jeudi 10 juillet 2008
La loi sur les étrangers traduite en espagnol
DELPHINE GOLDSCHMIDT-CLERMONT
Genève PUBLICATION - Pour aider les membres de la communauté latino-américaine, deux avocats viennent de traduire la loi sur les étrangers.
Nul n'est censé ignorer la loi. Et si la loi est rédigée dans une langue que l'on ne comprend pas? Pour aider la communauté latino-américaine hispanophone de Suisse à s'y retrouver dans la jungle de la législation helvétique, les avocats Carlos Jaïco Carranza et Sébastien Micotti ont pris l'initiative de traduire la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) en espagnol. «Nous voulons aider les Latino-américains arrivés depuis peu à s'intégrer, et informer ceux qui sont en situation irrégulière sur les sanctions qu'ils encourent», explique Carlos Jaïco Carranza. «On est toujours mieux protégé lorsque l'on connaît la loi.»
Jusqu'ici disponible uniquement dans les quatre langues nationales, le texte a été traduit et publié par les éditions Timéli grâce à des fonds privés, sans bénéficier de subventions de la Confédération. Si l'objectif est de toucher une part importante de la communauté latino-américaine, on ne peut pas parler pour l'instant d'une large diffusion. Le premier tirage, de deux cents exemplaires, est surtout destiné aux représentations diplomatiques des pays d'Amérique latine en Suisse et de Suisse en Amérique latine. «Ce sera une aide précieuse pour conseiller nos ressortissants», précise le consul général du Pérou à Zurich, Benjamin Chimoy. Malgré la complexité des textes de loi et d'ordonnances, l'ouvrage a été voulu «lisible, aéré et accessible à tous». Il est tout de même vendu 30 francs pièce.
Au Centre de contact suisses-immigrés, on salue l'initiative. «Les personnes qui arrivent à Genève sont confrontées à un véritable déficit d'information», explique Marie Houriet, permanente de l'association. «Beaucoup ne savent pas qu'elles sont en situation irrégulière, ou imaginent que faire venir leur enfant, ou en avoir en Suisse, régularisera leur situation... Notre permanence concernant les permis de séjour est surchargée.» Plutôt qu'une traduction de la loi, Marie Houriet souligne la nécessité d'en publier une présentation générale, axée sur les points principaux. «Dans tous les cas, la permanence reste indispensable parce que les gens viennent nous voir avec des questions précises et qu'ils ont besoin d'aide pour trouver la réponse à leur situation. Mais un feuillet d'information lui serait complémentaire.» Le Bureau de l'intégration est conscient du problème. A l'initiative de son délégué André Castella, une brochure sera distribuée à tous les nouveaux arrivants à Genève dès octobre prochain. Parmi de nombreuses informations relatives à la vie quotidienne, elle contiendra des renseignements sur la loi sur les étrangers, et notamment sur le regroupement familial. Seul bémol: dans un premier temps, la brochure ne sera disponible qu'en français.
Les musulmans ont peur
Image © Christian Bonzon
Au Petit-Saconnex, les habitants vivent en paix à l'ombre du minaret. «Tant qu'il n'y a pas d'appels à la prière cinq fois par jour, cela ne pose aucun problème.»
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Gueule de bois hier après-midi à la sortie de la prière à la mosquée de Genève. L'initiative antiminarets de l'UDC inquiète les musulmans. Réactions.
Patrick Vallélian - le 09 juillet 2008, 23h00
Le Matin
Des regards tristes. A la sortie de la prière devant la mosquée de Genève, hier après-midi, les fidèles avaient le coeur gros. L'initiative antiminarets de l'UDC était dans toutes les têtes. «115 000 Suisses qui veulent une votation sur la présence de l'islam, ça inquiète», analyse Mohamed, 25 ans. «J'ai peur que si le peuple dit oui, je sois ensuite obligé de faire mes valises. Je suis triste.»
L'Amérique latine ulcérée par la politique d'immigration de l'Union européenne
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Angélique Mounier-Kuhn dans Le Temps
«Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale [...] des dizaines de millions d'Européens partirent aux Amériques pour coloniser, échapper aux famines, aux crises financières, aux guerres ou aux totalitarismes et à la persécution des minorités ethniques.» A la veille de l'examen par le Parlement européen d'une nouvelle directive sur les conditions d'expulsion des clandestins, Evo Morales, le président de la Bolivie, en appelait solennellement à l'Histoire. Dans une lettre ouverte, il enjoignait les dirigeants de l'Union de ne pas voter cette loi. En pure perte: le 18 juin, l'Europe a adopté d'une courte majorité la «directive retour», qui ouvre la voie au placement en rétention pendant dix-huitmois des irréguliers récalcitrants au retour - y compris les mineurs - et l'interdiction de remettre pied sur le sol européen dans les cinq années suivant l'expulsion.
«Directive de la honte»
Immédiate, la réaction des dirigeants d'Amérique latine «a été à la fois globale et polyphonique», souligne Denis Rolland, professeur d'histoire des relations internationales à Strasbourg. «Injuste et peu chrétienne», vue du Pérou, la directive «constitue une violation des droits de l'homme», selon le Sénat uruguayen, et une mesure «xénophobe» pour le président brésilien Lula. Fidèle à son style, le Vénézuélien Hugo Chavez a joué de la provocation: dès le 19 juin, il menaçait de couper le robinet du pétrole (0,95% de l'approvisionnement européen) aux pays qui appliqueront la «directive de la honte». Evo Morales se veut pour sa part l'instigateur d'une campagne de mobilisation à laquelle se joindrait l'Afrique. Elle commence à avoir quelque écho en Algérie.
La semaine passée, ces responsables ont réaffirmé leur réprobation dans le communiqué commun qui clôturait le sommet du Mercosur (marché commun sud-américain). Ils rejettent «toute intention de criminalisation de la migration irrégulière et l'adoption de politiques migratoires restrictives». Si Bruxelles les a depuis sommés de «ne pas caricaturer la directive», la crispation latino-américaine doit être envisagée comme «un élément clé du processus de dégradation des relations entre les deux continents», affirme Denis Rolland.
«Latinité» partagée
Fondées sur l'idée d'une «latinité» partagée de part et d'autre de l'Atlantique, ces dernières s'affaiblissent inexorablement depuis le début du XXe siècle. Et des signaux positifs, comme l'entrée massive d'investissements européens après la chute des dictatures, ne suffisent pas à masquer cette tendance, ajoute-t-il. «L'UE a commis une erreur diplomatique sérieuse, à l'heure où elle essaye de conclure des accords de libre-échange avec l'Amérique latine», renchérit Janette Habel, professeur à l'Institut des hautes études sur l'Amérique latine.
Selon ces spécialistes, Evo Morales et ses pairs sont fondés à appuyer leur colère sur l'Histoire. Des décennies durant, leurs pays ont accueilli des Européens en quête de meilleurs lendemains. Au total, ils sont 35 millions à s'y être déracinés entre la fin du XIXe siècle et la Seconde Guerre mondiale, rappelle la démographe Maria Eugenia Cosio. Il a fallu attendre les années 1990 pour que les flux s'inversent. Infime à ses débuts, l'immigration latino-américaine en Europe, d'abord le fait de riches familles puis de militants fuyant les régimes autoritaires, est «devenue strictement économique à partir de 1980», rappelle Denis Rolland.
Mais ce n'est qu'au cours des toutes dernières années qu'elle s'est faite vraiment significative, «à mesure que durcissaient les conditions d'accueil aux Etats-Unis, relève Maria Eugenia Cosio. L'Europe est apparue comme une solution de substitution.» La pauvreté généralisée, la crise en Argentine et ses répercussions chez ses voisins, les difficultés économiques du Brésil, le nouveau régime au Venezuela ou la guerre civile en Colombie ont encouragé les départs. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 220000 Latino-Américains d'origine, jeunes actifs pour la plupart, vivent actuellement en Italie, 67000 au Portugal ou 85000 en France. Et 725000 en Espagne - moins de 100000 en 1995 - terre d'exil privilégiée en raison de sa généreuse ouverture. La transposition de la directive «va forcément durcir la position espagnole et compliquer ses liens bilatéraux avec les pays latino-américains, souligne Maria Eugenia Cosio. Avant, une lettre suffisait pour faire venir quelqu'un de Colombie.»
L'Amérique latine a d'autant plus de peine à se résoudre au verrouillage de l'Europe qu'elle a besoin des remisas, ces sommes d'argents envoyées au pays par les migrants. En Bolivie, cette manne pèse 10% du produit intérieur brut. Traitement infamant des sans-papiers, non-réciprocité historique... Pour le continent qui accueilli ses aïeux, la «directive retour» de l'Europe n'est rien moins qu'une gifle.
L'Afrique réagit à la politique européenne de la forteresse
Le Sénégal a appelé mercredi l'Afrique à "se concerter" et à "se démarquer nettement" de l'Europe après que les pays européens ont donné un accord politique unanime au pacte européen pour l'immigration et l'asile élaboré par la France.
"Il sera urgent pour la partie africaine de se concerter et de se démarquer nettement des partenaires européens", a indiqué le ministre sénégalais des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio, lors d'une réunion d'experts à Dakar avant une conférence euro-africaine sur la migration et le développement.