vendredi 21 janvier 2011

Aide aux réfugiés: Caritas attaque l'Etat en justice

L’Etat veut confier à l’Hospice général l’aide sociale aux réfugiés reconnus. Caritas fait recours.

«Mépris», «abus de pouvoir», «incompréhension totale». Les mots des membres de Caritas Genève étaient fort, hier matin, pour dénoncer la décision prise par le Département de la solidarité et de l’emploi (DSE).

L’association a été informée à la mi-décembre par le dicastère de François Longchamp que son mandat d’accompagnement et d’aide sociale des réfugiés statutaires (dont la demande a été acceptée) allait être repris par l’Hospice général dès le 1er juillet. L’Etat est dans son droit, mais l’association recourt sur la forme. Dans l’espoir de garder son mandat mais surtout parce que la décision a été prise sans la concerter.

Fin d’une aide sur mesure

«Les autorités nous ont remis ce mandat en 2001 pour des raisons historiques: nous avons toujours aidé les réfugiés. On ne peut pas effacer notre expertise d’un trait de plume», s’indigne Dominique Froidevaux, directeur de Caritas Genève. Actuellement, l’Hospice général prend en charge les demandeurs d’asile. Une fois que leur demande est acceptée, les réfugiés sont encadrés par Caritas. Cinq ans après le dépôt de leur demande, ils obtiennent un permis B. S’ils en ont besoin, les réfugiés peuvent alors bénéficier de l’aide sociale de l’Hospice.

«Nous cherchons à éviter ce ping-pong, résume Vito Angelillo, directeur en charge des politiques d’insertion au DSE. Par souci d’efficacité, de simplicité et de cohérence, nous souhaitons regrouper tous ces mandats sous le même toit.» Caritas s’insurge. «Cet argument fait fi de notre travail. Notre but est justement d’aider les réfugiés à s’intégrer et donc à sortir de l’aide sociale», soulève Olivia Le Fort, juriste de Caritas. Et Dominique Froidevaux d’ajouter: «L’Hospice s’occupe de l’accueil d’urgence, il se doit d’avoir une activité standardisée. L’aide sociale vise l’autonomisation des personnes. Elle n’est efficace que si l’on offre un service sur mesure.»

Vito Angelillo rejette cet argument: «C’est un peu nombriliste de penser que Caritas est le seul acteur du social genevois à pouvoir bien faire ce travail.»

Un vice de forme?

Reste que douze employés de Caritas travaillent en partie pour son «pôle réfugiés». En perdant son mandat, l’association perd l’enveloppe fédérale qui paie leurs salaires et pourrait devoir licencier.

Caritas ne peut pas recourir sur le fond et conteste uniquement la forme. L’association regrette de ne pas avoir été ni informée ni concertée. «Notre contrat de prestation a été retiré sans qu’on nous donne le droit d’être entendu. Le droit public l’interdit», précise François Membrez, président de l’association.

«Nous ne considérons pas la convention comme une convention de droit social. Notre devoir était de respecter un délai de six mois en cas de retrait du mandat, nous l’avons fait. Tous les services de l’Etat impliqués étant d’accord, nous n’avons pas jugé nécessaire d’avertir Caritas avant ce délai», justifie Vito Angelillo.

Caritas a donc déposé un recours pour vice de forme le 13 janvier. Une motion d’urgence a également été déposée au Grand Conseil le 18 janvier. La justice tranchera.

Laure Gabus dans la Tribune de Genève

Vers une « smart border » aux portes de l’Europe ?

Depuis le début de l’année, ont été révélées au grand public les intentions de la Grèce de construire un « mur » entre elle et la Turquie afin de contrôler l’immigration clandestine venue de bien au-delà de la Sublime Porte : d’Asie, du Moyen-Orient, voire d’Afrique. Malgré le scepticisme de l’Union Européenne, le gouvernement Papoutsis persiste.

west bank wall

Le West Bank Wall, entre Palestine et Israël

Il est intéressant de relever que cette frontière ne va mesurer que 12,5 km dans la région de Thrace. En d’autres termes, elle ne va que marginalement servir à freiner un flux d’émigrants clandestins qui aurait augmenté de 375% pour cette année. Il s’agit donc d’une frontière symbolique, une séparation imaginaire entre deux pays, disait-on à l’école.

Mais alors à quoi sert une frontière imaginaire au temps du terrorisme international et des migrations contrôlées ? A cela justement : à contrôler, et non pas à endiguer un phénomène de clandestinisation d’un certain type de main-d’œuvre. On ne bloque pas grand-chose avec ce type de frontière : on gère un flux d’informations dans un espace déterminé et restreint à travers des relais situés à l’intérieur des territoires symboliquement séparés. Le mur aurait dû mesurer plus de 150 km de long sur trois mètres de haut pour être « efficace ». Sans compter les Iles…

La Grèce s'inspire du grillage doté de caméras et détecteurs délimitant les enclaves espagnoles au Maroc

C’est ici qu’émerge la « smart border » : la frontière intelligente qui identifie les composantes de flux migratoires dans leurs mouvements grâce aux TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) et autres moyens biométriques de saisie des identités et de leur encodage. Un porte-parole de la police grecque, Thanassis Kokkalakis, souligne que la Grèce s'inspire en fait du grillage doté de caméras et détecteurs délimitant les enclaves espagnoles au Maroc. Mais où vont aller les informations ainsi recueillies ? Elles vont nourrir les fichiers de polices et de douanes en fonction des directives de contrôle des territoires et ce,  bien au-delà des frontières, jusqu’à la classification de nouvelles identités numérisées des individus. Comment sont analysées ces nouvelles identités ? Qui les analyse ?

En temps de lutte anti-terroriste et de crise sociale, il faut mobiliser les imaginaires: l’exceptionnalité transnationale héritée du Patriot Act en a besoin pour signifier son existence et légitimer ses dispositifs de contrôle. Se renforce ainsi une normativité de l’état d’exception en territoire européen. En avons-nous besoin ?

Les  technologies nécessaires pour réaliser la « smart border » gecquo-turque (puis européenne ?) constitueront également les pièces maîtresses d’un nouveau marché porteur. Cogent, Motorola, Biometric Group… ces entreprises, pour ne citer qu’elles, sont peut être déjà en lice, au moment même ou la Grèce doit faire face à un plan de restructuration drastique du FMI.

Il s’agit de se pourvoir de la sorte en instruments fiables de gestion des flux et de réorganisation des identités numérisées. Mais rien n’y fera : il y aura toujours des travailleurs clandestins qui passeront les frontières. Non sans que des espaces nouveaux de criminalité s’y développent. Tout comme y sont mobilisées des forces de sécurité, voire militaires, de plus en plus importantes. On observe une situation semblable à la frontière américano-mexicaine : une frontière intérieure s’y institue sur le mode de l’intervention policière, de la patrouille et du quadrillage territorial dans la profondeur. Les populations locales y seront rassurées. Les réseaux maffieux y imposent des systèmes de coopération de part et d’autre, jusqu’aux missions communes sous un unique commandement. D’autres frontières, plus classiques et anciennes, tomberont de la sorte. Celles de l’Etat-nation ?

La construction de la « smart border » européenne sera donc à suivre de près. On peut faire l’hypothèse que cela ne freinera pas l’existence que le clandestin occupe dans nos économies. La vidéo-surveillance ou la vidéoprotection, les mesures biométriques enregistreront des passages, une tentative après l’autre : un succès de franchissement, une arrestation suivie d’emprisonnement puis un retour forcé de l’autre côté, puis une clandestinisation criminalisée. Rien qu’un flux à rétroaction somme toute moderne à l’ère de la mondialisation et des réseaux. Un terrain d’innovation également dans la gestion des identités numérisées et criminalisées. L’Europe doute face au mur ? Nous aussi.

Gabriel Peries dans les Echos

La vie suspendue

Reza B.. Condamné à mort en Iran pour avoir bu de l’alcool, cet exilé pourrait y être expulsé par la France, qui vient de lui refuser l’asile.

«Trois fois, j’ai rêvé de mon exécution. Je l’imagine mais je ne sais pas comment ça se passe, je n’ai jamais vu de pendaison.» Pour l’instant, Reza B. est vivant. Provisoirement, puisque l’Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ont rejeté sa demande d’asile. A tout moment, cet Iranien condamné à mort dans son pays peut se voir délivrer une obligation de quitter le territoire français.

A quoi ça ressemble une sentence de mort ? Celle de Reza B. est rédigée en persan. Marie Dosé, son avocate, l’a fait traduire en français. Le jugement rendu «au nom de Dieu» condamne le jeune homme «à une punition corporelle (80 coups de fouet)» et «à la peine capitale». Le mode d’exécution n’est pas précisé. C’est la pendaison.

A quoi ça ressemble un condamné à mort ? Reza B. n’a pas bonne mine. Il fait plus que ses 29 ans. Pour le reste, il n’est ni beau, ni laid, le cheveu très noir lissé vers l’arrière, un visage poupin, de l’embonpoint, un pull à col roulé sous une veste de style vaguement militaire.

Comment ça vit un condamné à mort ? Depuis que les ayatollahs veulent lui faire la peau, Reza B. a peur. Tout le temps. De tout et de tout le monde. Peur que sa famille restée en Iran subisse des mesures de rétorsion. Afin de la protéger, il refuse de communiquer son vrai nom - Reza B. est un pseudo -, sa date de naissance et la nature réelle de son activité professionnelle en Iran. Peur désormais, d’être expulsé de France et exécuté.

Reza B. est issu d’une riche et influente famille iranienne. Son père est un gros entrepreneur. Lui-même était son propre patron. A part le bac, ce jeune homme n’a aucun diplôme. Il a interrompu ses études supérieures entamées en Canada et poursuivies en Iran à cause de «l’ampleur» que prenaient ses «occupations professionnelles». La famille B. n’est pas religieuse, ni politisée. Reza B. n’a jamais voté. A été exempté du service militaire à cause de sa vue. «En Iran, j’avais une très belle vie», répète-t-il. Baignade dans la mer Caspienne, ski, foot, projections privées sur son home cinéma de films américains interdits dans les salles, soirées arrosées avec des amis. «L’alcool, comme les films américains sont interdits, mais c’est très facile de s’en procurer», dit-il.

Le 6 novembre 2004, Reza B. est arrêté sur la voie publique, avec son cousin, en possession d’une canette de whisky. Verdict : 80 coups de fouet et une forte amende. Le 14 juillet 2006, il fête, avec une trentaine d’invités, l’anniversaire de sa femme, au domicile de son père, absent. «A l’époque, nous avions des rapports très difficiles avec un voisin très religieux», racontera-t-il lors de son audition par l’Ofpra. Ce dernier appelle les flics. «Ils ont arrêté toutes les personnes présentes car non seulement nous consommions de l’alcool, mais des hommes et des femmes étaient dans la même pièce, et les femmes n’étaient pas voilées», raconte-t-il encore. Verdict : 80 coups de fouet pour les 25 personnes qui avaient bu, dont Reza B. et son épouse. Et une amende.

Dernier épisode, le 23 octobre 2008. Alors qu’il rentre en voiture de la fête d’anniversaire de son père, Reza B. est contrôlé par la police. «Ils ont trouvé une bouteille de whisky.» La loi iranienne est sans appel. L’article 179 du code de procédure islamique prévoit que «celui qui a subi à plusieurs reprises le châtiment réservé aux buveurs de boissons alcoolisées sera condamné à mort pour la troisième récidive».

A priori, Reza B. n’est pas stupide. Après avoir été condamné deux fois pour consommation d’alcool, et reçu 160 coups de fouet, pourquoi a-t-il récidivé ? «Près de deux ans s’étaient écoulés entre chaque interpellation, je ne savais pas ce que je risquais», assure-t-il. Son avocate a une autre explication : peut-être ce gosse de riches se croyait intouchable.

Reza B. n’a pas attendu le verdict. Il s’est d’abord caché avec sa femme dans le nord de l’Iran. Puis a décidé de fuir. Après avoir versé 50 000 dollars à un passeur, il débarque le 3 juin 2009 à Paris, avec son épouse, tous deux munis de faux papiers. Dès leur arrivée à l’aéroport, les B. demandent l’asile. La procédure administrative s’enclenche. Jusqu’au refus, il y a quelques jours, de la CNDA.

«Ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique devant la Cour ne permett[ent] de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées», tranche cette dernière dans son arrêt. A l’AFP, le porte-parole de la Cour déclare que les documents présentés n’apportent pas «une garantie d’authenticité suffisante». Est-ce à dire qu’ils sont faux ? La CNDA ne le dit pas, et ne le démontre pas. En tout état de cause, le doute ne doit-il pas profiter à Reza B. ? Faut-il le renvoyer en Iran pour vérifier si sa condamnation à mort est réelle ou non ?

Depuis son arrivée en France, en 2009, Reza B. végète. En tant que demandeur d’asile, il n’avait pas le droit de travailler. Il a d’abord été hébergé à l’hôtel, puis dans un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile. «On vivait dans 10 m2», se scandalise-t-il. Après que la CNDA l’a débouté, il a été prié de déguerpir. A perdu le droit aux 10,67 euros par jour de l’allocation temporaire d’attente. Certains soirs, il a dû appeler le 115, le numéro vert national pour les sans-abri.

Sur ses conditions de vie actuelles, Reza B. est discret. Il est hébergé par un ami. Sa famille lui aurait envoyé un peu d’argent. Avec difficultés car elle est sous étroite surveillance policière depuis sa fuite.

Dans une autre vie, Reza B. parcourait le monde. Il a étudié au Canada. S’est également rendu, pour affaires, en Allemagne et aux Pays-Bas. «Si j’avais voulu, j’aurais eu sans difficultés un visa pour la France», assure-t-il. Quelque temps avant ses «problèmes», il avait entamé des démarches pour s’établir en Australie afin de pouvoir commercer plus facilement qu’en Iran.

Aujourd’hui, Reza B. n’a plus d’horizon. Son avocate va déposer un ultime recours devant le Conseil d’Etat, mais celui-ci ne jugera que sur la forme, pas sur le fond. Elle va également solliciter des ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur, et de la préfecture de police de Paris, la délivrance d’une carte de séjour à titre «humanitaire». Si Reza B. est régularisé, il envisage de rester en France. «Je voudrais me rendre utile, faire du business.» Il sait qu’il a peu de chances de revoir son pays. Sauf si le régime politique change. Ou s’il y est expulsé.

Catherine Coroller dans Libération

L'ONU alerte sur le renvoi d'Ivoiriens

Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a appelé aujourd'hui les gouvernements du monde entier à stopper les renvois de demandeurs d'asile vers la Côte d'Ivoire en raison de l'instabilité politique qui frappe le pays.

"Nous publions aujourd'hui une prise de position concernant les retours pour les gouvernements dans le monde les exhortant à (...) suspendre tous les renvois vers la Côte d'Ivoire, dans l'attente d'une amélioration de la sécurité et de la situation des droits de l'homme", a expliqué un porte-parole du HCR lors d'un point de presse, André Mahecic.

M. Mahecic a souligné que jusqu'à présent seules la Suisse et l'Allemagne avaient officiellement arrêté ces expulsions dont le nombre récent n'était pas connu du HCR. Cet appel fait office de recommandation.

La Côte d'Ivoire traverse une grave crise politique depuis les élections présidentielles du 28 novembre, où le président sortant Laurent Gbagbo dispute la victoire à son rival Alassane Ouattara, soutenu par la quasi-totalité de la communauté internationale. Quelque 30.000 Ivoiriens ont fui les violences au Liberia voisin tandis que 340 ont été enregistrés en Guinée. Les deux pays se sont engagés à accorder le statut de réfugiés à ces personnes, a encore indiqué le porte-parole du HCR.

AFP

Le renvoi de demandeurs d'asile en Grèce condamné à Strasbourg

Le Secrétaire d'Etat Melchior Wathelet prend acte de la décision de la Cour Européenne des Droit de l'Homme qui interdit à la Belgique le transfert d'un demandeur d'asile vers la Grèce, estimant que les droits du demandeur d'asile ne peuvent pas être respectés dans cet Etat.

Dans un arrêt rendu ce 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l'Homme a sanctionné la Belgique en matière d'asile, dans le cadre d'un dossier de renvoi d'un demandeur d'asile afghan vers la Grèce.  
Les transferts de demandeurs d'asile vers d'autres États européens se réalisent en vertu du règlement international de Dublin fixant des critères permettant de déterminer l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile. 15% des demandes d'asile introduites en Belgique sont concernées par ce règlement. Un de ses principaux critères est celui du premier pays d'entrée dans l'Union européenne. Il aboutit à ce qu'un demandeur d'asile afghan qui introduit une demande d'asile en Belgique, mais qui est entré dans le territoire de l'Union européenne par la Grèce, est renvoyé de Belgique vers la Grèce.

Pourtant, selon plusieurs organisations, la Grèce ne respecte pas les standards minimum de qualité des procédures d'asile. Son système d'accueil des demandeurs d'asile  a été mis sur la sellette à de nombreuses reprises. L'insalubrité des centres d'accueil a été dénoncée, de même que les mauvais traitements infligés aux demandeurs d'asile et le risque de renvoi vers des pays où ils risquent des persécutions, soulignent le CIRÉ, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Jesuit Refugee Service Belgium, Caritas International, Amnesty International Belgique et ECRE dans un communiqué. Ces organisations se réjouissent d'ailleurs de l'attitude prise par la Cour. Elles réclamaient depuis de longs mois une modification dans la pratique belge, soulignent-elles.

Manquements grecs avérés
La Cour européenne des droits de l'Homme leur a donné raison, considérant notamment que les manquements de la Grèce étaient avérés et que la Belgique manquait violait la Convention européenne des droits de l'Homme en renvoyant des demandeurs d'asile afghans vers la Grèce. La Belgique est le premier État européen à être condamné par la Cour dans cette matière pour des transferts vers la Grèce, précisent les organisations.

Le Secrétaire d'État Melchior Wathelet (cdH) dit de son côté avoir pris acte de la décision de la Cour et confirme sa décision prise le 20 octobre 2010, à la demande de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de suspendre tous les transferts vers la Grèce. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège et l'Allemagne, ont entre autres pris la même décision.

Le Secrétaire d'Etat appelle la Grèce à mettre en oeuvre au plus vite un système d'asile permettant de répondre à ses obligations internationales. "La Grèce met en effet en péril la confiance nécessaire entre les Etats membres à la création d'un système d'asile commun", souligne encore le communiqué du Secrétaire d'Etat cdH.

RTBF

Interdire les visages masqués serait superflu

Interdire le port de vêtements couvrant tout ou partie du visage n'est pas nécessaire en Suisse. Fort de cet avis, la commission des institutions politiques du Conseil des Etats rejette par 8 voix contre 2 une initiative du canton d'Argovie. Pour la commission, le droit en vigueur est suffisant. vêtements religieux

Les cantons ayant décrété des interdictions de ce type ont des difficultés à les faire appliquer lors de grandes manifestations, constate la commission. Etendre cette mesure au niveau national ne résoudrait pas le problème, ont indiqué vendredi les services du Parlement. L'initiative argovienne veut bannir le port de vêtement couvrant l'intégralité ou une grande partie du visage. L'interdiction s'appliquerait à toute forme de dissimulation du visage, les vêtements d'hiver et les masques de carnaval faisant exception.

Voile

C'est moins la nécessité de s'attaquer à certains fauteurs de troubles que la volonté de lutter contre le port de voiles religieux qui a motivé les promoteurs de l'initiative, constate par ailleurs la commission. Or le port de ce type de vêtements pour des raisons religieuses ne pose pas de véritable problème. La commission doute dès lors du caractère proportionnel de la mesure. Non seulement le phénomène en question a rarement été observé en Suisse, mais une interdiction pourrait frapper certains touristes, ce qui aurait des conséquences négatives pour ce secteur économique.

Sécurité

La minorité de la commission veut pour sa part donner suite à l'initiative, estimant que sa mise en oeuvre permettrait de renforcer la sécurité du pays. Sur ce point également, la majorité considère qu'il n'y a pas de risque réel. La législation actuelle permet déjà d'exiger qu'une personne se trouvant dans un lieu public découvre son visage pour pouvoir être identifiée, en particulier lors de contrôles aux frontières. Elle permet aussi d'interdire de se couvrir le visage à des personnes qui s'adressent aux autorités ou fréquentent une école publique.

ATS relayé par la RSR

«Le musulman est tolérant ou n’est pas»

Le principal guide spirituel de l’islam sunnite, le grand imam de l’Université Al-Azhar du Caire Ahmed al-Tayyeb, s’exprime sur les événements tunisiens, le suicide, la coexistence entre christianisme et islam ainsi que la présence musulmane en Europe. Entretien exclusif.

ahmed al-tayyeb

Ahmed al-Tayyeb est considéré comme un homme modéré. Mais le 44e grand imam de l’Université Al-Azhar, principale référence de l’islam sunnite dont le siège est au Caire, sait aussi hausser le ton. Jeudi, par communiqué, il annonçait le gel d’un dialogue bisannuel avec le Vatican en geste de protestation contre les propos du pape Benoît XVI qui s’était inquiété, en début d’année, du sort des chrétiens d’Orient suite aux attentats visant cette communauté en Irak et en Egypte. Il emboîte ainsi le pas au gouvernement égyptien qui avait déjà rappelé son ambassadeur au Vatican pour signifier sa mauvaise humeur face à ce qu’il considère comme une ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures.

Nommé en mars dernier par le président Hosni Moubarak pour reprendre la direction d’une institution plus que millénaire, Ahmed al-Tayyeb représente l’un des piliers du pouvoir avec la tâche difficile de promouvoir l’islam tout en neutralisant ses courants plus radicaux comme celui des Frères musulmans. Très respecté en Egypte, sa crédibilité est contestée par certains du fait de sa proximité avec le pouvoir. Agé de 64 ans, il a étudié en France et connaît bien l’Europe.

Le grand imam Ahmed al-Tayyeb nous a reçu dans la grande salle d’audience de l’Université Al-Azhar pour un entretien exclusif en début de semaine. Là, sous le portrait tutélaire du président égyptien, de nombreuses personnes patientent pour aborder le grand cheikh. Trois conseillers intervenant dans la traduction et des sollicitations incessantes ne nous ont permis, dans un premier temps, de ne poser que deux questions en plus d’une heure. Affable, le grand imam nous a fixé un second rendez-vous le lendemain matin pour terminer l’entretien.
Le Temps: Lundi et mardi, trois personnes se sont immolées, dont deux devant le parlement. Comment expliquer ce geste? Est-ce une protestation traditionnelle dans l’islam puisqu’il y a aussi des cas en Tunisie, en Algérie et en Mauritanie ces jours-ci?
Ahmed al-Tayyeb:
On ne peut pas faire de parallèle entre l’Egypte et la Tunisie car les situations sont très différentes. En Tunisie, le peuple a été occidentalisé, coupé de sa culture et de son identité arabe et musulmane. Ce n’est pas le cas en Egypte. Par exemple, la règle de l’héritage tel que décrit par la charia et le Coran, et qui fait l’objet d’un consensus chez les musulmans, a été déformée (en Tunisie). Il en va de même avec l’interdiction du voile dans les rues et les lieux publics. Ainsi l’Université Zitouna – qui avait une place éminente dans l’histoire de l’islam – a été piétinée par le régime tunisien. L’état des libertés ne correspondait pas aux attentes du peuple tunisien. Les médias évoquent beaucoup la corruption et la concentration des richesses nationales au profit d’une élite. La loi de l’histoire veut que, dans ces circonstances, le peuple se soulève pour obtenir des améliorations.
L’Egypte est très différente. Nous n’avons pas vécu cette occidentalisation et une telle remise en cause de notre civilisation. Al-Azhar continue de jouer son rôle et transmet son message sur la charia islamique. C’est intouchable. Nous n’avons pas interdit le voile. Beaucoup de femmes préfèrent rester dévoilées et ce n’est pas un problème. Al-Azhar émet ses conseils et l’Etat n’intervient pas sur leur tenue vestimentaire. C’est libre. L’Etat est à nos côtés pour diffuser l’islam correct, la culture islamique modérée et les règles de la charia comme la miséricorde et l’aide au peuple. Il y a bien sûr des différences de classes et de niveau de vie. Comme partout. En Egypte, c’est le résultat de quatre guerres – entre 1948 et 1973 – et d’une très forte croissance démographique. Mais, ici, tout le monde sait que le gouvernement travaille jour et nuit pour vaincre ces problèmes.
Voilà pourquoi la comparaison faite par quelques-uns entre ce qui s’est passé en Tunisie et la situation de l’Egypte est vide de tout sens. Je ne peux pas juger du cas de l’immolation à Tunis, il y a des circonstances psychologiques qui ont peut-être poussé cette personne à cet état de fragilité mentale. Mais je peux dire que l’islam interdit absolument qu’un homme ayant sa raison utilise le suicide pour exprimer sa colère. Cette mode de l’immolation chez les jeunes, l’islam l’interdit complètement.
– Les coptes ont été l’objet d’attaques, dont un attentat sanglant à Alexandrie (22 morts et 90 blessés) et une tuerie dans un train (un mort et cinq blessés) quelques jours plus tard. Cela révèle-t-il une tension grandissante entre chrétiens et musulmans?
– Ce qui s’est passé à Alexandrie est un crime planifié à l’étranger mais exécuté en Egypte. C’est un comportement complètement étranger à la nature du peuple égyptien, copte ou musulman. L’histoire de l’Egypte n’a jamais connu d’affrontements armés entre les coptes et les musulmans depuis l’arrivée de l’islam jusqu’à nos jours. C’est donc un acte terroriste du type qui a visé par le passé des musulmans égyptiens ou frappé des touristes étrangers comme à Louxor.
Peut-on dire que ces actes relèvent d’un conflit islamo-chrétien? En toute logique, non. Alors pourquoi décrire l’attentat d’Alexandrie comme un conflit entre l’islam et le christianisme? (on tend un téléphone portable à l’imam). C’est le ministre de l’Education nationale. Il m’annonce qu’il a résolu le problème de la mutation d’un enseignant copte qui s’y opposait. Sa mère m’a sollicité pour empêcher ce transfert et je suis intervenu. C’est réglé.
Pour l’attaque dans le train en Haute Egypte, l’auteur – dont on dit qu’il était malade ou mal traité – est aux mains de la justice et il sera puni comme il se doit. Hier [dimanche], l’auteur d’une autre attaque contre des coptes et des musulmans a été condamné à mort. Prenez l’exemple de cet Américain qui a tué plusieurs personnes et blessé une députée. Peut-on parler de tuerie ou faut-il, selon vous, qualifier cela de fitna, de conflit religieux?
Ce que je veux dire, c’est que ces actes, lorsqu’ils se produisent hors du monde musulman, ne suscitent pas trop d’interrogations, on passe vite dessus. Mais quand c’est dans un pays musulman, on l’interprète aussitôt comme un conflit religieux. On cherche à diviser les peuples, à créer l’inquiétude et la tension. Je ne sais pas ce que l’Occident a à gagner avec ces accusations incessantes et qui commencent, malheureusement, je suis désolé de le constater, à ériger un mur de méfiance réciproque entre l’Occident et l’Orient. Je crains que cela puisse renforcer, en réaction, une certaine haine chez les musulmans.
– Al-Azhar représente un courant modéré de l’islam sunnite. On constate toutefois une influence grandissante du chiisme porté par la révolution iranienne, du wahha­bisme de l’Arabie saoudite, du salafisme ou des Frères musulmans en Egypte, autant de courants conservateurs, puristes, voire extrémistes. Face à cette concurrence, comment pouvez-vous garantir la défense d’un islam moderne et ouvert? Face à leur lecture très littérale du Coran, ne faut-il pas développer une interprétation des textes ancrée dans l’histoire pour repenser un islam qui vive avec son temps?
– Je ne veux pas nommer des personnes, ni des doctrines. De façon générale, toute l’histoire de l’islam a été traversée de courants conservateurs et de fermeture qui ont tenté d’imposer leurs points de vue. Mais la doctrine moyenne, modérée, de l’islam, a presque toujours prévalu pour défendre la tolérance. Ce qui se passe aujourd’hui, ressemble à ces vagues du passé. Mais le grand public s’intéresse aux grandes références originelles et correctes de l’islam. Et la référence, c’est Al-Azhar, l’université qui défend depuis plus de mille ans une lecture du Coran modéré. Le musulman est tolérant et modéré ou n’est pas.
Concernant la lecture historique du Coran, c’est une question curieuse née en Occident qui ne correspond pas du tout à la vision des spécialistes du Coran dans le monde musulman. Al-Azhar, qui a une vision moderniste mais se réfère toujours aux sources, ne peut se reconnaître dans l’appel à une lecture historique. Elle n’a pas de sens pour l’islam. Elle ne peut s’accorder à l’esprit du Coran. Le Coran est un texte divin, absolu, valable pour tous les temps et tous les lieux. C’est ce qu’on appelle le miracle inimitable du Coran.
A mon tour, je vous pose la question: comment pouvez-vous accepter en Occident des organisations religieuses qui affirment que les montagnes peuvent disparaître? Les Evangiles ou le texte de la Bible sont intangibles et intouchables. Mais vous nous posez la question de la stabilité du Coran à travers les siècles et les lieux. Cela m’amène à vous poser cette autre question: l’Occident accepte en ce moment même la colonisation et le meurtre de peuples au nom de slogans et de textes religieux. On reconnaît l’existence de ces pays et on accepte leurs politiques. Vous ne voulez pas mettre leurs textes dans un contexte historique ni stopper les gens qui fondent leur pays sur ces textes. Il y a des Etats qui fondent leur existence sur des textes religieux, sur des mythes considérés comme source de légitimité.
– Voudriez-vous parler d’Israël?
– Je vous laisse tirer votre conclusion.
– La présence de l’islam en Europe est de plus en plus importante. Que dites-vous à vos coreligionnaires qui doivent s’adapter à un cadre laïc?
– J’ai suffisamment vécu en Europe pour comprendre la situation. J’ai toujours pu préserver ma croyance et mon identité islamique dans la plupart des domaines de la vie publique. Mais je me retirais en certaines occasions, lorsqu’elles ne s’accordaient pas avec les règles de ma charia islamique. A l’inverse, les Français respectaient bien mes positions et m’ont accordé le droit d’être musulman. Les vives tensions actuelles entre musulmans et pays laïcs en Occident, liées à l’intransigeance de quelques-uns, ne sont pas un problème d’intégration. Cette dureté touche l’Occident comme l’Orient. On s’en plaint aussi ici. Je comprends l’inquiétude de l’Occident envers le comportement provocateur d’une minorité de quelques musulmans. Mais si l’on applique bien le principe de liberté, au sens occidental, aux citoyens musulmans tout en conservant un dialogue avec Al-Azhar, alors on trouvera un large terrain pour la coexistence pacifique entre les musulmans et leurs pays de résidence en Occident.
– Il y a une réaction à la présence de l’islam en Europe qui s’est notamment traduite par l’interdiction des minarets en Suisse. Avez-vous un commentaire sur ce vote? Le fait que le rejet de l’islam est un thème de plus en plus porteur dans les droites populistes européennes vous inquiète-t-il?
– La question des minarets n’est pas fondamentale. La question importante est celle de la liberté religieuse que l’Occident prétend toujours vouloir défendre et pratiquer. Cette liberté, en Occident, prend les couleurs de l’arc-en-ciel: elle change, elle se diversifie. Quand on parle de l’islam, des femmes musulmanes ou des lieux de prière de l’islam, la couleur est différente de celle appliquée aux autres religions. Je prétends que notre civilisation islamique a toujours été plus raisonnable, plus large d’esprit et a mieux garanti la liberté des autres que la civilisation occidentale. Voyez par exemple les églises dans les pays musulmans, dont les clochers s’élèvent haut dans le ciel. Jusqu’à ce jour, il n’y a aucune autorité ou aucune règle dans le Coran qui limite la hauteur des clochers ou des minarets. Les meilleurs exemples en sont les cieux égyptiens. Quant à l’extrême droite européenne, ce n’est pas mon problème mais celui de la nature de la civilisation occidentale qui tantôt se durcit, tantôt s’assouplit sans que l’on sache pourquoi.
– Que faites-vous de l’interdiction de construire des églises en Arabie saoudite par exemple?
– Dans le monde arabe, il est tout à fait incorrect de dire que les églises ou leur construction sont interdites, limitées ou conditionnées. Il suffit de se promener au Caire pour s’en convaincre. Il y a même des églises à côté des mosquées. Pour l’Arabie saoudite, je vous renvoie la question: est-ce que l’on me permet, à moi musulman, d’aller bâtir une mosquée à l’intérieur du Vatican?

Frédéric Koller dans le Temps