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Après le match, les équipes ont partagé un repas dans une ambiance musicale. | |||
Benjamin. | |||
Le groupe des résidents du Centre d’aide d’urgence de Vennes. | |||
Le club du FC Boveresses. | |||
Ismal et Daryoush Samim. | |||
Tio Buka. | |||
mardi 24 juin 2008
Journée des réfugiés à Lausanne
Carrefours
Diffusée dès aujourd’hui sur les chaînes locales romandes, l’émission Carrefours vise à donner chaque mois un visage et une voix aux migrants. Un article de Marc Ismail pour 24 Heures.
Laurent Bersier et Patricia Marin, créateurs et réalisateurs du magazine multiculturel Carrefours. ARNOLD BURGHERR
Elle est chercheuse et réalisatrice colombienne, installée en Suisse depuis cinq ans, il est vidéaste veveysan et passionné par ces récits de vies venues de loin. Fondateurs de l’organisation A la Vista!, Patricia Marin et Laurent Bersier sont quelque part les incarnations du magazine mensuel qu’ils lancent à quatre mains aujourd’hui. Résultat d’une année de travail préparatoire, Carrefours ambitionne de montrer chaque mois pendant 26 minutes une réalité de la Suisse d’aujourd’hui. C’est-à-dire une société métissée, dont les migrants font désormais partie intégrante. «En faisant nos démarches, nous avons senti une forte attente, se réjouit Laurent Bersier. Non seulement des principaux concernés, mais également des autorités, à un moment où se mettent en place de vraies politiques d’intégration cantonales.»
Pas de communautarisme
Le concept a ainsi séduit les chaînes de télévision de Romandie, qui ont toutes accepté de diffuser le magazine. A l’exception de Canal Alpha, et de la TSR. «Ils nous ont reproché de faire une émission ghetto, soupire Patricia Marin. Mais c’est tout le contraire, car nous voulons à tout prix éviter le piège du communautariste». La ligne directrice de chaque émission sera ainsi un thème, et non pas une communauté. Pour cette première, c’est la thématique du rapport entre migrants et médias qui a été choisie. Histoire notamment de comprendre comment les étrangers vivent l’image d’eux-mêmes véhiculées par les médias. Parmi les cinq rubriques composant le magazine, Carrefour des vies donnera la parole à un migrant, qui racontera son parcours, son arrivée en Suisse, son intégration, plus ou moins réussie. Pour cette première, elle sera consacrée au professeur Antonio Da Cunha, directeur de l’institut de géoscience de l’Université de Lausanne, et ancien réfugié politique portugais.
«Je crois que les mentalités sont en train de changer. Et de toute façon, j’ai toujours pensé que le racisme n’avait pas d’avenir », sourit Laurent Bersier. L’élection dimanche du premier préfet noir de l’histoire du pays semble quelque part lui donner raison.
Ce soir à 18 h 25 sur TVRL et NRTV, et 9 h 25 sur ICI TV Informations et pilote sur www.alavistatv.net
Rétention : pourquoi Vincennes a brûlé
C’était le plus grand centre de rétention administrative (CRA) de France. Tête de pont de la politique d’expulsion chiffrée; «cocotte-minute» inquiétante au gré des protestations et des grèves de la faim de ses occupants. Depuis dimanche, les deux bâtiments du CRA de Vincennes (Val-de-Marne) ne sont plus que décombres, dérisoirement entourés de barbelés. Détruits par un incendie volontaire au terme d’un nouvel épisode de tension. Ceux qui vivaient là et qui ont été transférés vers d’autres centres resteront dans l’histoire de l’immigration en France comme «les mutins de Vincennes». L’incendie à peine éteint, la polémique a enflé à la fois sur les causes de cette «mutinerie» et sur la politique de reconduite aux frontières.
La mort d’un sans-papiers a-t-elle provoqué l’incendie ?
Le fil des événements de Vincennes ressemble à d’autres scénarios survenus dans d’autres lieux d’enfermement : les prisons. Un homme décède en cellule, la colère monte parmi les détenus qui s’interrogent sur les circonstances de sa mort jusqu’à l’émeute. Transposé à Vincennes, cette «mutinerie» souligne une cause profonde de la révolte dans les centres de rétention : «A l’origine des tensions, il y a cette injustice vécue par les retenus d’être en prison alors qu’ils n’ont rien fait», souligne Brigitte Wieser, de RESF (1) Paris. A Vincennes, samedi en fin d’après-midi, un Tunisien de 41 ans a succombé à un arrêt cardiaque. Des coretenus ont évoqué auprès de RESF, «un défaut de soins». «L’homme aurait demandé des médicaments sans les obtenir. Il se serait également vu refuser une consultation avec un médecin. Il est difficile de savoir si la demande de cet homme était d’ordre médical ou psychologique», remarquait hier Brigitte Wieser. Selon elle, «il est quasiment impossible d’avoir accès à un médecin» au CRA de Vincennes. «Les retenus peuvent demander à consulter un médecin mais ce n’est pas évident en raison du nombre de retenus - quarante - arrivant chaque jour», explique la Cimade (service d’entraide). Selon la préfecture de police (PP), le sans-papiers était seul dans sa chambre mais un témoin, joint par Libération, affirmait dimanche avoir «trouvé l’homme dans une posture inquiétante». Les secours ne seraient arrivés que «trente à quarante minutes plus tard». L’annonce de cette mort et les incertitudes autour des soins ont attisé les tensions, selon plusieurs témoignages, alors que la préfecture démentait que des incidents aient éclaté.
Les policiers étaient-ils en nombre suffisant ?
C’est une querelle de chiffre au sein même des forces de l’ordre. Selon la PP, «41 fonctionnaires de police» surveillaient dimanche les retenus alors que le Syndicat général de la police SGP-FO évoquait seulement 10 surveillants et qu’Alliance, second syndicat de gardiens de la paix (réputé sarkozyste), dénonçait un «manque d’effectifs» de police dans ce centre. Pour l’Unsa-police, premier syndicat de gardiens de la paix, ce n’est pas tant le nombre de policiers qui fait débat à Vincennes que la complexité des situations auxquelles ils ont à faire face. «Nous sommes en présence de gens qui sont parfois prêts à tenter à le tout pour le tout, explique Marc Duval responsable parisien de l’Unsa. En face, vous avez des policiers souvent jeunes qui peuvent être débordés par les situations et la complexité du lieu.»
Les associations ont-elles jeté de l’huile sur le feu ?
Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, a dénoncé hier le comportement de RESF estimant qu’«il n’est pas tolérable que des "collectifs", type RESF viennent faire des provocations aux abords de ces centres au risque de mettre en danger des étrangers retenus». Une allusion au rassemblement organisé dimanche devant le CRA de Vincennes par différentes associations. Une manifestation qui n’avait pas été déclarée auprès de l’administration, selon la PP. «Dire que ce sont trente personnes rassemblées devant Vincennes qui ont mis le feu aux poudres, c’est surréaliste, confiait hier à Libération un travailleur social habitué du centre de rétention. Pour la simple raison que lorsque l’on est devant le CRA, on est très loin des retenus.»
les déclarations d’Hortefeux ont-elles joué un rôle ?
RESF a répliqué aux accusations de l’UMP en désignant comme «responsables» de l’incendie le ministre de l’Immigration Brice Hortefeux et le président Nicolas Sarkozy. Brigitte Wieser de RESF-Paris estime que les résultats affichés la semaine dernière par Brice Hortefeux ont «contribué à jeter de l’huile sur le feu» dans un contexte de course au chiffre en matière d’expulsions.
(1) Réseau Education sans frontière.
Le satisfecit que s’est délivré vendredi le ministre de l’Immigration a attisé la révolte.
ALAIN AUFFRAY
Silence radio. Des étrangers «retenus» mettent le feu à leur prison. La catastrophe est évitée de justesse. Et le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, se tait. Matignon n’est guère plus bavard, tout comme l’Elysée qu’on a connu beaucoup plus réactif.
Il est vrai que le drame de Vincennes tombe, pour le gouvernement, au plus mauvais moment.
Jeudi, quarante-huit heures avant le décès d’un «retenu» tunisien sous le coup d’une interdiction définitive du territoire, Brice Hortefeux avait présenté le bilan de sa politique: hausse de 80 % des «éloignements» de sans-papiers début 2008 par rapport à la même période de 2007. Le ministre se réjouissait aussi du rééquilibrage très net en faveur de l’immigration professionnelle.
Commentant ces chiffres, le syndicat Unsa-police avait alors dénoncé la «pression» exercée sur les policiers et la «course aux chiffres». On mesure aujourd’hui ce que cette mise en garde avait de prémonitoire.
Embarras. Si les images spectaculaires d’une mutinerie aux portes de Paris embarrassent tant le gouvernement, c’est aussi parce que nos voisins les découvrent au moment où la France s’apprête à vendre son «pacte pour l’immigration» et son Union pour la Méditerranée, deux projets phare de la présidence française de l’Union européenne qui débute la semaine prochaine.
Les 7 et 8 juillet à Cannes, lors de la réunion des ministres européens de l’Intérieur, Brice Hortefeux présentera un «pacte» ambitieux. Les 27 Etats membres de l’UE sont censés «s’accorder pour renoncer» aux régularisations massives. Il leur est proposé d’avoir recours «chaque fois que nécessaire aux vols de retour communs» pour ramener les clandestins. La France demande aux Etats de favoriser «une immigration choisie à caractère professionnel» et d’imposer aux nouveaux arrivants un «contrat d’intégration», incluant «l’apprentissage de la langue nationale, des identités nationales et des valeurs européennes».
Avec de telles ambitions, on conçoit que Paris reste le plus discret possible sur l’incendie du plus grand centre de rétention français («France’s biggest deportation centre», selon la cruelle traduction des médias anglo-saxons). Mais l’événement ne passera sûrement pas inaperçu dans les pays du Sud - ceux du Maghreb notamment - au moment où Nicolas Sarkozy s’efforce de les associer à son projet d’Union pour la Méditerranée. En visite officielle ce week-end à Alger, François Fillon a pu constater que les Algériens acceptaient très mal les entraves au regroupement familial et à l’attribution de visas.
Sur la rive sud de la Méditerranée où il s’est fait une petite célébrité, Brice Hortefeux est encore loin d’avoir convaincu que la politique qu’il met en œuvre permettra de «favoriser le développement solidaire». Les images de l’incendie du centre de Vincennes ne devraient pas l’y aider.
Retenu depuis samedi par un voyage officiel au Cap-Vert, le ministre de l’Immigration a confié aux députés UMP le soin de répondre, à Paris, aux attaques des associations de soutien aux sans-papiers. Pour Thierry Mariani (Vaucluse), le procès fait au gouvernement est injuste (lire page 4). Chiffre à l’appui, il entend démontrer que la France n’a, en la matière, pas de leçon à recevoir de ses voisins européens.
Délicatesse. Le porte-parole du parti, Frédéric Lefebvre, s’est, lui, acquitté de cette tache avec sa délicatesse habituelle : il a implicitement accusé RESF d’avoir, avec ses «provocations» mis le feu au centre de rétention. Il souligne également que le Tunisien décédé était un criminel «multirécidiviste». Comme si cela rendait la réaction de ses coretenus plus illégitimes encore.
GAËL COGNÉ et MOURAD GUICHARD
«Les six toilettes étaient dégueulasses, on se douchait à l’eau froide, la nourriture était dégoûtante, on dormait à 7 ou 8 dans une chambre de 15 m2, parfois par terre, sur des matelas.» Depuis quelque temps, Bruno, retenu au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, sentait que la tension montait. Depuis les incendies de dimanche, les associations de soutien aux sans-papiers, qui suivent l’évolution de la crise depuis des semaines, font état d’une tentative de suicide par jour, de nombreuses mutilations, et rapportent elles aussi que la tension allait «crescendo».
Abou N’dianor, 40 ans, a été retenu à Vincennes, après un passage au centre du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) : «Là-bas, les gendarmes étaient plus cléments. Ils faisaient l’appel une fois le matin, à 7 h 30, et une fois le soir, à 20 h 45. A Vincennes, les policiers ouvraient la porte des chambres jusqu’à quatre fois par nuit et demandaient qui se trouvait sur tel ou tel lit. Il fallait sortir sa carte.» Arrivé à Vincennes le 20 décembre 2007, ce professeur de soutien en mathématiques a été à l’origine de la première grève de la faim des sans papiers dans le centre. «Tout a commencé au Mesnil-Amelot. Il y avait beaucoup d’arrestations injustes, comme ce Sud-Africain qui vivait en France depuis dix-neuf ans et avait une fille au lycée. Alors qu’il était hospitalisé, il avait oublié de faire renouveler son titre de séjour. Ils ne cherchent pas à savoir.»
Tabassages. Le lendemain, ils sont plus de 100 à se rendre à la cantine en arborant des petits slogans collés sur leurs chemises : «Suis-je un être humain ?», «Les immigrés ont-ils des droits ?», «J’ai transpiré pour la France.» Le directeur les reçoit. Quelques-uns sont rapidement libérés. «On a compris que nos dossiers étaient traités à la va-vite.» Abou N’dianor, ciblé comme le principal agitateur, est transféré à Vincennes. Il tente de réitérer l’expérience. «Certains étaient plus virulents. Il y avait des bagarres avec les policiers.» Malgré tout, il les convainc de suivre la voie de la grève de la faim. Le Sénégalais est rapidement libéré pour vice de procédure dans son transfert entre les deux centres de rétention. Après son départ, la grève se poursuit en dent de scie jusqu’au début du mois de janvier. Des tentatives de suicide sont régulièrement évoquées, ainsi que des émeutes en février (deux chambres avaient été incendiées) et en avril. On parle également de tabassages. Les grèves de la faim s’enchaînent.
«Des animaux». Le stress du quotidien est énorme. «Dans ces lieux, personne ne sait ce qu’il va se passer le lendemain, poursuit Abou. Alors on fume, prostré, on reste dans un coin de la salle de télévision à ne rien faire.» Il n’y a ni bibliothèque, ni lieu de détente, hormis cette salle télé bondée. «A l’arrivée, ils prennent nos stylos et tout ce qui peut servir à prendre des notes», confie Traore, un Sénégalais retenu en avril et mai 2008. «Après, ce n’est plus qu’un lot de vexations, même infimes. Soit tu suis le mouvement, soit tu fermes ta gueule. Et ça, les policiers te le font bien comprendre.» Certains résidents, comme Traore, un ressortissant malien, se plaignent de violences physiques, notamment au cours des transferts pour se rendre dans le bureau du juge. «J’avais beau dire aux policiers que je respirais mal, l’un d’eux m’a jeté dans le fourgon et a fermé la porte en la frappant violemment. Il savait que j’étais derrière, mais il insistait et frappait encore. Avec mes menottes, je ne pouvais rien faire.»
Mamadou, un autre Malien présent de mai à juin à Vincennes, comprend que certains aient craqué. «On nous prend pour des criminels, des animaux, des objets. Ce que j’ai vécu là-bas a modifié mon image de la France pays des droits de l’homme.»
Recueilli par FABRICE TASSEL Recueilli par ALAIN AUFFRAY
«Nous avions senti venir ces incidents depuis longtemps. A Vincennes, la situation s’est tendue entre Noël et le jour de l’An, et elle n’a cessé d’empirer depuis. Nous avons alerté la préfecture de police de Paris et le ministère de l’Immigration sur l’obligation de réduire le nombre de personnes retenues et de mettre le centre de Vincennes en conformité avec la réglementation, c’est-à-dire avec le décret de mai 2005. Ce texte a fixé un maximum de personnes retenues à 140 par centre. A Vincennes, la préfecture de police a contourné ce décret en créant administrativement deux centres pour porter le nombre de personnes retenues à 280. C’est beaucoup trop pour des lieux avec énormément de stress, où l’on voit des vies qui peuvent basculer en quelques jours. Cette situation ingérable et déshumanisée s’est traduite par une succession de tentatives de suicides, d’automutilations et d’incidents. La question principale ne tient pas aux effectifs de police ou au nombre de médecins ou d’infirmiers. Le problème est celui des objectifs chiffrés du gouvernement, qui entraînent une série d’effets pervers : des conditions d’interpellation indignes, un traitement superficiel des dossiers dans les préfectures et l’entassement dans les centres de rétention. Nous sommes d’ailleurs inquiets du projet de construction d’un nouveau centre au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) doté de 240 places, en plus de celui qui peut déjà accueillir 140 personnes. Malgré nos appels, les pouvoirs publics nous ont répondu que le centre était aux normes légales. Concernant les regards extérieurs dans les centres, la France n’a pas à rougir par rapport à d’autres Etats européens. La Cimade a une mission de l’Etat depuis 1984, les avocats, les parlementaires, les familles peuvent aussi rentrer dans ces centres. Je ne critique pas les pouvoirs publics sur ce point.»
«Je préside une mission d’information parlementaire créée à la demande de la gauche. Dans une dizaine de jours, nous devions nous déplacer au centre de rétention de Vincennes. Je m’y suis rendu dimanche à minuit. On a eu très peur, ça aurait pu très mal tourner.
J’invite ceux qui nous mettent en accusation à être attentifs à ce qui se passe au niveau européen. La "directive retour", adoptée la semaine dernière par le parlement européen, a permis de démontrer que la France est plutôt exemplaire. En moyenne, les étrangers sont retenus entre douze et quatorze jours et la durée maximale ne peut dépasser les trente-deux jours. Qu’on me cite un seul des 26 autres pays de l’UE qui fait mieux ! La directive prévoit jusqu’à dix-huit mois de rétention. Et sept pays de l’UE sont au-dessus de ce seuil. Avec la mission d’information, nous irons visiter les pays étrangers.
On nous fait un procès très injuste. La vérité, c’est que nous avons refait presque tous nos centres. A Marseille, l’ancien a été fermé et remplacé par un neuf. Huit millions d’euros ont été dépensés pour refaire celui de Vincennes, aujourd’hui parti en fumée.
Sur les délais de rétention comme sur les installations, nos centres sont les plus cleans d’Europe. Le député européen Patrick Gaubert, vice-président de la commission des droits de l’homme, me racontait récemment ses visites dans des centres à l’étranger. A Malte, en Italie, en Pologne, les conditions de rétention sont beaucoup plus dures. Et nous sommes l’un des seuls pays d’Europe qui garantisse une assistance juridique. Pour assurer cette mission, la Cimade reçoit 3,88 millions d’euros de subventions par an. En tant que député, j’ai fait 36 missions à l’étranger, quand je raconte que nous finançons une aide juridique aux étrangers en rétention, on me regarde d’un drôle d’air.»
LIBERATION - QUOTIDIEN : mardi 24 juin 2008
Au lendemain de l’incendie de Vincennes, un seul retenu manquait encore à l’appel, hier, selon la préfecture de police (PP). Dimanche soir, la PP avait parlé d’une cinquantaine d’étrangers en fuite avant de revenir à un bilan de 14 personnes manquantes lundi matin. Marie Lajus, porte-parole de la PP, a reconnu un «flottement» dans le comptage parlant d’une «opération difficile et complexe, dans le cadre d’une situation d’urgence». Au moment de l’incendie, le centre de Vincennes comptait 249 retenus pour 280 places. Dix-huit retenus, légèrement intoxiqués, ont été hospitalisés et deux ont été placés en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur les circonstances de l’incendie, apparemment provoqué par plusieurs feux de matelas. Selon la Cimade, les retenus ont été dispersés : 100 personnes au centre de Nîmes, 54 à Lille, 17 à Rouen, 16 à Palaiseau (Essonne), et 40 au dépôt situé dans l’enceinte du palais de justice de Paris.
La politique des reconduites à la frontière a enregistré un résultat en hausse de 80 %. Mais son principal symbole, le centre de rétention de Vincennes, a brûlé à 100 %.
Entre ces deux chiffres, y a-t-il une relation de cause à effet ? C’est toute la question. Dans le détail des faits, nul ne peut se prononcer aujourd’hui de manière définitive. Un homme est mort, apparemment de causes naturelles. La colère s’est répandue dans le bâtiment, certains de ceux qui y étaient enfermés ont mis le feu à leur matelas, puis tout a brûlé. Enchaînement fatal…
Mais comment s’abstraire du contexte ? La politique du chiffre revendiquée par le gouvernement peut-elle produire autre chose qu’une aggravation des tensions ? On parle de «retenus» à propos des sans-papiers regroupés dans ces centres. Mais cette litote, on le sait bien, désigne en fait une forme d’emprisonnement, qui frappe la plupart du temps des hommes et des femmes honorables dont le seul tort est de vouloir travailler et vivre en paix.
On ne peut pas ouvrir totalement les frontières ? Certes. Mais en fixant des objectifs en hausse brutale à la police et à l’administration, on désigne comme cible des familles entières installées depuis longtemps sur le territoire français et on multiplie les occasions de drame et d’iniquité. L’UMP, de manière inadmissible, met en cause le rôle des associations de défense des sans-papiers, qui dispensent dans ces conflits un peu d’humanité. Alors que les gouvernants qu’elle soutient, avant et après cet incendie, ne cessent d’accumuler les combustibles.
Mobilisation syndicale des sans-papiers en France
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/06/PIOT/15962 juin 2008 - Page 3 | |
Mobilisation syndicale des sans-papiers en France Délocalisés de l’intérieur Tour à tour abordée sous l’angle moral, humanitaire, religieux, culturel, sécuritaire, etc., la question des sans-papiers de France se pose à nouveau sur son socle : le travail. Depuis 2006, des étrangers salariés illégalement ont fait grève pour réclamer leur régularisation. En avril, le mouvement, épaulé par des syndicalistes, a pris de l’ampleur. Exploités clandestinement par des employeurs qui les savent sans défense, les sans-papiers apparaissent désormais comme des travailleurs décidés à lutter pour leurs droits. Par Olivier Piot Journaliste. Arborant des badges « CGT », « Droits devant ! », le défilé parisien du 1er Mai affichait cette année une allure inédite. Près de cinq mille travailleurs sans papiers ont animé le cortège des traditionnelles bannières syndicales et politiques. Maliens, Sénégalais, Ivoiriens... On avait jusqu’ici l’habitude de croiser ces visages noirs d’Afrique dans des mobilisations spécifiques aux étrangers vivant dans notre pays. Or voilà qu’ils s’invitent à la plus symbolique des manifestations de la classe ouvrière française. Qui sont donc ces milliers d’hommes et de femmes qui réclament leur régularisation et dont près de sept cents, soutenus par la Confédération générale du travail (CGT), ont déclenché des grèves dans une douzaine d’entreprises d’Ile-de-France, le 15 avril 2008, puis dans vingt-trois autres sites le 20 mai ? Employés dans des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, le bâtiment, la sécurité, le nettoyage, l’agriculture ou les services à la personne, ils sont cuisiniers, ferrailleurs, manœuvres, agents d’entretien, saisonniers... Avec ce dénominateur commun d’être des travailleurs salariés (ils disposent de contrats ou de feuilles de paie) s’acquittant de leurs impôts et de leurs cotisations salariales. En commun aussi la méthode : « Les patrons ne contrôlent pas à l’embauche, témoigne un travailleur malien du bâtiment. Il suffit de présenter les papiers d’un cousin ou d’un ami, voire des faux papiers achetés entre 300 et 500 euros. » Combien sont-ils dans cette situation ? « Ne serait-ce que pour des raisons évidentes de survie, une très grande majorité d’étrangers travaillent, d’une manière ou d’une autre. Les quelques centaines de travailleurs grévistes d’Ile-de-France ne sont donc que l’avant-poste de centaines de milliers d’autres », explique M. Jean-Claude Amara, responsable de l’association Droits devant ! A en croire certaines associations — comme le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade) ou encore Uni(e)s contre une immigration jetable (UCIJ) —, on compterait en France, en 2008, de trois cent mille à six cent mille travailleurs sans papiers. Si les salaires déclarés par ces travailleurs (entre 1 000 et 1 400 euros par mois) avoisinent le salaire minimum interprofessionnel de croissance (smic), ils masquent un nombre incalculable d’heures supplémentaires non payées. Au point que certains sans-papiers estiment travailler pour... 3,80 euros de l’heure pendant des semaines pouvant atteindre soixante heures (1) ! « Le patronat sait bien que ces travailleurs sont obligés d’accepter des conditions de travail que les Français refuseraient, souligne Gérard Filoche, inspecteur du travail. Heures non payées, licenciements abusifs, sans paiement des congés et des indemnités, travail le week-end ou la nuit : nous sommes dans des secteurs où le droit du travail est totalement bafoué. » Restaurants, chantiers, |
L'avenir du paysage de l'asile en Europe
Lire la suite de cet opinion des responsables de France Terre d'Asile dans le Monde