Le centre d'accueil des demandeurs d'asile de Chantenay-Saint-Imbert vit au rythme des soixante-cinq personnes qu'il abrite. Tous attendent, fébrilement, une réponse de la France sur leurs cas. Une autre notion de temps. Un article signé Laure Brunet dans le Journal du Centre.
«Merci, ma'me Anne. » L'homme en suvêtement violet, courtaud et mâchoire carrée, quitte le bureau. Vite. Il s'exprime dans un français approximatif, mais compréhensible. Il traverse le hall de l'immeuble dans lequel six poussettes sont alignées sous les boîtes aux lettres. "Ma'me Anne", c'est Anne Petitbois, chef de service au Cada, le centre d'accueil des demandeurs d'asile de Chantenay-Saint-Imbert.
L'énorme bâtisse à la sortie du village abrite, dans quinze logements, soixante-cinq personnes. En sursis. Pour l'instant, tous sont dans la légalité. « On essaye de recréer une atmosphère conviviale. C'est pour cela qu'on s'appelle tous par nos prénoms. On se tutoie aussi ». L'escalier est majestueux. Il mène à un premier couloir. Un sol en lino bleu. Quelques chaussures devant les portes. Au bout du couloir, le ronron d'une machine à laver. Une femme va chercher son linge, enfin propre. Allure fantomatique. Je la salue. Elle baisse les yeux. « Elle a été très traumatisée par la guerre » justifie Anne Petitbois, « son mari s'en sort un peu mieux ».
La journée des femmes est rythmée par celle des enfants et du foyer qu'elles tentent de faire vivre : aller à pied à l'école, faire à manger, s'occuper du linge. « C'est vrai, pour les hommes, c'est parfois plus difficile ». Les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de travailler. Et, apprendre le français n'est pas obligatoire. Aussi, pour les aider à "tuer" le temps, l'équipe de cinq professionnels du Cada propose des animations, des sorties, des ateliers. Comme celui suivi par Manvel.
Arrivé en novembre dernier, ce solide russe de 24 ans, s'accroche aux cours de français donnés par Galina, une intervenante sociale qui possède l'énorme avantage de parler le russe. Le petit garçon de Manvel, est né ici, fin novembre. À l'hôpital de Moulins, plus proche que celui de Nevers. Je tente quelques questions. Anne et Galina m'aident. « La vie, ici, comment ? » Il faut réadapter son vocabulaire. « Normale » réussit-il à dire.
Comme beaucoup d'autres, il n'ose pas penser à demain. Pour Elvira, Rom du Kosovo, une chose est sûre : elle n'imagine pas repartir dans son pays. Avec sa famille, elle a été parquée dans un camp. Une première fois au Kosovo, puis au Montenegro. Aujourd'hui, elle qui ne sait ni lire ni écrire, envisage un avenir pour ses enfants. Gana a 5 ans. Il est à l'école maternelle. Son frère, Ergan, 3 ans, devrait la rejoindre en septembre. Anne essaye de la ramener à la réalité. « Mais si c'est négatif, pas rester ici ». "Positif", "négatif". C'est comme cela, qu'au centre, on parle des réponses données par l'Ofpra (*) ou par la cour nationale du droit d'asile.
En 2009, le délai d'instruction des dossiers a été, en moyenne, de 883 jours. Deux ans et demi. Un long délai, qui s'allonge encore plus aujourd'hui. Qui frôle les trois ans. Un morceau de vie. « L'Ofpra refuse quasi systématiquement » explique Anne Petitbois. « Je suis ici depuis seize ans, j'ai connu à peine dix cas acceptés tout de suite ». Après l'Ofpra, reste donc le recours juridique : la cour nationale du droit d'asile, plus clémente. Elle doit répondre à une question : les demandeurs d'asile entrent-ils dans le cadre de la Convention de Genève ? Après avoir défendu leur cause, les familles sont fixées sur leur sort trois semaines après l'audience.
« Trois semaines insupportables. Les insomnies reviennent. Ils revivent l'enfer qu'ils ont traversé ». Et qui les attend peut-être encore.
(*) Ofpra : office français des réfugiés et apatrides.
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