lundi 26 septembre 2011

Fédérales 2011: l'UDC exige un tour de vis sur l'asile

A deux jours de la session extraordinaire du National sur l'asile, l'UDC a répété lundi son credo et exigé un tour de vis. Le parti accuse Eveline Widmer-Schlumpf et Simonetta Sommaruga de n'avoir rien fait contre le "chaos qui s'est installé".

Les mesures annoncées par la ministre de justice et police vendredi sont qualifiées d'invitation aux migrants à utiliser l'asile pour s'installer en Suisse. La seule mesure concrète prise par Mme Sommaruga fut le départ du directeur de l'Office fédéral des migrations, a déclaré le conseiller national Yvan Perrin (NE). Mme Widmer-Schlumpf en prend aussi pour son grade: "les seules expulsions prononcées l'ont été au détriment de ses propres collaborateurs". Et le parti de vanter le travail accompli par Christoph Blocher, sous l'ère duquel les demandes d'asile ont reculé.

Exigences

L'UDC veut résilier les accords de Schengen et Dublin. En attendant, elle demande au Conseil fédéral de faire pression pour que l'agence européenne Frontex surveille la côte nord-africaine et ramène les bateaux de migrants à leur port de départ. A défaut, la Suisse devra renforcer ses contrôles à la frontière, voire y engager l'armée. Le parti réclame aussi la suppression du droit au regroupement familial pour les personnes admises provisoirement et les réfugiés qui pourraient s'enfuir. Les demandes d'asile des plus de 8000 objecteurs de conscience érythréens devraient être traitées en urgence. Le cas des personnes admises provisoirement doit être revu et des renvois ordonnés.

L'UDC exige une application stricte de la loi. La révision actuelle doit serrer la vis notamment en empêchant les demandes multiples et les demandes de reconsidération. Le Conseil fédéral est en outre appelé à conclure des accords de réadmission avec toute une série de pays africains et asiatiques. Outre une accélération des procédures et une limitation des recours, l'UDC propose de ne plus entrer en matière sur les requêtes des personnes ayant bénéficié d'une aide au retour.

ATS

Une loi chère, inutile, inique

Jeudi dernier à Strasbourg, des représentants d’une soixantaine de municipalités ont partagé réflexions et expériences sur des solutions d’intégration des Roms, à l’initiative du Conseil de l’Europe. Genève n’y était pas représenté et c’est fort regrettable.

Confronté depuis des années à la mendicité de cette population nomade, miséreuse et discriminée, le canton a répondu à cette pauvreté importée par sa criminalisation. Brandir le bâton a certes fonctionné électoralement pour certains élus et partis. Mais l’interdiction de la mendicité et les milliers d’amendes envoyées en recommandé en Roumanie n’y ont rien fait. Pas plus que les inlassables destructions de campements sauvages estivaux, aussitôt éliminés, aussitôt réinvestis. Les mendiants continuent de mendier.
On a à présent une idée du coût exorbitant de cette répression: plus de 3 millions de francs sur la période examinée de dix-huit mois, selon le gouvernement, qui ne compte pas le travail de la police municipale et réduit l’ampleur des frais de justice. Mesemrom parle plutôt de 20 millions!
Enfermé dans la logique de criminalisation, le porte-parole d’Isabel Rochat, conseillère d’Etat chargée de la police, n’y voit aucun problème, puisque, par analogie, arrêter un assassin n’est pas censé remplir les caisses de l’Etat.
Comparer un mendiant à un tueur est pour le moins malvenu. Surtout de la part du porte-voix d’une magistrate qui veut voir en Genève un coupe-gorge. Dans cette perspective, on comprend encore moins pourquoi la police perd son temps et l’argent du contribuable à harceler des mendiants inoffensifs. Il serait temps de fixer des priorités intelligentes en matière de sécurité. Cela éviterait peut-être de devoir promettre – en l’air – l’engagement immédiat de trois cents policiers...
La loi contre la mendicité est vieille de plus de trois ans et demi. Elle a prouvé durant tout ce temps son inutilité, mais surtout le cynisme des élus et des autorités, plus prompts à satisfaire les réflexes de rejet qu’à répondre au dénuement d’une population ostracisée chez elle. En Europe, les Roms sont 10 à 12 millions à vivre dans des conditions dignes du tiers-monde.
A Genève, ils dorment à deux pas de chez vous, sous un pont ou derrière une balustrade. Plutôt que d’ouvrir un abri, la police et la voirie les chassent régulièrement, le temps d’une nuit sans couvertures. Ça ne résout rien, mais cela donne l’impression qu’on agit.
L’aurait-elle voulu, Isabel Rochat ne pouvait se rendre à Strasbourg jeudi. Ce jour-là, elle parlait tolérance zéro avec son nouvel ami Rudy Giuliani.

Edito de Rachad Armanios dans le Courrier

La loi anti-mendicité tient de l’usine à gaz inefficace

Le Conseil d’Etat a calculé que l’interdiction de la mendicité a coûté trois millions de francs sur dix-huit mois. Des chiffres qui interpellent les opposants à cette loi.

Amender les mendiants! En janvier 2008, le Grand Conseil avait modifié la loi pénale genevoise et permis à la police de poursuivre et, le cas échéant, d’amender les mendiants. Une loi s’adressant dans les faits aux Roms, à la suite d’un prétendu afflux de ressortissants roumains appartenant à cette ethnie. En réalité, un problème causé par une communauté nomade dont le chiffre oscille entre cinquante et deux cents personnes.
Plus de trois ans et demi après, l’échec annoncé par les détracteurs de cette législation semble bien se confirmer puisque, malgré un coût pour l’Etat très élevé, les amendes semblent peu dissuasives. En juin, la députée verte Anne Mahrer avait déposé une interpellation urgente écrite pour s’enquérir des coûts engendrés par la répression de la mendicité ainsi que de son efficience.
La réponse du Conseil d’Etat, datée du 31 août et révélée par Léman Bleu, donne des éléments intéressants sur ce dernier élément. A savoir que cette loi a généré des coûts considérables, évalués à plus de 3 millions de francs entre décembre 2009 et juin 2011, alors que les amendes n’ont rapporté que 35 000 francs aux caisses de l’Etat. Ces dépenses se ventilent entre le coût des recommandés, celui des arrestations ou encore les frais engendrés par les procédures judiciaires en cas d’opposition. Pour ces dernières, ce sont ainsi 1,8 million de francs qui ont été dépensés, selon les évaluations du Conseil d’Etat.

Chiffres sous-évalués
Ce chiffre est sous-évalué, rétorque Dina Bazarbachi, présidente de Mesemrom, association de défense de la communauté Rom. Et de relever que cette évaluation ne porte que sur quelque mille amendes contestées. «Or, sur les treize mille contraventions délivrées à des mendiants, j’en ai contesté dix mille», relève-t-elle, «on est donc plus proche des 20 millions si on veut suivre la règle de trois utilisée par le Conseil d’Etat.»
En l’occurrence, relève-t-elle, seuls six cas ont effectivement été traités par la justice. Dans trois cas, les juges ont acquitté les amendés, «tant les libellés de ces amendes étaient fantaisistes», et dans trois autres cas, l’amende a été substantiellement réduite car il convient de tenir compte de la situation de la personne amendée. «Et j’ai bien entendu fait recours dans ces trois dernières affaires.»

«Inutile, inefficace, inique»
Lors du vote du projet de loi, Mathilde Captyn, députée verte, s’était fendue d’un rapport de minorité en pointant l’inutilité de cette législation. Elle estime qu’aujourd’hui, la preuve par l’acte est faite. «On ne règle pas un problème – l’extrême dénuement d’une communauté ostracisée depuis des siècles – par une loi liberticide et électoraliste.»
Du côté du canton, pas question de changer son fusil d’épaule. Laurent Paoliello, porte-parole d’Isabel Rochat, conseillère d’Etat en charge de la police, estime que le rapport qualité-coût est un faux problème. «C’est comme si on disait qu’attraper un assassin coûte cher et ne rapporte rien.» Et d’annoncer qu’en l’état il n’y aura pas de changement de politique en la matière. «Cette loi a été voulue par le législateur, nous nous devons de l’appliquer.» Il invite les députés critiques à proposer un changement de la loi. Ce qui, au vu du rapport de force actuel au Grand Conseil, n’a évidemment aucune chance d’aboutir.

Changement de cap
Du côté des détracteurs de la loi, on estime au contraire qu’un changement de cap s’impose. Dina Bazarbachi juge plus urgent de financer des programmes d’intégration en Roumanie et de garantir un accueil digne de ce nom en Suisse. Par exemple en ouvrant un abri de la protection civile durant toute l’année. Mathilde Captyn prônerait même la mise à disposition d’infrastructures pour les populations nomades.
Mme Bazarbachi espère aussi un progrès pour les Roms une fois que les travailleurs roumains ne seront plus soumis à des quotas à partir de 2013, date d’entrée en vigueur de l’extension des bilatérales. Ainsi, ces dernières années, les vendanges avaient offert du travail temporaire aux Roms. «Maintenant, la police amende les viticulteurs qui emploieraient ces gens car c’est forcément du travail au noir, résultat, on les renvoie sur le trottoir en les obligeant à mendier.» Le même problème se rencontre dans l’économie domestique où la possibilité de faire des ménages est restreinte.

Philippe Bach dans le Courrier