Italiens, Portugais, Espagnols ou Grecs arrivent en nombre. La Suisse leur offre des perspectives.
Ilot de prospérité dans une zone euro en crise, la Suisse fait à nouveau figure d’eldorado pour les Européens du Sud. Privés de perspectives dans leur pays, Espagnols, Portugais, Italiens et Grecs sont de plus en plus nombreux à choisir l’émigration et à se tourner vers la Suisse.
Les derniers chiffres fournis au Temps par l’Office fédéral des migrations (ODM) parlent d’eux-mêmes: alors que les Allemands caracolent toujours en tête du classement des nouveaux résidents (+12 601 en 2011), ils sont en passe d’être rattrapés par les Portugais (+11 018). Et le solde migratoire (différence entre les entrées et les sorties) des Espagnols, des Italiens et des Grecs, négatif jusqu’en 2007, a retrouvé des valeurs fortement positives. Le nombre de nouveaux résidents espagnols est ainsi passé de +126 en 2008 à… +2586 en 2011. L’an passé, la population italienne en Suisse a augmenté de 5318 individus. Pour les Grecs, les valeurs sont largement inférieures, mais augmentent très vite: 759 nouveaux résidents en 2011, contre 364 en 2008 (chiffres nets). Au total, sur les 75 000 étrangers qui ont élu domicile en Suisse en 2011, un tiers viennent de ces quatre pays.
Signe d’embellie
Le taux de chômage en Suisse (3,1%) n’augmentant que très lentement, l’économie nationale semble capable d’absorber ces arrivants, malgré le ralentissement. Faut-il y voir le signe d’une embellie? «C’est une hypothèse que l’on peut émettre, confirme Bruno Parnisari, chef du secteur conjoncture au Secrétariat d’Etat à l’économie. Il se peut que le creux de la vague soit passé et que cela s’observe dans les chiffres de l’immigration.»
Même si le beau fixe devait encore se faire attendre, la Suisse reste un pays de cocagne en comparaison avec ses voisins européens. «Et cette différence relative n’est pas près de disparaître, poursuit Bruno Parnisari. En Italie, le chômage des jeunes a atteint les 30% et il frise les 50% en Espagne. Ici, il est à 3,5%…»
La construction, les industries horlogère et pharmaceutique, le secteur public – particulièrement la santé – ou l’hôtellerie et la restauration: nombreux sont les secteurs qui continuent d’engager et offrent des perspectives à cette immigration. Laquelle, selon l’ODM, comprend aussi bien des personnes hautement qualifiées que sans qualification.
Pourtant, l’eldorado helvétique pourrait se transformer en miroir aux alouettes pour bien des candidats. «La situation n’a rien à voir avec les années 1960 ou 1970, prévient la députée genevoise d’origine espagnole Loly Bolay (PS). A l’époque, l’économie suisse tournait à plein et avait besoin de main-d’œuvre. Aujourd’hui, c’est très différent. Je passe mon temps à alerter mes compatriotes dans la presse espagnole. Je leur dis de ne surtout pas venir en Suisse sans contrat de travail. En Galice, tout le monde connaît quelqu’un qui a bien réussi en Suisse. Dans la tête des gens, c’est toujours l’eldorado. Ça me fait mal au cœur de les décourager, mais je dois leur dire la vérité: ils risquent de faire concurrence aux chômeurs locaux, ils auront de la peine à se loger et tous ne trouveront pas du travail.»
Ce message porte-t-il ? Pas sûr: «C’est le chaos en Espagne et les gens savent que ça ne sert plus à rien d’aller en France ou en Italie, alors ils viennent quand même.»
Alexis Favre dans le Temps