dimanche 6 mars 2011

L’Italie peu portée sur la rétention

En cas de demande d’asile ou lorsque les centres d’identification et d’expulsion sont pleins, les clandestins sont «libérés» de toute surveillance policière.

«Le risque d’une fuite massive vers l’Italie est évident. Nous avons envoyé une mission humanitaire pour éviter ce risque mais il y a des dizaines de milliers de désespérés qui ne savent pas où aller» : Après la révolution tunisienne et face à la crise libyenne, le ministre italien de l’Intérieur, Roberto Maroni, continue de scruter avec une vive préoccupation la frontière sud de la péninsule. Il n’a en revanche pas réagi aux propos de son homologue Claude Guéant sur la porosité présumée de la frontière italo-française. «Pour l’instant, nous n’avons pas de commentaire à faire sur les propos du ministre français», qui, vendredi, dans les Alpes-Maritimes, a demandé aux autorités transalpines de «retenir» les migrants tunisiens qui, après l’étape italienne, cherchent à franchir la frontière française.

«Demande d’asile»

A Rome, on choisit pour l’heure le mutisme et l’on se contente de fournir des chiffres concernant les 6 200 Tunisiens arrivés entre janvier et février sur la petite île de Lampedusa. Alors qu’ils ont été pour la plupart transférés dans différents centres en Sicile, en Calabre ou dans les Pouilles, un peu plus de 1 100 d’entre eux ont présenté une demande d’asile et 1 060 se sont déclarés prêts à le faire. «En principe, un immigré qui présente une demande d’asile doit rester sur le territoire italien le temps que son dossier soit examiné, explique l’expert Sergio Briguglio. En réalité, celui-ci peut facilement tenter de quitter le pays.»

«Les centres où ils sont placés ne sont pas des camps, on ne peut pas vraiment empêcher un demandeur d’asile de sortir d’Italie», confirme-t-on de source policière. Quant aux autres immigrés, ils sont placés dans des centres d’identification et d’expulsion en attendant formellement d’être extradés. Mais là encore, explique Sergio Briguglio, «si ces centres sont déjà pleins, les préfets peuvent faire sortir les clandestins en leur intimant l’ordre de quitter le territoire pour retourner dans leur pays dans les cinq jours». En pratique, il est impossible de vérifier si l’ordre est exécuté.

«Fardeau»

En coulisses, une association italienne d’aide aux immigrés estime ainsi qu’un millier de Tunisiens auraient déjà pris la direction de la France, destination préférée des nouveaux migrants. «Il est évident qu’après tout le battage médiatique autour de Lampedusa, les migrants cherchent à passer par d’autres routes et d’arriver, par exemple, directement en Sicile, sans être interpellés, puis de remonter l’Italie vers le nord», indique un spécialiste français.

Alors que l’Italie, située en première ligne, a demandé, en vain, que ses partenaires européens acceptent de partager «le fardeau» de l’immigration clandestine en accueillant une partie des arrivants, Rome a fait savoir qu’elle s’apprêtait à mettre en place des structures un peu partout dans le pays pour faire face à un éventuel «exode biblique» depuis l’Afrique du Nord. Mais ces centres ne devraient toutefois pas faire l’objet d’un contrôle policier particulier…

Eric Jozsef, Rome, dans Libération