Paru le Jeudi 19 Novembre 2009 - MARIA PINEIRO
«En Suisse, Madame, on travaille ou on repart.» C'est avec ces mots que la police soleuroise réveille un matin Maria di Buchianico, jeune mère italienne, et lui annonce qu'elle doit placer son bébé ou le renvoyer au pays. Son tort, être saisonnière et avoir son enfant avec elle en Suisse.
De 1945 à 2002, la Confédération a délivré six millions de permis «A» pour saisonniers. Une main-d'oeuvre nécessaire à la construction des infrastructures du pays.
Ce soir, l'émission Temps présent consacre un reportage signé Raphaël Engel à la situation particulière des enfants de ces travailleurs dans les années 1960. Des bambins ou des adolescents indésirables en Suisse. En effet, le permis de saisonnier donnait droit au travail, mais pas au regroupement familial. Si une grande partie de ces travailleurs ont laissé leurs enfants grandir au pays, loin d'eux, certains ont bravé la loi.
Ces filles ou fils de saisonniers ont vécu parfois des années cachés et sans scolarité. Ceux qu'on a appelés «enfants du placard» ont attendu le permis «B» de leurs parents, puis le droit au regroupement familial pour sortir au grand jour et aller enfin à l'école. D'autres, comme Francisco de Melo, ont été dénoncés et expulsés «comme des criminels».
Raphaël Engel a retrouvé certains de ces clandestins dont on estime qu'ils ont pu être de dix mille à quinze mille. Aujourd'hui intégrés, ils se souviennent de cette vie dans le placard à regarder, la peur au ventre, les autres enfants s'amuser.
«Il y a là un double langage, on a besoin de travailleurs, mais on leur refuse le droit à vivre une existence humaine», explique le journaliste La situation perdurera jusqu'en 2002, date de l'abolition du permis «A». Mais les mentalités, elles, ont changé avant. Dès les années 1970, des enseignants ouvrent des écoles clandestines pour garantir le droit à l'éducation pour tous. En 1990, Neuchâtel fait sauter un premier verrou en permettant à ces enfants d'accéder à l'école. Les autres cantons suivront, dans l'illégalité face à la législation fédérale, mais en conformité avec leur Constitution, qui exigent une éducation pour tous.
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