lundi 16 mars 2009

Bien intégré et pourtant menacé d'expulsion

Son patron le trouve indispensable, l’administration vaudoise le juge bien intégré, les clients apprécient sa cuisine. Mais Mauricio Catota doit quitter la Suisse.

Mauricio Catota, sous-chef, a réussi à grimper bien des échelons dans les cuisines du Lausanne Palace (photo Vanessa Cardoso) Tout souriait à Mauricio Catota. Il y a sept ans, il a épousé Adriana, sa compatriote, à l’ambassade d’Equateur à Berne. Un petit Maurice est né de leur union en juillet dernier au CHUV, à Lausanne. Son employeur – le Lausanne Palace – le juge indispensable à la bonne marche de la brigade de cuisine. L’établissement lausannois a déposé une demande de permis de séjour avec activité lucrative il y a cinq ans.

Vol de retour

Jugeant l’intégration du cuisinier fort correcte, l’administration vaudoise s’est déclarée favorable.

L’administration fédérale vient par contre d’exiger le départ de Mauricio Catota. Le cuisinier équatorien doit se rendre mardi prochain au Service de la population (SPOP) pour fixer la date de son vol de retour en Equateur – un pays qu’il a quitté il y a dix ans à l’âge de 17 ans.

A l’instar du cuisinier équatorien, dans le canton de Vaud, une légion d’étrangers bien intégrés voient leur demande de permis de séjour échouer. «En Suisse, on refuse d’accueillir les étrangers qu’on devrait objectivement accepter.» Ce constat est de Me Pierre-Olivier Wellauer, l’avocat que le Lausanne Palace a pris pour défendre son employé.

Le parcours du jeune Equatorien illustre ces propos. Commis de cuisine, chef de partie puis sous-chef de cuisine, Mauricio Catota a même suivi des cours de perfectionnement professionnel qu’il a terminé avec félicitations du jury.

A. W.

La Suisse peut examiner la demande de Fahad K.»


ASILE | Le sort de l’Irakien, qui apparaît dans La Forteresse, est toujours suspendu au verdict du Tribunal administratif fédéral. Peut-il légalement lui accorder l’asile? Décodage d’un expert.




MARTINE CLERC dans 24heures

© DR | Francesco Maiani, expert en droit européen de l’asile.

Le renvoi en Suède de Fahad K., requérant irakien, a été suspendu de justesse par le Tribunal administratif fédéral (TAF) le 2 mars. Si la Suisse voulait l’expulser sans examiner sa demande d’asile, c’est en vertu de l’Accord de Dublin – qui empêche des demandes d’asile successives dans plusieurs pays d’Europe. Un entretien du réalisateur Fernand Melgar, réalisateur de La Forteresse, vendredi dernier avec Eveline Widmer-Schlumpf, n’a pas permis de débloquer la situation. La Suisse peut-elle légalement accorder l’asile à Fahad K.? Le point avec Francesco Maiani, professeur, expert en droit européen de l’asile à l’IDHEAP (Institut des hautes études en administration publique).

– La Confédération est-elle contrainte» de renvoyer Fahad K. en Suède en vertu de l’Accord de Dublin? Quelle est sa marge de manœuvre?
– L’Accord de Dublin ne comporte pas de telles contraintes. Selon la «clause de souveraineté» contenue dans son règlement, tout Etat est libre d’entrer en matière sur toute demande d’asile lui étant adressée, même si celle-ci a été déjà rejetée par un Etat de l’UE. Cette clause de souveraineté revêt une importance primordiale: elle permet à un Etat membre de l’Espace Dublin de «débrancher» le système et de ne pas commettre ce qui constituerait, selon sa propre interprétation des standards en matière d’asile, une grave violation du droit international. Les pays sont libres de recourir à cette clause. Mais la Suisse, dans sa loi sur l’asile, s’est fixé des règles d’application assez strictes.

– Existe-t-il des cas où le recours à cette clause de souveraineté est obligatoire? 
– Tout à fait. Un Etat ne saurait effectuer un renvoi qui, bien que prévu par l’Accord de Dublin, serait contraire à la Convention de Genève sur le statut des réfugiés.

- Le Tribunal administratif fédéral a donc les bases juridiques pour accepter le recours de Fahad K. qui demande à la Confédération d’entrer en matière sur son dossier?
– Oui. L’entrée en matière serait un simple cas d’exercice de la clause de souveraineté. En droit suisse, le Tribunal administratif fédéral pourrait se fonder sur l’article 32 de la loi sur l’asile. Selon cette disposition, telle qu’interprétée par la jurisprudence, la décision négative d’un Etat de l’UE permet certes de présumer que la personne concernée n’est pas un réfugié, et donc de ne pas entrer en matière. Mais l’entrée en matière est obligatoire en cas d’indices de persécution suffisamment forts pour renverser cette présomption.