vendredi 25 août 2006
Loi sur l'asile, une campagne personnelle
De retour du Kosovo, deux jeunes femmes utilisent Internet pour faire entendre leur voix en vue du 24 septembre.
Débat entre Rolph Bloch et Jürg Scherrer
Mercredi soir au CIP tramelot, Rolf Bloch, bien connu pour son rôle de médiation dans l'affaire des fonds juifs et le dossier Swissmetal, était verbalement opposé à Jürg Scherrer, député et conseiller municipal biennois. Répondant aux questions de Béat Grossenbacher, rédacteur en chef du Journal du Jura et Pierre-André Chapatte, rédacteur en chef du Quotidien Jurassien, le premier nommé a défendu une position humaniste et en accord avec l'esprit des traités internationaux, tandis que le second défendait les textes adoptés par les Chambres fédérales en vue d'un net durcissement de la loi sur l'asile. Animateur de la soirée, Yves Leuzinger, député des Verts au Grand Conseil du canton de Berne, a bien insisté sur ce point: lui et les 30 personnes présentes dans la salle - toutes acquises à la cause des Verts - auront fort à faire si elles veulent contrecarrer la volonté de durcissement exprimée par nos représentants dans la Berne fédérale...
Tous les étrangers ne sont pas les bienvenus
A l'époque, la droite centriste et la gauche avaient fait bloc contre ce projet. Mais les temps ont changé. Aujourd'hui, l'UDC n'est plus isolée dans le camp bourgeois et personne ne parie sur les chances de succès du référendum lancé par la gauche rose-verte avec le soutien des Eglises et des œuvres d'entraide. Or, la rigueur de la réforme dans les domaines de la procédure d'asile et de l'aide sociale est encore accentuée par la révision totale de la loi sur les étrangers dont certaines dispositions s'appliquent aussi aux requérants déboutés. C'est le cas des mesures de contrainte qui permettent d'emprisonner jusqu'à deux ans les étrangers qui refusent de collaborer à leur expulsion. Cette imbrication des deux lois a justifié le lancement d'un double référendum. La procédure est d'autant plus logique que les deux réformes sont marquées par la même volonté de freiner l'immigration extra-européenne.
La campagne a démarré sur la base d'un traditionnel affrontement gauche-droite qui a donné l'occasion à l'ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss de se muer en conscience morale de la nation. Cette approche manichéenne est cependant devenue obsolète depuis l'engagement d'un comité bourgeois contre la double révision. Y figurent des personnalités comme l'ancien conseiller d'Etat vaudois Claude Ruey, l'ancien président de Swisscom Markus Rauh ou encore l'ancien chancelier de la Confédération François Couchepin. Pour eux, ces deux lois sont inadmissibles sur le plan éthique et elles ne résoudront pas le problème des migrations. «Elles ne feront qu'accroître le nombre des sans-papiers», affirme François Couchepin.
L'entrée en campagne de ces personnalités a mis le PDC sur la sellette, d'autant plus que les Eglises catholique et réformée sont elles aussi du côté des référendaires. Le PDC affirme avoir procédé à une pesée des intérêts qui lui permet de défendre le projet mais il n'y met pas un enthousiasme débordant.
Les autres partis bourgeois sont moins empruntés. Les radicaux considèrent les deux révisions comme l'un des piliers de la politique migratoire poursuivie par le parti. Reste l'UDC pour qui cette votation n'est qu'une étape. Le parti travaille déjà sur de nouvelles propositions restrictives dans le domaine des naturalisations.
Ch. I.
L'octroi d'une autorisation de séjour pourra être subordonné à l'obligation de suivre un cours de langue ou un cours d'intégration. En contrepartie, une autorisation d'établissement pourra être accordée au terme de 5 ans de séjour, au lieu de 10 ans, si l'étranger montre qu'il s'est bien intégré en Suisse, en particulier lorsqu'il a de bonnes connaissances d'une langue nationale.
Regroupement familial
Les titulaires d'une autorisation de courte durée et les étudiants pourront faire venir leur famille s'ils disposent de logements et de ressources suffisantes. En cas de dissolution de la famille, ses membres pourront rester en Suisse s'ils y ont séjourné au moins trois ans.
Mobilité
Actuellement, les détenteurs d'un permis B (autorisation de séjour annuelle) ne peuvent changer de travail ou de canton qu'avec l'aval des autorités. Cette contrainte tombe avec la nouvelle loi sur les étrangers.
Admission provisoire
Les personnes admises à titre provisoire accéderont plus facilement au marché du travail, car les cantons pourront les autoriser à exercer une activité lucrative. Les cantons seront habilités à délivrer une autorisation de séjour ordinaire (permis B) aux étrangers admis provisoirement et résidant en Suisse depuis cinq ans.
Réflexion de Mazyar Yosefi dans 24 heures
Plus l’échéance des votations sur les lois contre l’asile et les étrangers s’approche, plus le débat prend une tournure émotionnelle. Les réactions suscitées par l’étape à Vallorbe de la Caravane2×Non en témoignent. Ces émotions ne doivent pas obscurcir le débat de fond. Les partisans de ces deux lois nous promettent une Suisse «plus sûre», avec moins de requérants et d’étrangers. Quelles sont les réalités actuelles, avant même que ces lois soient adoptées ou rejetées?Environ 1,5 million d’étrangers vivent en Suisse, soit 20% de la population. Fin 2004, sur 1 495 008 étrangers, 57,9% proviennent des pays de l’Union européenne et 42,1% des pays du reste du monde. En 2005, on compte en Suisse 23 687 réfugiés et une baisse de 29,4% du nombre de demandeurs d’asile par rapport à l’année précédente.Etant d’origine persane, je suis arrivé en Suisse à 18 ans pour y rejoindre mes parents qui y vivaient depuis plus de trois ans. La nouvelle loi contre les étrangers m’aurait probablement été appliquée, si elle avait été déjà en vigueur ilya12ans, dès lors que le regroupement familial n’est en principe plus possible pour les enfants âgés de plus de 12 ans. Les partisans de ces lois prétendent qu’il faut faire venir les enfants jeunes, pour faciliter leur intégration, sinon ils rencontreraient des difficultés plus tard. Je vis ici depuis l’âge de 18 ans et peux parler d’expérience: c’est totalement faux! Les risques encourus du fait d’arriver en Suisse à 18 ans sont bien moindres que ceux liés à l’absence des parents durant l’adolescence. Les plaies provoquées par la séparation dans une telle période ne se cicatrisent pas facilement et les blessures liées à l’éloignement restent ouvertes des années plus tard, tant pour les enfants que pour les parents. Dans la loi sur l’acquisition de la nationalité suisse, le temps passé en Suisse entre 10 et 20 ans compte double pour la naturalisation, précisément parce que, jusqu’à 20 ans, l’intégration se fait plus facilement à travers la scolarité, la formation, les relations amicales et affectives. Rendre impossible le regroupement familial pour des enfants à partir de 12 ans est en contradiction flagrante avec ce constat. Un enfant de 13 ans ne peut pas vivre sans ses parents et être considéré comme un adulte!L’exercice du droit de vote et d’éligibilité pour les étrangers sur le plan communal démontre que l’intégration passe par la reconnaissance de l’égalité des droits, contrairement à ces deux lois.La peur de l’étranger est très souvent liée à une méconnaissance de l’autre. Une fois le premier contact établi, le regard sur l’autre change radicalement: l’étranger devient un ami, un voisin sympathique, un collègue de travail solidaire. A l’inverse, ces deux lois iniques nourrissent fortement les préjugés et renforcent les peurs.Un autre aspect de la loi est l’intervention de la police chez les requérants, rendue possible à tout moment sans besoin de mandat du juge; la Suisse, dépositaire des conventions de Genève, des droits de l’Homme peutelle accepter un tel abus dans ses propres lois?Enfin, ces deux lois contribuent à fabriquer des sans-papiers. Ils sont déjà plus de 100 000 en Suisse. Ils sont ici et travaillent souvent très dur dans des secteurs de services. En rendant impossible l’obtention d’une autorisation de séjour pour ces travailleurs sans statut légal, parce que non ressortissants d’un pays de l’Union européenne, ces deux lois ne tiennent absolument pas compte des réalités économiques!Dire 2 × non le 24 septembre, une nécessité pour construire tous, ensemble, une société respectueuse des droits de chacun!