dimanche 31 mai 2009

Pour Amnesty, la crise menace les droits humains


Aux yeux d'Amnesty, les forces de l'ordre suisses ne sont pas toujours irréprochables.
Aux yeux d'Amnesty, les forces de l'ordre suisses ne sont pas toujours irréprochables. (Keystone)

La crise économique mondiale aggrave les violations des droits humains aux yeux d'Amnesty International. Selon le rapport annuel de l'organisation humanitaire, rendu public jeudi, ce constat vaut également pour la Suisse.

Le monde fait face à un danger grave qui «en augmentant la pauvreté et en détériorant les conditions économiques et sociales, pourrait conduire à l'instabilité politique et à la violence de masse», affirme Amnesty International dans son rapport annuel.

«Derrière la crise financière, il y a une crise explosive en matière de droits humains», commente Daniel Bolomey, secrétaire général de la section suisse d'Amnesty International, lors de la présentation du rapport à Berne.

«La Banque mondiale estime que 53 millions de personnes vont glisser dans la pauvreté cette année et l'Organisation mondiale du travail déclare que jusqu'à 51 millions pourraient perdre leur emploi», a-t-il rappelé.

Bombe à retardement

Aux yeux d'Amnesty, les dirigeants du monde se sont concentrés sur la revitalisation de l'économie globale, mais en négligeant les conflits qui ont étendu les atteintes aux droits humains, comme à Gaza, au Darfour, en Somalie, en République démocratique du Congo et en Afghanistan.

Interrogée sur le fait que le gouvernement suisse a accepté d'injecter 65 milliards de francs pour sauver UBS – la plus grande banque du pays – mais qu'il n'a pas augmenté son budget pour l'aide au développement, la porte-parole d'Amnesty Suisse Manon Schick a rappelé que son organisation avait approuvé le sauvetage.

«Mais nous estimons que le gouvernement devrait mettre la même énergie et les mêmes montants pour résoudre les vrais problèmes des droits humains, souligne-t-elle. Le monde fait face à une très importante crise des droits humains qui représente à nos yeux une véritable bombe à retardement. Et si les politiciens ne font rien, cette bombe explosera.»

Toujours les mêmes problèmes

Une fois de plus, la Suisse n'a pas échappé aux critiques de l'organisation. En cause: le traitement réservé aux demandeurs d'asile et les discriminations raciales.

Dans son analyse, Amnesty en arrive à la conclusion qu'une «législation inadéquate n'a pas réussi à fournir une protection efficace contre la discrimination».

«Les allégations de discrimination raciale, incluant des mauvais traitements, de la part des représentants de l'ordre public ont continué. Une législation restrictive a violé les droits économiques, sociaux et culturels des demandeurs d'asile et des migrants illégaux», note le rapport.

Le rapport rappelle que le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale a mis en évidence ce problème récurant de discrimination en Suisse, incluant l'usage de critères raciaux pour le ciblage de suspects par la police.

Profond changement

Par ailleurs, le 18 mars dernier, le Parlement suisse a adopté une loi qui permet l'utilisation d'armes électriques (tasers) et de chiens lors de l'expulsion forcée d'étrangers. Pour Amnesty, ceci pourrait violer les normes du Conseil de l'Europe en matière d'utilisation proportionnelle de la force.

Le rapport juge également que la législation introduite en 2007 pour protéger les victimes de violence domestique a été mise en œuvre de manière inadéquate par certains cantons. En cause: le manque de formation au sein de la police et de la magistrature.

Plus positivement, le rapport se réjouit que la Suisse ait signé le 8 septembre la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'êtres humains.

Toutefois, Denise Graf, responsable de l'asile à la section suisse d'Amnesty, en appelle à un profond changement de la part du gouvernement. «Spécialement en matière d'asile et d'immigrés illégaux, car la situation est vraiment mauvaise», précise-t-elle.

Guantanamo

Denise Graf trouve qu'il est difficile de comparer la Suisse avec d'autres pays; dans certains domaines la situation y est meilleure, dans d'autres elle est pire.

«Prenez l'exemple des détentions, illustre-t-elle. La Suisse a la possibilité de placer quelqu'un en détention administrative pendant 24 mois, ce qui n'est possible nulle part ailleurs en Europe. D'un autre côté, la situation est certainement meilleure qu'en Italie où des gens sont renvoyés sans autre forme de procédure vers des pays connus pour leurs violations graves des droits humains.»

Denise Graf salue par ailleurs la position du gouvernement suisse en ce qui concerne le camp de détention de Guantanamo – «l'une des plus grandes débâcles de l'histoire moderne des droits humains».

«La Suisse a été le premier pays à regarder les dossiers et à examiner s'il était possible d'accueillir un petit groupe de détenus de Guantanamo, explique-t-elle. Ce fut un pas très positif et nous nous en réjouissons, car nous pensons qu'il a permis de faire avancer les dossier dans d'autres pays.»

Encore un modèle?

La Suisse a-t-elle encore un rôle de modèle en matière de droits humains? «Lorsque nous parlons à nos collègues des autres sections, nous constatons que la Suisse bénéficie encore de cette position, mais que nous sommes progressivement en train de la perdre», répond Denise Graf.

«Si nous voulons que d'autres pays améliorent leur situation, nous devons vraiment maintenir cette position, poursuit-elle. Ce n'est qu'ainsi que nous dire 'prenez exemple sur nous'. Mais actuellement, en ce qui concerne les droits des migrants et des demandeurs d'asile, nous ne pourrons plus servir de modèle bien longtemps avec le genre de législation que nous avons.»

L'Italie demande l'aide de l'UE dans la lutte contre l'immigration


ROME - L'Italie a demandé une nouvelle fois vendredi l'aide de l'Union européenne (UE) dans la lutte contre l'immigration clandestine, au cours d'une réunion des ministres de l'Intérieur et de la Justice du G8.

"La Commission européenne doit intervenir pour soutenir les pays limitrophes, dont l'Italie", a déclaré à la presse le ministre italien de l'Intérieur Roberto Maroni à l'issue de la seconde session des travaux du G8, consacrée à l'immigration clandestine.

Le commissaire européen Jacques Barrot, en charge de la justice, de la police et de l'immigration, participait également à cette réunion.

"L'accord entre l'Italie et la Libye" fonctionne, ce dernier pays luttant désormais contre les départs d'immigrés clandestins depuis son territoire, "mais cet effort bilatéral du gouvernement italien doit absolument être soutenu par une intervention de l'UE", a insisté M. Maroni.

"Tous les pays de l'Union européenne doivent prendre en charge et se répartir le fardeau de l'accueil, de l'indentification et de l'éventuel rapatriement des immigrés clandestins", a poursuivi le ministre.

Il a annoncé que ce sujet serait débattu la semaine prochaine lors d'une réunion des ministres de l'Intérieur et de la Justice de l'UE au Luxembourg, mais que le commissaire Barrot avait déjà assuré être pleinement disposé à discuter de ce problème".

M. Barrot a reconnu en marge de la conférence qu'il fallait "plus de solidarité en Europe" dans l'accueil des demandeurs d'asile, en citant le cas de Malte, "débordée par l'afflux" de ces derniers.

Le commissaire européen a cependant insisté sur "la nécessité de bien distinguer les demandeurs d'asile, qui ont droit à la protection de l'Europe, et les migrants".

"Dans le cas du refoulement par l'Italie, vers la Libye, d'immigrés clandestins interceptés en mer, il n'y a pas eu de possibilités de contrôler qui était légitimement un demandeur d'asile, ce qui n'est pas acceptable", a estimé M. Barrot.

Il a appuyé la suggestion de l'Italie de créer en Afrique des centres d'identification qui, avec l'aide du Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) permettraient aux candidats à l'asile politique de déposer leur demande.

"Il n'est pas normal que les demandeurs d'asile doivent avoir recours à des passeurs, trafiquants d'êtres humains, pour pouvoir déposer leur requête", a-t-il dit.

Le ministre italien de la Justice Angelino Alfano a pour sa part affirmé que les pays du G8 devaient renforcer "leurs instruments de coopération judiciaire", un peu à l'image du mandat d'arrêt européen.

Les huit pays les plus développés ont également parlé de "la piraterie internationale qui exige une collaboration mondiale car elle génère non seulement l'insécurité mais aussi d'importants dommages économiques", selon le ministre Alfano.

La réunion du G8 pdoit rendre fin samedi en début d'après-midi après une dernière session consacrée au terrorisme.

(©AFP / 29 mai 2009 18h13)

Le tribunal administratif de Paris suspend les contrats concernant les centres de rétention


LEMONDE.FR | 30.05.09 | 19h47 • Mis à jour le 31.05.09 | 09h45

e juge des référés du tribunal administratif de Paris a ordonné, samedi 30 mai, la suspension des contrats concernant le marché de l'assistance aux étrangers placés en rétention, conclus le 10 mai, entre le ministère de l'immigration et six associations : la Cimade, l'Ordre de Malte, le Forum Réfugiés, le Collectif Respect, France Terre d'Asile et l'Assfam.

Le tribunal administratif fait suite à une requête en référé introduite le 15 mai par la Cimade, seule association jusqu'alors habilitée pour cette mission, l'Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, l'association des avocats membres du réseau Elena France, et le Groupe d'information et de soutien des immigrés. Ces contrats devaient entrer en vigueur mardi 2 juin.

DES CONTRATS SIGNÉS DANS L'URGENCE

Dans leur requête, les associations soulignaient que les contrats avaient été signés seulement trois jours avant l'étude d'une requête en référé précontractuel introduite par la Cimade, et ce"alors que le juge des référés avait explicitement demandé au ministre de l'immigration de ne pas signer avant la tenue de l'audience". La décision de justice constitue une première victoire juridique pour la Cimade, et un camouflet pour le ministre de l'immigration, Eric Besson.

Dans son ordonnance, le tribunal indique, d'autre part, qu'en ne prévoyant qu'une mission d'information, "les prestations [...] fixées par le ministre de l'immigration, ne permettent pas d'atteindre, dans son intégralité, l'objectif fixé par législateur". M. Besson avait signé, dimanche 10 mai, le texte attribuant la responsabilité de l'assistance juridique aux étrangers en rétention à six associations, dont la Cimade, qui perdait ainsi son monopole. Ce même soir, le secrétaire général de la Cimade, Laurent Giovannoni, estimait que le minsitre employait des"méthodes de voyou" et faisait ainsi un "véritable bras d'honneur à la justice".

Interrogé par Le Monde, Eric Besson avait expliqué avoir effectivement signé très rapidement les documents en raison du risque éventuel de nouvelles procédures, en dépit des suggestions de l'avocat du ministère qui lui suggérait d'attendre l'audience du 13 mai.

BESSON SE DONNE 48 HEURES DE RÉFLEXION

Dans un communiqué, la Cimade "prend acte avec satisfaction de cette décision de justice" et "demande au ministère de l'immigration d'ouvrir de toute urgence une concertation avec les associations de défense des droits des étrangers, afin de dégager une solution permettant de garantir et de maintenir une réelle assistance juridique aux étrangers placés dans les centres de rétention administrative".

Par ailleurs, l'association se déclare prête à poursuivre la mission qu'elle mène actuellement seule dans les centres de rétention, si le ministère décidait, comme le suggère l'ordonnance, "de conclure avec la Cimade un avenant prolongeant l'exécution de ce marché", de façon à ne pas menacer la continuité de l'assistance aux étrangers.

Dans un communiqué publié samedi soir, Eric Besson fait savoir qu'il "se donne 48 heures pour prendre les décisions qui conviennent afin que les droits des étrangers en rétention soient bien pris en compte après le 2 juin". Le ministre "a régulièrement réaffirmé que sa priorité absolue était d'assurer l'exercice effectif des droits des personnes retenues", ajoute le texte,soulignant "que la continuité de ces prestations de soutien et d'assistance juridiques aux personnes étrangères en rétention administrative devait impérativement être assurée après le 2 juin".


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