samedi 8 juillet 2006

Après les «523», Vaud n'est pas près de tourner la page de l'asile

Lire l'article de Samuel Russier dans le Temps - régions
Malgré l'accord passé mercredi entre la Confédération et le Conseil d'Etat, les milieux de l'asile espèrent élargir leur succès à d'autres catégories d'étrangers, notamment les clandestins et les Ethiopiens.
Extrait:
Les socialistes rappellent que la régularisation des sans-papier avec une activité lucrative depuis au moins quatre ans est inscrite à leur programme de législature 2007-2012. «L'accord de mercredi ouvre de nouvelles perspectives», annonce Cesla Amarelle. «Il faut continuer sur la lancée des 523», renchérit le radical Serge Melly, à l'origine du décret qui interdit les mesures de contrainte, qui a incité le gouvernement à repartir négocier à Berne.
...Autre lutte au programme: la destinée des «175», ces Ethiopiens et Erythréens initialement compris dans le paquet de demandes de régularisations en 2003, mais que l'ODM avait écarté d'office.

Bex. la municipalité est déçue

Lire l'article de Michel Feuz dans 24heures:
Harcèlement des dealers, répression du trafic de drogue et sécurisation du centre Fareas sont au coeur du dispositif cantonal.
«Une quinzaine de requérants supplémentaires est encore ar­rivée cette semaine. Parmi eux, on retrouve des NEM avec fa­mille et certaines personnes connues des services de police. C’est dire si la réalité va à l’en­contre des mesures que nous avons demandées, soit au mini­mum une diminution drastique du nombre de requérants, voire la fermeture du centre».

Voeu municipal rejeté

Hier, au lendemain de la ren­contre entre le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud — ac­compagné du commandant de la police cantonale — et la Mu­nicipalité de Bex, le syndic de la petite ville de quelque 6000 habitants, Michel Flückiger, était désabusé et déçu. Les rai­sons? Jean-Claude Mermoud, le chef du Département des insti­tutions et des relations exté­rieures (DIRE), avait rejeté la veille leurs demandes, invo­quant des raisons logistiques et financières. Tout en soulignant: «une part notable des problè­mes que connaît la ville de Bex provient de personnes en situa­tion irrégulière qui ne sont pas hébergées par le centre Fa­reas ». Le catalogue de mesures exposé jeudi tient en six points
allant du harcèlement des dea­lers au renforcement des mesu­res de sécurité du centre Fa­reas. Renforcement des forces de police, interdictions de péri­mètre des fauteurs de troubles, intensification des mesures de contrainte et des renvois des personnes impliquées dans des délits liés au trafic de drogue sont aussi prévus. De même qu’un renforcement de la sur­veillance au centre Fareas et une meilleure répartition des requérants pour éviter les «groupes à risques» sont égale­ment promis. Enfin, les pro­grammes d’occupation pour les requérants hébergés à Bex se­ront développés. «Grosso modo, le conseiller d’Etat nous a pré­senté les mêmes mesures que celles prises l’an dernier — un mois après qu’un habitant de la ville eut crié son ras-le-bol des dealers de la drogue et de la Fareas, (n.d.l.r.: avec les résul­tats que l’on sait). D’autre part, je ne vois pas pourquoi la popu­lation de Bex devrait subir des mesures de police», confiait en­core Michel Flückiger. Une der­nière assertion qui fait bondir Jean-Claude Mermoud: «Il faut savoir ce qu’il veut! Nous allons mettre en place un dispositif policier nettement plus renforcé qu’ailleurs dans le Canton. Une opération de longue haleine pour laquelle nous souhaitons une collaboration de la police de proximité. J’ai compris, malgré la vivacité de la discussion de jeudi, les craintes et inquiétudes de la Municipalité». Pour, le chef du Département des insti­tutions et des relations extérieu­res (DIRE) une réelle «grada­tion » du dispositif est mise en place par rapport aux mesures prises l’an dernier déjà.
Sécuriser le centre Fareas

Quant au centre Fareas, dans lequel selon Jean-Claude Mer­moud 129 requérants étaient logés hier, il va être sécurisé par «la pose de treillis et de camé­ras ». «L’engagement d’un deuxième vigile, 24h/24h, va nous permettre de faire sortir tous les soirs les NEM et autres clandestins qui n’ont rien à y faire. Un travail qui se fera conjointement à une opération policière visant à éviter que ceux-ci ne restent pas dans les rues», promet le chef du DIRE.

Jean-Claude Mermoud un homme tiraillé

Lire l'article de Michel Pont dans 24heures:
Pour Jean-Claude Mermoud, le canton est sorti de la crise des «523» parce qu’il a retrouvé sa crédibilité en restant ferme. La réalité est plus complexe.
L’
histoire retiendra qu’un magistrat UDC a con­vaincu un conseiller fé­déral UDC de mettre un terme au dossier des «523». Et l’image de Jean-Claude Mermoud aux yeux de l’opinion publique sera celle d’un conseiller d’Etat à la rigueur gagnante. Mais derrière le magistrat se cache un homme plus tiraillé qu’il a bien voulu le laisser paraître.
«Plus ouvert qu’on ne pouvait le croire»

Tous ceux qui l’ont côtoyé dans ces deux ans de crise le disent, même ses détracteurs. Jean-Claude Mermoud a tenu une ligne, celle de son parti tant qu’il a pu, martelant que le canton n’avait aucun moyen d’infléchir les décisions de Berne. Mais il a aussi pris acte de la situation politique et du drame que vivaient les familles. «C’est quelqu’un qui se préoc­cupe des gens et qui a toujours été conscient des difficultés des
personnes concernées», dit An­toine Reymond, porte-parole du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée vaudoise. Le député socialiste Roger Saugy partage le même senti­ment et parle «d’un homme plus ouvert qu’on ne pouvait le croire, pas le grand méchant loup décrit».
Reste que cet homme tiraillé a mis du temps pour admettre que sa ligne initiale ne permet­trait
pas de sortir de la crise. Reprenant le dossier de Pierre Chiffelle et attendu au virage en raison de son étiquette UDC, Jean-Claude Mermoud a dans un premier temps été «obligé de faire une rupture politique», dit Antoine Reymond. Pendant plusieurs mois, il s’est enfermé dans cette position. «Jean­ Claude Mermoud a tendance à n’en faire qu’à sa tête», note la radicale Doris Cohen-Dumani. Ce n’est que sous la forte pres­sion de l’opinion publique, et surtout du Parlement, que de premières ouvertures ont été constatées. Quand il a vu que les partis de droite commen­çaient à infléchir leur position cet hiver, il a changé de ligne, même si le discours tenu publi­quement restait empreint de fermeté. Fermeté dans le dis­cours, souplesse dans les faits? Vice-présidente des socialistes, Cesla Amarelle regrette cette double face, estimant «qu’il s’est beaucoup contredit». «La méthode Mermoud, c’est beau­coup d’effets d’annonce et de perte de temps», remarque la socialiste qui va jusqu’à dire que ce n’est pas lui qui a joué le rôle décisif pour résoudre le problème. «Sur le plan juridi­que, techniquement, c’est Anne-Catherine Lyon qui a pris ses responsabilités. Politique­ment, l’ouverture est venue de Pascal Broulis, conscient qu’il fallait tenter quelque chose après l’adoption par le Parle­ment du décret Melly».
«Soulagement»

Isolé, lâché par plusieurs radi­caux et libéraux, Jean-Claude Mermoud a compris qu’il n’avait pas d’autres solutions que de rediscuter avec Berne. Le magis­trat ne l’a cependant pas fait à contrecoeur, cela lui est d’ailleurs crédité. «On a senti un très grand soulagement chez lui quand il a vu qu’il y avait un large consensus pour aller rené­gocier », note Antoine Reymond. Son changement d’attitude a été très perceptible, une fois dissipée la colère d’avoir été battu au Parlement. «Il est clair qu’il était très important pour lui d’obtenir un succès», juge Denis Graf, d’Amnesty Interna­tional.
Même Claude Ruey, dont les divergences de fond sur l’asile avec Jean-Claude Mermoud sont connues, dit avoir admiré «qu’il soit resté calme durant toute la crise, qu’il n’ait pas dérapé, malgré la pression terri­ble sur ses épaules». Compli­ment formulé autrement par Roger Saugy qui évoque «un homme solide dans ses bottes, plus clair que certains autres conseillers d’Etat».