L'Arizona, Etat américain frontalier avec le Mexique, a adopté vendredi la législation anti-immigration clandestine la plus dure des Etats-Unis. Un train de mesures criminalisant les illégaux et ceux qui les emploient qui déclenche polémique, dénonciation et manifestations, le président Barack Obama exprimant sa crainte qu'elle ne viole les droits civiques.
L'Arizona, qui compterait environ 460.000 clandestins, est en première ligne: ses immensités désertiques servent de couloir d'entrée par la majorité des clandestins d'Amérique du sud entrant sur le territoire américain, ainsi que pour le trafic de drogue en provenance du Mexique.
Devant le capitole, où la gouverneure républicaine Jan Brewer a signé le texte vendredi, lui donnant force de loi, des centaines de personnes ont manifesté leur colère, craignant la flambée de la discrimination raciale et l'installation d'un climat de peur généralisée chez les Latinos.
"Des décennies d'inaction et de politiques inadaptées ont crée une situation dangereuse et inacceptable", a déclaré Mme Brewer, estimant que les manifestants "exagéraient" et affirmant qu'elle ne tolérerait aucun profilage racial.
Un peu plus tôt, le président Obama lui-même avait estimé que la loi était "malavisée" et donné consigne au ministère de la Justice de vérifier qu'elle n'allait pas à l'encontre de la loi.
Barack Obama se retrouve donc au pied du mur, poussé à s'attaquer pour de bon à la réforme de l'immigration au niveau national, autre gros chantier de sa présidence, sous peine, comme il l'a dit vendredi, de laisser la porte ouverte à "l'irresponsabilité des autres".
"Ce qui inclut, par exemple, les récents efforts en Arizona, qui menacent de mettre à mal les notions fondamentales d'équité que nous chérissons en tant qu'Américains, et de confiance réciproque entre une communauté et sa police, confiance cruciale pour notre sécurité", a ajouté Obama.
En vertu de la nouvelle législation adoptée par le parlement local à majorité républicaine et validée par la gouverneure, être clandestin devient un crime en Arizona. La police locale a désormais le droit d'interroger à ce sujet toute personne qu'elle soupçonne, pour quelque raison que ce soit, d'être un immigré clandestin.
La loi, qui devrait entrer en vigueur fin juillet ou début août, permettra de poursuivre toute agence gouvernementale gênant l'application des lois sur l'immigration, et rend illégal le fait d'embaucher des clandestins à la journée ou de les transporter.
"Ca va changer nos vies", soupire Emilio Almodovar, 13 ans, petit citoyen américain habitant Phoenix. "Nous ne pourrons plus aller à pied à l'école. Nous ne pourrons plus mettre le nez dans la rue, même les cochons penseront que nous sommes des immigrés clandestins".
Le Fonds mexicain-américain pour la protection juridique et l'éducation envisage contester la loi en justice, au motif qu'elle "enclenche en Arizona une spirale de peur, de méfiance, d'augmentation du crime, avec des répercussions au niveau national.
"Cela légalise l'arrestation et la détention de gens qui pourraient être des immigrés sans-papiers, simplement sur la base de leur apparence physique", a déploré Angela Kelley, vice-présidente chargée des migrations au Centre pour le progrès, qui milite pour une vaste réforme des lois sur l'immigration.
Les réactions se sont multipliées également au sud de l'Arizona. Le Mexique, jugeant que la loi risque d'affecter les relations transfrontalières, avait exhorté jeudi la gouverneure à y opposer son veto. En pure perte. Pour le vice-président guatémaltèque Rafael Estrada, c'est un "pas en arrière pour ces migrants qui ont combattu" pour leurs droits.
"La police de l'Arizona traite déjà les migrants pire que des animaux. Il y a déjà la chasse aux migrants, et maintenant, ça va être saison ouverte avec la bénédiction de la loi", déplore Francisco Loureiro, militant qui gère un centre d'accueil pour migrants dans la ville-frontière de Nogales, au Mexique.
D'ici l'entrée en vigueur, les policiers vont suivre une formation pour la faire respecter sans violer les droits civiques, a ajouté la gouverneure: "Nous devons faire appliquer la loi uniformément, sans prendre en compte la couleur de la peau, l'accent ou le statut social. Nous devons prouver aux alarmistes et aux cyniques qu'ils ont tort".
Confrontée à une difficile bataille pour sa réélection dans cet Etat conservateur, Mme Brewer doit faire face à la colère croissante des habitants de l'Arizona envers l'immigration clandestine.
Ce sentiment a encore pris de l'ampleur après la découverte du cadavre d'un éleveur, Rob Krentz, retrouvé mort sur ses terres près de la frontière. La police pense qu'il a été abattu par un clandestin peut-être lié à un cartel de la drogue.
Les manifestations et critiques ne déstabilisent pas Russell Pearce, l'élu local auteur de la proposition de loi et chef de file des anti-clandestins d'Utah. Selon lui, les nouvelles dispositions enlèveront les "menottes politiques" qui empêchaient la police d'agir. "Illégal, c'est illégal", dit-il. "Nous aurons moins de criminalité. Nous aurons moins d'impôts. Nous aurons des quartiers plus sûrs. Nous aurons moins de files d'attente aux urgences. Nous aurons moins de monde dans les classes d'école". AP
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