Etonnant. Une organisation israélienne de défense des droits de l’homme fournit à des familles de Cisjordanie les moyens de filmer les agressions dont elles sont victimes. Histoire d’en finir avec l’impunité des colons. Un article de Andrés Allemand pour 24 Heures.
La violence des images filmées est plus éloquente que 1000 discours.
La scène est insoutenable. Quatre hommes encagoulés s’avancent, tenant chacun une batte de baseball. Arrivés à la hauteur d’une famille de bergers palestiniens, ils se mettent à les frapper sur la tête, le dos, tout le corps. Soudain, la caméra chancelante qui filme l’agression tombe à terre. Puis l’image se fige.
Dans son malheur, la famille a une chance: elle avait reçu une des caméras vidéo distribuées en Cisjordanie par B’Tselem, célèbre organisation israélienne de défense des droits de l’homme. Ce sont ces terribles images, remises à la police israélienne, qui ont permis l’arrestation, mardi, de deux colons installés près de la ville d’Hébron. Leur diffusion la semaine dernière sur les ondes de la BBC y est peut-être aussi pour quelque chose.
Autrefois, ces agressions restaient impunies. Difficile de démontrer les faits. Mais les caméras de B’Tselem ont changé la donne. C’est le cas pour la famille Nawaj’ah, qui disposait d’une autorisation spéciale pour faire paître son troupeau sur ce pré appartenant à un Palestinien, situé dans une zone militaire interdite aux civils israéliens.
Une centaine de caméras
Quand deux colons sont venus en tracteur leur dire de déguerpir, les bergers se sont méfiés. Ils ont appelé en renfort d’autres membres de la famille, dont deux sexagénaires et une jeune femme de 25 ans. C’est elle, Muna, qui tenait la caméra. C’est elle qui a couru chercher du secours. Trente minutes plus tard, des proches parviennent à faire stopper une jeep israélienne qui passait sur la grand-route. Après une heure, des ambulances sont arrivées, ainsi qu’une voiture de police. Plusieurs des victimes ont été hospitalisées. Depuis le début 2007, B’Tselem a distribué une centaine de caméras à des Palestiniens vivant près des colons. Plus d’une cinquantaine de cas de violences (tirs, coups, jets de pierres) ont déjà été enregistrés. «Mais les caméras ont avant tout un effet dissuasif», explique Oren Yacokovobich, responsable du programme Shooting back. «Elles révèlent au grand public des incidents qui d’habitude restent invisibles, et dont la véracité peut être remise en question.» A voir la violence des images, on comprend pourquoi…
Vers les vidéos du projet Shooting back