusa. "Ils ont quitté la Tunisie du fait des difficultés économiques et la plupart sont en quête d'opportunités d'emplois", souligne le HCR. Illégaux, ils doivent être renvoyés dans leur pays. "Mais ce pays refuse de rapatrier plus de 4 personnes par jour et il faudrait plus de trois ans pour renvoyer tous ceux qui sont arrivés à Lampedusa", souligne M. Maroni. Analyse confirmée par la Commission européenne. "Nous pouvons les tenir six mois, pas plus. Ensuite, ils iront en France ou en Allemagne", a averti le ministre italien.
Les autorités françaises ont constaté un accroissement des interpellations de Tunisiens en situation irrégulière à la frontière avec l'Italie. Et le phénomène est déjà exploité par le Front National, le parti d'extrême-droite français, en hausse dans les sondages à un an des élections présidentielles. Sa présidente, Marine Le Pen, a effectué un déplacement très médiatisé à Lampedusa le 14 mars. "Je suis venue exprimer sur le terrain ma très vive inquiétude. L'Union européenne n'a aucune solution à proposer. Nous allons assister à une véritable catastrophe et l'UE, cette grosse méduse molle, est impuissante", aavait-elle alors déclaré. La Commission réfute cette accusation, mais elle peine à trouver des interlocuteurs en Tunisie pour négocier la réadmission de ses ressortissants.
Quant à Frontex, l'agence européenne chargée d'aider à surveiller les frontières extérieures de l'UE, elle s'avère peu utile. De l'aveu de ses dirigeants, elle manque de moyens pour intervenir et "elle ne sert pas à grand chose si son action se résume a accompagner les barcasses des clandestins jusqu'à nos ports", a commenté un responsable italien.
Christian Spillmann, AFP, Rome