jeudi 21 octobre 2010

Les renvois de la discorde

renvoi étrangers opinionsL’expulsion des étrangers criminels est au centre de la votation du 28 novembre. Au choix: une initiative populaire, son contre-projet ou le statu quo.

Deux bières pour le prix d’une. Tel est le principe des «happy-hours» pratiquées dans certains bistrots, à l’heure de l’apéritif. En politique, cela existe aussi. Le 28 novembre prochain, ce sera trois votes pour un verdict. Nous devrons tout d’abord nous exprimer sur l’initiative de l’UDC «Pour le renvoi des étrangers criminels», dite des «moutons noirs». Puis sur le contre-projet concocté par le parlement, sous l’égide d’élus libéraux-radicaux et démocrates-chrétiens soutenus au final par une majorité de parlementaires socialistes. Puis viendra la question subsidiaire. Indépendante des deux premiers votes, elle sert à départager ces réformes si les deux devaient obtenir une majorité.

Il sera donc possible de dire non deux fois, puis de finalement d’arbitrer entre l’initiative ou son contre-projet.

 

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Les bases légales actuelles permettent déjà la révocation d’un titre de séjour. Les cantons jouent ici un  rôle essentiel. A Genève, dès qu’une personne est interpellée, l’Office cantonal de la population en est informé. S’il y a condamnation définitive, des mesures sont prises, pouvant aller jusqu’à une décision de renvoi. Si la personne est détentrice d’un permis d’établissement (permis C), c’est la conseillère d’Etat en personne qui approuve la révocation, soit Isabel Rochat (libérale). Une pesée entre l’intérêt public, par exemple la sécurité, et l’intérêt privé, comme l’unité de la famille ou le niveau d’intégration, est réalisée. Pour ce qui est des permis B (annuels et renouvelables) et L (maximum un an, en général non renouvelés), ce sont les offices cantonaux qui tranchent. La pratique est similaire dans le canton de Vaud.

Le conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba (libéral) l’a chiffrée en début de semaine. Alors que 10 permis C ont été révoqués pour motifs pénaux en 2009, 37 devraient l’être d’ici à la fin de l’année. En ce qui concerne les livrets B et L, plus de 70 subiront le même sort. A Genève, le chef du service asile et aide au départ Bernard Ducrest assure que «d’ici à la fin de la semaine, on devrait y voir plus clair pour ce qui est de la pratique genevoise». Des statistiques sont en cours d’élaboration.

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Cette diversité cantonale, l’Union démocratique du centre (UDC) n’en veut plus. Fin 2007, lors de la campagne électorale fédérale, elle lance son initiative «Pour le renvoi des étrangers criminels». Symbolisée par l’affiche du mouton noir bouté hors de Suisse par des congénères blancs, elle a réuni plus de 210 000 signatures autour d’un mécanisme central: l’automaticité des renvois.

Une liste de forfaits y figure. Le titre de séjour est retiré si une personne est condamnée pour «meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d’une autre nature tel que le brigandage, la traite d’êtres humains, le trafic de drogue ou l’effraction», de même que si elle a perçu «abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale». Le parlement pourra ensuite compléter la liste des délits. Une sanction supplémentaire est prévue: l’interdiction d’entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans. Et, en cas de récidive, elle sera fixée à 20 ans.

20 ans expulsion

L’automatisme des renvois est ce qui a suscité le plus de débats à l’Assemblée fédérale, entre autres autour de sa compatibilité avec la libre circulation des personnes. Un argument réfuté par l’UDC, qui brandit un avis de droit. Selon l’Agence télégraphique suisse, des experts européens, particulièrement allemands, auraient récemment fait part de leur inquiétude au chef de la mission suisse à Bruxelles. D’autres dispositions du droit international pourraient également être violées en cas de renvois systématiques, selon l’Office fédéral des migrations (lire ci-dessous).

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Alors qu’ils auraient pu se contenter de soumettre l’initiative seule au vote, des élus du centre-droite ont décidé d’élaborer un contre-projet direct. C’était au lendemain de la nette et surprenante acceptation de l’initiative populaire interdisant la construction de minarets (novembre 2009). Alors que les sondages la donnaient perdante, elle obtenait 57,5% de votes favorables.

«Ce résultat nous a effectivement secoués, confie le conseiller national Hugues Hiltpold (PLR/GE). Mais le fait que l’initiative sur le renvoi ait récolté 210 000 signatures en un temps record démontre aussi que la population a des attentes en la matière. Il s’agissait donc aussi pour nous d’aller dans la même direction, mais avec un texte compatible avec nos engagements internationaux et notre Constitution, notamment le principe de la proportionnalité. Et de compléter aussi la liste des infractions, en y ajoutant les lésions corporelles graves.»

Différence essentielle avec l’initiative: l’absence d’automaticité. Les délits sont certes énumérés de manière plus précise, de même que la gravité devant mener à l’expulsion, mais le «respect» du droit international et du principe constitutionnel de «proportionnalité» y sont stipulés. Une pesée d’intérêts sera donc effectuée, comme c’est le cas aujourd’hui, quand par exemple la question du renvoi d’un père de famille se pose. Un article sur l’intégration a également été introduit, ce qui a rendu le contre-projet moins indigeste pour de nombreux élus de gauche.

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Et quelles seront les conséquences concrètes en cas de oui à l’un ou l’autre des projets? Selon l’ODM, il y aura tour de vis. Aujourd’hui, entre 350 et 400 personnes sont priées de quitter la Suisse. Un total qui passerait à environ 800 avec le contre-projet, et 1500 avec l’initiative.

Mais la polémique ne cesse d’enfler autour de ces chiffres, puisqu’il ne s’agit que d’estimations. Les autorités fédérales n’ont en effet pas été capables de récolter toutes les données dans les cantons en vue de cette votation. La différence éclatante dans l’établissement de statistiques est symbolisée par les cas vaudois et genevois: Vaud dispose de statistiques détaillées, tandis que Genève se livre à un exercice de rattrapage Peut-être que la Commission fédérale pour les questions de migration apportera aujourd’hui un peu de clarté. Elle présente ce matin son rapport sur la pratique actuelle des renvois de délinquants.

Romain Clivaz Berne pour 24 Heures

renvois chiffres et réalité

Fragile refuge à la Sallaz

Les requérants déboutés menacés de renvoi ont trouvé refuge dans les locaux de l'église protestante de La Sallaz, à Lausanne. Une refuge qui sera cependant provisoire, la paroisse de La Sallaz-Epalinges s'étant engagée à les héberger jusqu'au vendredi 29 octobre.

Après cette date, qui coïncide avec la fin des vacances scolaires, la reprise des activités régulières dans ce lieu obligera les requérants à changer d'endroit. Maryse Burnat-Chauvy, pasteure de la paroisse, espère néanmoins que d'autres églises prendront immédiatement le relais. «Nous recherchons déjà un autre refuge pour assurer la relève», indique quant à lui Paolo Mariani, porte-parole de l'église réformée.
Sur les quatre personnes qui, il y a une semaine, avaient été provisoirement accueillies au centre pastoral du Point d'appui, trois ont rejoint l'église de La Sallaz. «Le quatrième requérant a disparu dans la nature. Nous avons perdu sa trace depuis la fin de la semaine passée», annonce Paolo Mariani.

L'ouverture de ce refuge a fait l'objet d'une double convention: entre les requérants et les présidents des conseils paroissiaux d'une part; entre ces derniers, le conseil synodal de l'église réformée et la coordination Asile et migration Vaud (CAMIV) de l'autre. La convention autorise notamment la CAMIV à assurer une permanence auprès des migrants, ainsi qu'à tenir ses réunions sur place.
Mais le texte comporte aussi un certain nombre d'obligations pour les occupants du refuge et leurs défenseurs, comme l'engagement à ne pas opposer de résistance active si la police investit les locaux. «Il n'y a pas d'inviolabilité du lieu, précise Paolo Mariani. Nous avons demandé à ce qu'il n'y ait pas de réaction violente en cas d'intervention de la police. En dernier recours, nous avons autorisé les personnes à se rendre dans la salle du temple.» Par ailleurs, toute manifestation de la coordination aux abords de l'église est proscrite.

Pour les requérants, dont une demande de réouverture du dossier va être déposée, commence maintenant une nouvelle attente, angoissée et fébrile. «Je suis toujours en danger d'être expulsé et j'ai peur de voir arriver la police», confie l'un d'eux.

Arnaud Crevoisier dans le Courrier

Une église lausannoise sert à nouveau de refuge

lausanne refuge déboutés Trois requérants d’asile menacés de renvoi ont obtenu une protection temporaire dans une paroisse. Comme en 2004.

Les défenseurs des requérants déboutés refont le coup du refuge. Depuis hier matin, à Lausanne, trois personnes ont trouvé asile temporaire dans une salle de l’église protestante de la Sallaz. Ces deux hommes et cette femme ont signé un accord avec les représentants de la paroisse. Il stipule notamment qu’ils devront partir au plus tard le 29 octobre à 9 h et qu’ils ne résisteront pas de manière violente si d’aventure la police venait les chercher.

Cette occupation d’un lieu paroissial survient à quelques semaines d’une nouvelle votation fédérale sur le thème de l’asile. Les trois personnes et le collectif qui les soutient veulent remettre en pleine lumière le combat politique pour la régularisation des requérants, en l’étayant de cas concrets.

La dernière création de refuges semblables dans la région lausannoise remonte à 2004. A cette époque, la mobilisation des milieux de l’asile et d’une partie de la classe politique avaient contribué à faire admettre par Berne des exceptions aux renvois.

«Droit de rester», le collectif de soutien actuel, comprend à la fois des requérants d’asile et des sympathisants suisses. Seule une petite frange du groupe actif en 2004 en fait partie.

Les trois requérants réfugiés à la Sallaz disent craindre pour leur intégrité ou même leur vie s’ils sont renvoyés dans leur pays d’origine. Le collectif les définit surtout comme emblématiques de beaucoup d’autres. «Nous sommes plusieurs à Lausanne et ailleurs à vivre dans l’angoisse en permanence», affirme pour sa part Mimi, jeune africaine de 30 ans, membre de Droit de rester, en Suisse depuis huit ans. «J’ai déjà eu un plan de vol en 2007, mais j’ai pu rester pour des raisons de santé. D’un jour à l’autre, on peut venir me chercher. On ne me permet pas de travailler, et je dois vivre avec 9 fr. 50 par jour…»

Michel Racloz, responsable du département solidarité à l’Eglise catholique vaudoise, parle lui aussi d’un serrement de vis, européen et suisse: «Par rapport à 2004, l’Europe a introduit les Accords de Schengen-Dublin, appliqués depuis peu en Suisse.»

Et certains montrent du doigt dans le canton de Vaud le conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba, en charge de l’asile, qui appliquerait les lois de manière plus ferme que ses prédécesseurs.

Les deux Eglises, catholique et protestante, espèrent pour leur part que les dossiers des trois migrants accueillis à la Sallaz pourront être rouverts et réexaminés. Elles cherchent d’ores et déjà une deuxième paroisse refuge, pour assurer la suite.

Jérôme Ducret dans 24 Heures

le canton prend acte

24 Heures

Israël, la Terre Promise d'Afrique

Les Juifs peuvent considérer Israël comme la Terre Promise, mais la plupart d’entre eux vivent encore en dehors de cet État-Nation. Bien que les Africains ne décrivent pas Israël de cette manière, beaucoup voudraient s’y installer. C’est pourquoi un nombre croissant de Soudanais, d’Érythréens et autres africains continuent à risquer leur vie pour demander l’asile dans l’État Juif.

réfugiée soudanaise israelIls souffrent de difficultés indicibles sur le chemin. Pour atteindre Israël, ils doivent marcher à travers l’Égypte, où ils ne sont jamais bienvenus, toujours persécutés et parfois tués. Les Bédouins réclament des sommes folles pour les faire passer à travers la frontière du Néguev et les faire arriver sur le sol israélien.

Israël, en tant que signataire des conventions internationales en faveur des réfugiés, est tenu de les recevoir. Les renvoyer mettrait en danger leur vie, et les Juifs savent ce que cela signifie mieux que quiconque.

Les réfugiés posent un défi difficile à relever. En tant qu’Etat, Israël est attaché aux valeurs humanitaires, Israël ne peut s’en détourner. Mais si Jérusalem ouvre ses portes sans discernement, la judéité d’Israël peut être compromise. Ainsi, l’Etat Hébreu leur accorde l’asile par humanité et parce qu’il n’a moralement pas le choix. Israël ne peut renvoyer ces migrants qui fuient les carnages africains. Israël fera en sorte d’améliorer la vie de ces personnes, dans l’espoir que la situation dans leur pays s’améliore… Et peut-être un jour de permettre leur rapatriement.

Une fois en Israël, les réfugiés travaillent en général illégalement, ils n’ont pas d’assurance, vivent dans des conditions sordides et envoient de l’argent – autant qu’ils le peuvent. Ils insistent néanmoins pour rester en Israël plutôt que n’importe où ailleurs dans la région.

manifestation israel réfugiésNaturellement, la situation inquiète les responsables politiques israéliens. Le ministre de la Justice a récemment déclaré qu’«Israël est confronté à une menace existentielle, à la lumière des vagues d’infiltration venue en passant la frontière avec l’Egypte.»

Le pays est aujourd’hui dans une situation complexe : doit-il continuer recevoir ceux qui subissent les massacres des musulmans du Darfour ou doit-il ignorer la situation, comme le fait la Ligue Arabe, et les renvoyer dans leur coupe-gorge ? Dans les deux cas, que ce soit pour des motifs démographiques ou de moralité, la judéité d’Israël peut être sérieusement contestée. La Terre Promise, un concept qui s’accompagne d’un gros prix à payer et de lourdes responsabilités à accepter.

Adapté d’un article du Canadian Jewish News – JSSNews