vendredi 25 août 2006

Loi sur l'asile, une campagne personnelle

Lire dans le Temps l'article de Sylvie Arsever - Suisse
De retour du Kosovo, deux jeunes femmes utilisent Internet pour faire entendre leur voix en vue du 24 septembre.

Débat entre Rolph Bloch et Jürg Scherrer

Lire le compte rendu dans le Journal du Jura
Mercredi soir au CIP tramelot, Rolf Bloch, bien connu pour son rôle de médiation dans l'affaire des fonds juifs et le dossier Swissmetal, était verbalement opposé à Jürg Scherrer, député et conseiller municipal biennois. Répondant aux questions de Béat Grossenbacher, rédacteur en chef du Journal du Jura et Pierre-André Chapatte, rédacteur en chef du Quotidien Jurassien, le premier nommé a défendu une position humaniste et en accord avec l'esprit des traités internationaux, tandis que le second défendait les textes adoptés par les Chambres fédérales en vue d'un net durcissement de la loi sur l'asile. Animateur de la soirée, Yves Leuzinger, député des Verts au Grand Conseil du canton de Berne, a bien insisté sur ce point: lui et les 30 personnes présentes dans la salle - toutes acquises à la cause des Verts - auront fort à faire si elles veulent contrecarrer la volonté de durcissement exprimée par nos représentants dans la Berne fédérale...

Tous les étrangers ne sont pas les bienvenus

Le Journal du Jura publie une présentation détaillées des enjeux du scrutin du 24 septembre sous la plume de Christiane Imsand:
Les révisions de la loi sur l'asile et de la loi sur les étrangers soumises au peuple le 24 septembre relèvent du même esprit: freiner l'immigration extra-européenne. Etat des lieux.

La votation du 24 septembre est un test pour Christoph Blocher. La révision de la loi sur l'asile porte indubitablement sa marque alors même que le chef du Département fédéral de justice et police a hérité de Ruth Metzler un projet qui était déjà en phase parlementaire lors de son entrée en fonctions. Le conseiller fédéral UDC a réussi à en durcir le texte avant son passage devant la seconde Chambre. Une procédure inédite que le gouvernement a avalisée sans coup férir, tout comme le Parlement qui a accepté la majeure partie des innovations présentées par Christoph Blocher. Au final, la révision a peu de choses à envier à l'initiative de l'UDC «contre les abus dans le droit d'asile», rejetée par le peuple le 24 novembre 2002.

A l'époque, la droite centriste et la gauche avaient fait bloc contre ce projet. Mais les temps ont changé. Aujourd'hui, l'UDC n'est plus isolée dans le camp bourgeois et personne ne parie sur les chances de succès du référendum lancé par la gauche rose-verte avec le soutien des Eglises et des œuvres d'entraide. Or, la rigueur de la réforme dans les domaines de la procédure d'asile et de l'aide sociale est encore accentuée par la révision totale de la loi sur les étrangers dont certaines dispositions s'appliquent aussi aux requérants déboutés. C'est le cas des mesures de contrainte qui permettent d'emprisonner jusqu'à deux ans les étrangers qui refusent de collaborer à leur expulsion. Cette imbrication des deux lois a justifié le lancement d'un double référendum. La procédure est d'autant plus logique que les deux réformes sont marquées par la même volonté de freiner l'immigration extra-européenne.

La campagne a démarré sur la base d'un traditionnel affrontement gauche-droite qui a donné l'occasion à l'ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss de se muer en conscience morale de la nation. Cette approche manichéenne est cependant devenue obsolète depuis l'engagement d'un comité bourgeois contre la double révision. Y figurent des personnalités comme l'ancien conseiller d'Etat vaudois Claude Ruey, l'ancien président de Swisscom Markus Rauh ou encore l'ancien chancelier de la Confédération François Couchepin. Pour eux, ces deux lois sont inadmissibles sur le plan éthique et elles ne résoudront pas le problème des migrations. «Elles ne feront qu'accroître le nombre des sans-papiers», affirme François Couchepin.

L'entrée en campagne de ces personnalités a mis le PDC sur la sellette, d'autant plus que les Eglises catholique et réformée sont elles aussi du côté des référendaires. Le PDC affirme avoir procédé à une pesée des intérêts qui lui permet de défendre le projet mais il n'y met pas un enthousiasme débordant.

Les autres partis bourgeois sont moins empruntés. Les radicaux considèrent les deux révisions comme l'un des piliers de la politique migratoire poursuivie par le parti. Reste l'UDC pour qui cette votation n'est qu'une étape. Le parti travaille déjà sur de nouvelles propositions restrictives dans le domaine des naturalisations.

Ch. I.



Au final, la révision a peu de choses à envier à l'initiative de l'UDC «contre les abus dans le droit d'asile», rejetée par le peuple.

Les sept points qui divisent les politiques

Pas de papiers, pas d'asile

Si un requérant d'asile se présente sans documents de voyage, ni pièce d'identité dans un délai de 48 heures, les autorités n'entreront pas en matière sur sa demande d'asile. Cette disposition existe déjà dans le droit actuel, mais les conditions sont encore plus strictes avec la nouvelle loi. Ainsi, le permis de conduire et l'acte de naissance ne seront plus jugés comme des documents suffisants car ils peuvent trop facilement être falsifiés. Le comité référendaire souligne qu'une personne persécutée par l'Etat ne peut pas lui demander un document officiel. La droite rétorque que la loi prévoit des exceptions pour les requérants qui rendent vraisemblable l'absence de papiers.
Aide sociale laminée

Actuellement, seuls les requérants frappés d'une décision de non-entrée en matière sont exclus de l'aide sociale. A l'avenir, cette mesure touchera également les personnes dont la demande d'asile a été repoussée. Elles pourront tout au plus demander une aide d'urgence aux cantons. La nouvelle loi ne prévoit pas d'exception pour les malades et les enfants. La suppression de l'aide sociale a pour but d'accélérer l'exécution des renvois. Le comité référendaire affirme qu'elle risque de pousser dans l'illégalité les personnes dont le renvoi est inexécutable, faute de papiers.
Détention pour insoumission

Les requérants déboutés qui refuseront de quitter la Suisse volontairement pourront être mis en détention pour une durée allant jusqu'à deux ans, contre neuf mois actuellement. «C'est complètement disproportionné s'agissant de personnes qui n'ont pas commis d'infraction», affirme le comité référendaire qui note que même des mineurs (entre 15 et 18 ans) pourront être enfermés pendant une année.
Regroupement familial compromis

Pour les ressortissants étrangers non membres de l'Union européenne, le regroupement familial devra intervenir durant les cinq premières années de séjour. Et l'âge limite sera abaissé de 18 à 12 ans. Les enfants de plus de 12 ans devront rejoindre leur famille dans un délai de 12 mois et ils n'auront droit qu'à une autorisation de séjour limitée. Justification de ces mesures: plus le regroupement familial a lieu tôt, plus les chances d'intégration sont bonnes. La gauche rétorque que ce sont souvent les contraintes administratives et matérielles qui empêchent un regroupement familial rapide (exigence d'un revenu et d'un logement adéquat).
Mariages blancs

Les officiers d'état civil seront autorisés à refuser un mariage en cas de soupçon de mariage blanc. «C'est la porte ouverte à l'arbitraire», affirme la gauche. «Cela permettra d'éviter que l'on se marie pour contourner la loi», répond la droite.
Deux cercles

La nouvelle loi sur les étrangers officialise le système des deux cercles puisqu'elle ne s'applique qu'aux ressortissants extra-européens. Ceux-ci ne passeront la porte de la Suisse que s'ils sont hautement qualifiés. Il n'y aura plus de droit automatique à un permis C après dix ans de séjour en Suisse.
Les bonnes âmes pénalisées

Les personnes bien intentionnées qui aident un étranger en situation irrégulière risquent une amende pouvant aller jusqu'à 20 000 francs, voire un an de prison. C'est le double des peines actuelles. Les défenseurs de la loi font valoir que le but de ce durcissement est de dissuader les organisations de passeurs. Les personnes agissant dans un but lucratif risquent en effet une amende de 500 000 francs (100 000 francs aujourd'hui) et 5 ans de prison (au lieu de 3). L'amende peut aussi aller jusqu'à 500 000 francs (5000 francs aujourd'hui) pour l'emploi d'étrangers sans autorisation.

CONSENSUS

Parmi les points qui rassemblent:

Intégration

L'octroi d'une autorisation de séjour pourra être subordonné à l'obligation de suivre un cours de langue ou un cours d'intégration. En contrepartie, une autorisation d'établissement pourra être accordée au terme de 5 ans de séjour, au lieu de 10 ans, si l'étranger montre qu'il s'est bien intégré en Suisse, en particulier lorsqu'il a de bonnes connaissances d'une langue nationale.

Regroupement familial

Les titulaires d'une autorisation de courte durée et les étudiants pourront faire venir leur famille s'ils disposent de logements et de ressources suffisantes. En cas de dissolution de la famille, ses membres pourront rester en Suisse s'ils y ont séjourné au moins trois ans.

Mobilité

Actuellement, les détenteurs d'un permis B (autorisation de séjour annuelle) ne peuvent changer de travail ou de canton qu'avec l'aval des autorités. Cette contrainte tombe avec la nouvelle loi sur les étrangers.

Admission provisoire

Les personnes admises à titre provisoire accéderont plus facilement au marché du travail, car les cantons pourront les autoriser à exercer une activité lucrative. Les cantons seront habilités à délivrer une autorisation de séjour ordinaire (permis B) aux étrangers admis provisoirement et résidant en Suisse depuis cinq ans.

Réflexion de Mazyar Yosefi dans 24 heures

Dans sa rubrique "Réflexions", 24 Heures nous proposent celles de Mazyar Yosefi, sous le titre: "Pourquoi je participe à la Caravane " 2×NON "

Plus l’échéance des vota­tions sur les lois contre l’asile et les étrangers s’approche, plus le débat prend une tournure émotionnelle. Les réactions suscitées par l’étape à Vallorbe de la Caravane2×Non en témoignent. Ces émotions ne doivent pas obscurcir le débat de fond. Les partisans de ces deux lois nous promettent une Suisse «plus sûre», avec moins de requérants et d’étrangers. Quelles sont les réalités actuel­les, avant même que ces lois soient adoptées ou rejetées?Environ 1,5 million d’étran­gers vivent en Suisse, soit 20% de la population. Fin 2004, sur 1 495 008 étrangers, 57,9% pro­viennent des pays de l’Union européenne et 42,1% des pays du reste du monde. En 2005, on compte en Suisse 23 687 réfu­giés et une baisse de 29,4% du nombre de demandeurs d’asile par rapport à l’année précé­dente.Etant d’origine persane, je suis arrivé en Suisse à 18 ans pour y rejoindre mes parents qui y vivaient depuis plus de trois ans. La nouvelle loi contre les étrangers m’aurait probable­ment été appliquée, si elle avait été déjà en vigueur ilya12ans, dès lors que le regroupement familial n’est en principe plus possible pour les enfants âgés de plus de 12 ans. Les partisans de ces lois prétendent qu’il faut faire venir les enfants jeunes, pour faciliter leur intégration, sinon ils rencontreraient des dif­ficultés plus tard. Je vis ici depuis l’âge de 18 ans et peux parler d’expérience: c’est totalement faux! Les risques en­courus du fait d’arriver en Suisse à 18 ans sont bien moindres que ceux liés à l’absence des parents durant l’adolescence. Les plaies provoquées par la séparation dans une telle période ne se cicatrisent pas facilement et les blessures liées à l’éloignement restent ouvertes des années plus tard, tant pour les enfants que pour les parents. Dans la loi sur l’acquisition de la nationalité suisse, le temps passé en Suisse entre 10 et 20 ans compte dou­ble pour la naturalisation, préci­sément parce que, jusqu’à 20 ans, l’intégration se fait plus facilement à travers la scolarité, la formation, les relations ami­cales et affectives. Rendre im­possible le regroupement fami­lial pour des enfants à partir de 12 ans est en contradiction fla­grante avec ce constat. Un en­fant de 13 ans ne peut pas vivre sans ses parents et être consi­déré comme un adulte!L’exercice du droit de vote et d’éligibilité pour les étrangers sur le plan communal démontre que l’intégration passe par la reconnaissance de l’égalité des droits, contrairement à ces deux lois.La peur de l’étranger est très souvent liée à une méconnais­sance de l’autre. Une fois le pre­mier contact établi, le regard sur l’autre change radicalement: l’étranger devient un ami, un voisin sympathique, un collègue de travail solidaire. A l’inverse, ces deux lois iniques nourrissent fortement les préjugés et renfor­cent les peurs.Un autre aspect de la loi est l’intervention de la police chez les requérants, rendue possible à tout moment sans besoin de mandat du juge; la Suisse, dépositaire des conventions de Genève, des droits de l’Homme peut­elle accepter un tel abus dans ses propres lois?Enfin, ces deux lois contri­buent à fabriquer des sans-pa­piers. Ils sont déjà plus de 100 000 en Suisse. Ils sont ici et travaillent souvent très dur dans des secteurs de services. En ren­dant impossible l’obtention d’une autorisation de séjour pour ces travailleurs sans statut légal, parce que non ressortis­sants d’un pays de l’Union euro­péenne, ces deux lois ne tien­nent absolument pas compte des réalités économiques!Dire 2 × non le 24 septembre, une nécessité pour construire tous, ensemble, une société res­pectueuse des droits de chacun!