mardi 27 mai 2008

Manifestation de Frambois: la police a-t-elle dérapé?

LE COURRIER OLIVIER CHAVAZ
Paru le Mardi 27 Mai 2008

PROCÈS - En 2005, un rassemblement devant la prison pour étrangers avait été réprimé. Deux activistes sont accusés de violence. Des témoins contestent.

Que s'est-il vraiment passé, le 26 mai 2005 en début de soirée, devant la prison de Frambois? Hier matin, deux jeunes Suisses alémaniques de 28 et 29 ans ont comparu devant le Tribunal de police pour violence contre des gendarmes. Ils contestent vivement une ordonnance de condamnation à un mois de prison avec sursis. Les faits s'étaient déroulés à l'issue d'un rassemblement pacifique de soutien à un requérant d'asile en instance d'expulsion devant le centre de détention administrative. Une cinquantaine de personnes y avaient participé, suscitant une intervention musclée qui s'est soldée par trois arrestations. Selon la version des accusés, corroborée hier par une dizaine de témoins, les manifestants étaient sur le point de quitter les lieux à bicyclette, dans le calme, quand les premiers véhicules de police sont arrivés. «Nous étions sur la route de Satigny, les gendarmes sont sortis matraque à la main et ont commencé à frapper dans tous les sens. Des gens ont été poussés de leur vélo et sont tombés à terre, d'autres étaient tirés par les cheveux», a raconté un manifestant genevois. «C'était la confusion totale. Les policiers criaient des ordres contradictoires: 'couchez-vous!', 'dégagez!' ou encore 'reprenez vos vélos!'...» a affirmé un autre témoin.

Intervention brutale

Tous les témoignages font par ailleurs état d'une situation calme avant l'irruption de la police. La plupart des personnes présentes devant Frambois ont ensuite été molestées, certaines menottées, avant de subir un contrôle d'identité et d'être relâchées. Les forces de l'ordre auraient aussi proféré des insultes. Au moins deux blessés ont fini aux Urgences. Finalement, seuls trois activistes, dont les deux jeunes hommes entendus hier par le tribunal, avaient été embarqués. L'un est accusé d'avoir asséné un coup de pied à un fonctionnaire et d'avoir tenté de donner un coup de poing à un second gendarme. Tous deux nient fermement et affirment au contraire qu'ils ont essayé de calmer les policiers.

En face, l'évocation des faits est très différente. L'un des gendarmes ayant porté plainte (l'autre n'était pas présent à l'audience) a indiqué être intervenu dans un contexte de franche agressivité. «Un officier en civil était sur place. Se sentant menacé par des manifestants qui l'entouraient, il a réclamé des renforts par radio», a-t-il expliqué. Selon lui, c'est au moment où des personnes l'ont empêché de rejoindre son supérieur qu'il a été agressé – «j'ai reçu un coup d'emblée» – et a dû recourir à la force.

Contradictions policières

Un collègue appelé hier à la barre des témoins a toutefois livré une version légèrement discordante. «Il n'y avait pas de vraie violence directe mais c'était chaud. Ça risquait de partir en pugilat», a-t-il tempéré. Il a pu rejoindre l'officier de gendarmerie en civil, qui a ensuite désigné «trois meneurs» à interpeller. Quand celui dont il devait s'occuper s'est fermement débattu, des coups ont été portés de part et d'autre.

Avocat de l'un des accusés, Me Pierre Bayenet a pointé ces contradictions entre les différentes versions policières (déclarations divergentes entre elles et avec le rapport écrit d'intervention) pour plaider l'acquittement. «Il n'y a pas une vraie version. Les gendarmes ont tous menti», a-t-il lancé. Ils auraient réinterprété les faits a posteriori pour justifier une intervention qui s'est déroulée dans la précipitation et sur fond de panique, a ajouté, en substance, Me Bayenet. Et de rappeler que le troisième accusé, dont la cause, jointe à d'autres affaires, a déjà été jugée à La Chaux-de-Fonds, a été acquitté sur ce point par la justice neuchâteloise.

Le Tribunal de police rendra son verdict ultérieurement. I

La libre circulation à l'épreuve des Roms








Des réfugiés roumains devant un centre de la protection civile. L’UDC espère que le National maintiendra une distinction entre la reconduction et l’extension de l’accord de libre circulation. (photo: Keystone)
MIGRATION. Alors que la Suisse signe mardi le protocole d'extension de l'accord bilatéral, un afflux de clandestins est redouté sur la frontière sud.

Richard Werly, Bruxelles
Mardi 27 mai 2008


A Bucarest, certains ne se font pas d'illusions. «La discrimination anti-Roms affichée ces jours-ci par le gouvernement Berlusconi aura immanquablement des conséquences pour les pays voisins de l'Italie», juge un policier roumain proche de l'association Romani Criss, à la pointe de la défense des droits des Tziganes en Roumanie. «Si vous ajoutez à cela l'aimant constitué par l'Eurofoot à partir du 7 juin, avec ses hordes de supporters propices à la mendicité ou à la petite criminalité, la Suisse n'est pas à l'abri d'incidents. Des clandestins roms franchiront sans doute la frontière helvétique. Avec, comme toujours, des risques de réactions xénophobes à l'encontre de toute la communauté.»

Pierre Henry : « La Vieille Europe renvoie ses réfugiés vers les pays périphériques »

Sans papiers, sit-in à la Bourse du travail à Paris (Photo, Neno/flickr)

Sans papiers, sit-in à la Bourse du travail à Paris (Photo, Neno/flickr)

Sarkozy élabore son pacte européen sur l'immigration. En Europe, les demandes d'asile sont passées de 424 000 à 192 000 en un an. Interview avec Pierre Henry, directeur de l’association France Terre d’asile.
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"L'initiative des naturalisations est un danger pour la stabilité du pays"

Pascal Broulis s’élève contre les amalgames de la campagne et l’atteinte au fédéralisme de l’initiative de l’UDC. Il répond aux questions de Laurent Busslinger dans 24 Heures.

INTROSPECTION Pascal Broulis: «Notre meilleur gage de stabilité est le maillage des populations. En votant, que chacun se demande combien d’étrangers il a dans sa famille. Même le chef de file de l’UDC a un aïeul naturalisé!» LAUSANNE, LE 26 MAI 2008 PATRICK MARTIN

Opposé à l’article consti­tutionnel sur la santé, le gouvernement vaudois l’a fait savoir. Parce que Jean-­Claude Mermoud soutient le texte de son parti, il n’a en revan­che pas combattu l’initiative de l’UDC qui veut remettre en vi­gueur les naturalisations par le peuple, et interdire les recours. Depuis le milieu de la semaine dernière, les magistrats radicaux et libéraux romands ont néan­moins signé un «appel» de rejet. Entretien avec le président du Conseil d’Etat, le radical Pascal Broulis.
– Avez-vous débattu d’une prise de position?

– Non. Nos règles sont claires, si le collège n’est pas unanime, il ne s’exprime pas en tant que tel, ses membres peuvent le faire indivi­duellement. Or, c’est un thème qui divise, où la droite républi­caine s’oppose à l’UDC.
– Vu le vote anticipé, est-il encore opportun de se manifester dix jours avant la fin de la campagne?

– Mieux vaut tard que jamais. On sait qu’un tiers des votants utili­sent leurs droits civiques la der­nière semaine. Nous pouvons en­core convaincre que cette initia­tive est dangereuse pour la stabilité du pays.
– En quoi?

– Elle déstabiliserait une nouvelle fois le fédéralisme. En matière de naturalisations, le canton de Vaud a sa manière de faire, qui fonctionne très bien, et prévoit un recours inscrit dans la Consti­tution.
– Dans les petites communes, où chaque citoyen peut participer au Conseil général, il existe de facto une forme de naturalisation par le peuple. Quel problème poserait une acceptation?

– Le problème se poserait natu­rellement aux villes. Prenons le chiffre 2007 de 6000 naturalisa­tions dans le canton (ndlr: lire ci-contre). Si Lausanne n’en oc­troie que le dixième, et doit con­sulter ses citoyens pour le faire, qu’a-t-on? Un catalogue de 600 noms à cocher une fois par an? Dix votations annuelles avec 60 postulants chaque fois? Com­ment se déterminer? Ce n’est pas crédible, cela ouvre la porte à l’arbitraire, cela met à mal nos institutions.
– Si l’initiative passait, pourriez­vous défendre la Constitution vaudoise, et le droit au recours qu’elle prévoit?

– On verrait s’affronter deux droits différents. Tout ce que la Suisse ne veut pas! Je rappelle que le fédéralisme, c’est une délé­gation de compétences du canton vers la Confédération, pas l’in­verse. Des difficultés d’applica­tions sont programmées.
– Naturalise-t-on trop ici?

– Non. Le canton de Vaud a quelque 70 000 nouveaux habi­tants à accueillir ces douze pro­chaines années. Ce seront des Confédérés, et des étrangers. No­tre meilleur gage de stabilité est le maillage des populations. En vo­tant, que chacun se demande combien d’étrangers il a dans sa famille, quelles chances il a d’en avoir à travers les rencontres que feront ses enfants? Même le chef de file de l’UDC a un aïeul natura­lisé! Alors qu’avec ses campagnes répétées, ce parti attise des senti­ments xénophobes, qu’il faut sans cesse rappeler nos valeurs répu­blicaines, redire qu’une affiche n’est pas chic parce qu’elle est choc, qu’on ne peut tout amalga­mer comme dans ces annonces qui mélangent ces jours naturali­sations et violence des jeunes.
– Christoph Blocher parle ce soir à Lausanne, justement
sur les naturalisations. Qu’auriez­vous à lui dire?
– En l’accueillant au Comptoir l’an dernier, j’ai rappelé Ramuz s’interrogeant, en 1937, sur l’iden­tité suisse et répondant: «Nous ne sommes pas Suisses, mais Vaudois, Valaisans, Zurichois, c’est-à-dire des ressortissants de petits pays véritables.» Je lui di­rais qu’à son poste précédant, il n’a rien fait pour mettre en vi­gueur l’initiative sur les délin­quants dangereux, qui pose d’in­solubles problèmes d’application. Pourquoi soutenir un autre texte qui se heurtera aux mêmes diffi­cultés?

"Mon fils a gagné la Palme d' or, mais il est sans-papier!"

Arrivée «total délire grave » dans leur collège parisien des héros du film primé dimanche à Cannes.Témoignages sur le vif. Un article de Jean-Noël Cuénod, Paris, pour 24 Heures.

L­es j­eunes p­rotagonistes d­e E­ntre l­es m­urs r­entrent e­n h­éros d­ans l­eur é­tablissement. L­e Collège Françoise­Dolto e­st p­lacé e­n z­one d­’éducation p­rioritaire, o­u Z­EP, u­n s­igle s­ouvent a­ssocié à l­a p­auvreté e­t à l­’échec s­colaire. P­ARIS, L­E 2­6 M­AI 2­008 A­FP


Scènes d­’hystérie collective devant un établissement scolaire désormais célèbre: le Collège Françoise­-Dolto, sis dans le X­Xe arrondissement, quartier populaire, vivant et cosmopolite de Paris.
Des centaines d­’ados entre 1­3 et 1­7 ans guettent l’arrivée de leurs 2­4 copains, héros de En-être les murs, le film de L­aurent C­antet qui a reçu dimanche soir la Palme d­’or au Festival de Cannes.
«W­ahoou! W­ahoou! Les v­’là, les v là. » A 1­4 h 1­0 hier, les collégiens se ruent vers le car qui transporte leurs p­otes. Le véhicule parvient à se frayer un chemin dans cette rue des P­yrénées qui s’est instantané-ment couverte de jeunes qui hurlent, dansent, bousculent les porteurs de caméras complètement Les héros du jour parviennent tout juste à s­’extraire du car. Ces a­dos de toutes couleurs de peaux et de cheveux, de tous milieux, font l­’ex­périence de l­’adulation. Parvenues enfin dans la cour intérieure du collège, ces vedettes sorties d­'un coup de l­'anonymat répondent aux questions des journalistes. Comme des «vrais »!
La revanche des ZEP!

Inspiré par le livre d­’un a­n-cien p­rof de ce collège, François B­égaudeau — qui joue son propre rôle —­, ce film a pour acteurs une cinquantaine d­’élèves qui ont suivi des ateliers d­’improvisation dans leur établissement, dont vingt quatre se sont montrés particulièrement actifs.
Le Collège Françoise­ D­olto est placé en zone d’éducation prioritaire, ces ZeP mal perçues par le public, qui les associe à l­a pauvreté et à l­’échec scolaire. Pour cette p­rofesseure d­’espagnol et mère de l­’une des collégiennes qui a participé à Entre les murs, cette récompense tombe à pic: «Enfin, on va parler des ZeP de façon positive! Dans nos collèges, aucun élève n­’est laissé de côté. On avance avec tous les jeunes, ensemble. Et, vous savez, ils savent maintenant reconnaître un M­urillo d­’un Vélasquez! »
«Ça
va l­’aider? »
Cela dit, être propulsé dans l­a sphère des stars n­’a rien d­’anodin. «Nous allons les accompagner afin qu’ils maîtrisent cette pression », précise un inspecteur d­’académie.
Soucieuse de ne pas donner son nom à ceux qui l’interviewent, cette mère de famille – sept enfants! – originaire du Congo­ K­inshasa est partagée entre l­a fierté et l’i­nquiétude: «Mon fils fait partie de ceux qui ont tourné le film. Et cette Palme, je ne pouvais même pas y rêver. Mais voilà, est­-ce que ça ne va pas attirer l­’attention sur lui? C­’est que, voyez­-vous, il a gagné l­a Palme avec ses copains… mais il est s­ans-p­apiers! Je dispose, pour ma part, d­’un permis que je dois renouveler chaque année. Mais pour le moment, je n­’ai aucun document pour mon fils. Nous voulions faire les démarches l­a semaine prochaine pour ses 1­8 ans. Vous croyez que le film va l­’aider? »

Jeunes étrangers violents: une réalité à nuancer

L’UDC l’assène avec force publicités: de plus en plus de jeunes étrangers violents obtiennent le passeport suisse. Qu’en pensent les juges et les policiers? Un article de Laurent Aubert dans 24 Heures.

GROUPES La plupart des «bandes» de jeunes ne posent aucun problème, comme c’est le cas ici. Mais il arrive, estime le président de la Chambre pénale des mineurs de Fribourg, que ceux qui parlent mal la langue se regroupent et «fassent des choses qu’ils ne feraient pas seuls».


«La violence des jeu­nes étrangers natu­ralisés. » A quelques jours de la votation sur les natu­ralisations par le peuple, l’UDC et l’association SIFA (Sécurité pour tous) sortent la grosse artil­lerie: difficile de manquer les annonces publiées hier dans la presse quotidienne. Dans leur ar­gumentaire, les initiants relèvent que 50 000 étrangers sont natu­ralisés chaque année, que de plus en plus de délinquants violents deviennent suisses et ne peuvent donc plus être expulsés. Et de citer plusieurs faits divers dans lesquels des naturalisés ont été impliqués.
«Les titulaires d’un passeport suisse sont des Suisses pour la police et la justice.» Porte-parole de la police vaudoise, Jean-Chris­tophe Sauterel rappelle les prin­cipes en vigueur dans le canton. Dans ses communiqués, la maré­chaussée mentionne l’âge, la na­tionalité et la région de domicile des délinquants. Des éléments que l’on retrouve dans la statisti­que Cripol publiée sur son site. En revanche, Jean-Christophe Sauterel refuse de se laisser en­traîner dans le débat: «Nous n’entrons pas en matière sur l’origine.» D’ailleurs, aucune base de données ne recueille ce critère.
Surreprésentation

Pour 2007, Cripol recense 2444 auteurs étrangers (dont 296 re­quérants et NEM) et 1938 Suis­ses, tous âges confondus. Soit près de 56% d’étrangers, alors qu’ils représentent 28% de la population vaudoise. Mais atten­tion aux conclusions hâtives, avertit Alain Meister, président du Tribunal des mineurs de Lau­sanne: «Ces étrangers ne sont pas tous domiciliés en Suisse.» Pour les mineurs, la proportion est inverse: 42% d’étrangers. Pour les seuls auteurs domiciliés en Suisse, la proportion tombe à 40%.
«Il y a une certaine surrepré­sentation des jeunes étrangers parmi les délinquants du même âge, c’est sûr.» Alain Meister et son collègue fribourgeois Michel Lachat s’accordent sur ce point. Et avancent comme chats sur braises lorsqu’il s’agit d’expliquer le phénomène. «Les causes sont multiples», lance le Vaudois. L’intégration, certes, «mais pas forcément comme on l’entend: ces jeunes peuvent avoir des pa­rents nickel, mais des difficultés scolaires les amènent à quitter plus vite le circuit et les handica­pent dans leur insertion profes­sionnelle. » Alain Meister cite aussi des facteurs d’ordre cultu­rel: «Ils parlent bien notre lan­gue, connaissent le système, mais cette intégration peut les éloi­gner de leurs parents, qui en perdent le contrôle.» «Lorsque ces derniers sont en difficulté, la surveillance se relâ­che », avance Michel Lachat. Qui souligne aussi le phénomène des bandes: «Ceux qui parlent mal la langue ont tendance à se grou­per, et à faire des choses qu’ils ne feraient pas seuls.»
Provocations

«Les jeunes étrangers sont aussi davantage provoqués», constate le Fribourgeois, qui re­lève également une tendance ac­crue à porter plainte. «Si, en plus, une catégorie est stigmati­sée à longueur d’année par un parti, les gens ne tolèrent plus grand-chose.» Les deux juges insistent sur le caractère subjectif de leur ana­lyse: «Il faudrait une étude scien­tifique. » Mais pour les jeunes naturalisés, la réponse d’Alain Meister est plus nette: «J’ai l’im­pression qu’ils ne posent pas plus de problèmes que les Suisses de souche. En général, ils sont là depuis longtemps, leurs parents aussi.» £
Statistique Cripol de la police vaudoise: www.police.vd.ch Voir notre dossier sur les votations fédérales www.24heures.ch .

Les centres d'urgence pour requérants sont «indignes»

«Spartiate», «rudimentaire», «à la limite de l'insalubrité». C'est ce qu'ont déclaré des députés (de tous partis, sauf l'UDC) à la sortie de leur visite mardi dernier des centres lausannois pour requérants déboutés. Leur inspection aura des conséquences politiques puisqu'une interpellation sera déposée au Grand Conseil avant l'été.

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