mardi 30 novembre 2010

Le HCR interpelle la Suisse

Suite aux votations de dimanche, le porte-parole du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés a demandé mardi à la Suisse de ne pas remettre en cause "le principe fondamental de non-refoulement".

Le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a lancé mardi publiquement un appel à la Suisse de ne pas remettre en cause le principe de non-refoulement, après la votation sur le renvoi des étrangers criminels. Le non- refoulement est un principe fondamental du droit international, a affirmé un porte-parole.  «Le HCR demande aujourd’hui au gouvernement suisse de garantir que le principe de non-refoulement ne soit pas remis en question par le débat en cours sur les expulsions sur les criminels étrangers», a déclaré à la presse à Genève le porte-parole du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, Adrian Edwards.

Le principe de non-refoulement est un principe fondamental du droit international, a expliqué le porte-parole. «Il existe afin de garantir qu’aucun réfugié ou requérant d’asile ne soit renvoyé dans un pays où il encourt de sérieux risques, comme la persécution, la torture et un traitement inhumain ou dégradant», a-t-il ajouté.

Pour qu’un système d’asile soit effectif, les cas doivent être examinés individuellement. Des garanties légales doivent être prévues pour éviter des renvois forcés dans des pays comportant des risques, a poursuivi le porte-parole du HCR.  «Tout automatisme à cet égard serait en désaccord avec les règles fondamentales de l’état de droit», a averti Adrian Edwards. La Suisse a ratifié la Convention de 1951 sur les réfugiés et doit pleinement la respecter, a rappelé le HCR. L’agence de l’ONU avait déjà exprimé sa préoccupation lundi après l’acceptation de l’initiative dimanche.

ATS et 24 Heures

"Je donne une voix à la peur"

alexander segertAlexander Segert est le communicateur de l’UDC. Cet Allemand de Zurich s’explique sur ses méthodes et ses convictions au lendemain d’une nouvelle victoire.

Alexander Segert, au lendemain de cette victoire, quel regard portez-vous sur la campagne?

Le plus surprenant a été de voir nos adversaires incapables de mettre en place une communication pour le contre-projet. Certains élus du PLR et le Conseil fédéral se sont exprimés dans les médias, mais c’était brouillon. Ils ne savaient pas vraiment ce qu’ils voulaient dire. Avec l’UDC, on sait toujours ce qu’elle va dire.

Comment fait-on pour arriver au message, au slogan qui fait gagner?

Que voulez-vous vraiment dire? C’est la question essentielle. Avec le client, j’échange des idées et des propositions jusqu’à ce qu’il parvienne à définir précisément le but qu’il poursuit, la position qu’il va adopter et le message qu’il veut communiquer. C’est comme une orange qu’on presse jusqu’à la dernière goutte: la quintessence de l’orange. C’est souvent beaucoup d’effort.

Vous avez conçu deux campagnes: une pour le oui à l’initiative, l’autre pour le non au contre-projet?

Dans la rue, la plupart des gens jettent un regard sur une affiche pendant une fraction de seconde, puis ils passent à la suivante. Si vous proposez une affiche qui dit «Oui – Non» cela ne fonctionne pas. Il faut être clair.

Vous revendiquez la méthode du KISS, soit le «keep it simple and stupid» (reste simple et stupide)…

… C’est une bonne formule, et j’aimerais l’avoir trouvée. Mais le «S» ne signifie pas toujours stupide, cela peut-être smart ou short !

Mais peut-on réduire la politique à «simple et stupide»?

Je ne fais pas de la politique mais de la pub. Et les gens doivent pouvoir comprendre. Un enfant de 12 ans comme une grand-maman. C’est d’ailleurs elle qui va voter. La force des campagnes de l’UDC est de s’adresser à des gens à qui les autres partis ne savent plus parler.

segert affiches udcA force de raccourcis, vos affiches sont perçues comme racistes…

Nos adversaires disent cela: c’est le jeu politique. En conscience, nous lançons une campagne qui va susciter un débat. Et que font nos contradicteurs? Au lieu de développer de bonnes idées, une meilleure affiche, ils font la morale. «Cela ne se fait pas!» «C’est interdit!» En politique, on ne gagne pas avec des interdits mais avec les meilleurs arguments.

Comprenez-vous que des gens se sentent discriminés par vos affiches?

Oui. Car nous n’avons pas de tabous. Le fait est que l’UDC met en lumière des thèmes que les autres ne veulent pas toucher. Parce qu’ils sont douloureux: les étrangers criminels, l’islam radical ou les abuseurs des assurances sociales. Mais je ne fais pas de la discrimination, je donne simplement une voix à la peur, je la rends compréhensible.

N’est-ce pas exacerber les peurs?

Nous les rendons simplement visibles. On nous a dit que les minarets n’étaient pas un problème. Une majorité de Suisses ont voté et exprimé le contraire. Si la peur n’était pas là, enfouie, nous n’aurions pas pu gagner. Et nous n’avons pas pu la créer en six semaines de campagne. Notre devoir est de lui donner une forme et un visage. C’est ce que nous avons fait avec les moutons noirs et Ivan S. «Oui, c’est ça le problème», disent les gens.

Où se situe la frontière du «politiquement correct»?

La frontière c’est la loi, qu’il faut respecter, et l’insuccès. Je ne ferais jamais rien si je ne suis pas persuadé que je vais gagner.

Pas de tabous?

Non. Le succès et la loi sont les seules limites .

Le style visuel de vos affiches est, historiquement, connoté propagande nazie. Sans scrupule?

Je ne m’occupe pas du passé. Je m’intéresse aux problèmes d’aujourd’hui et je leur donne une forme. De toute façon, dans le langage de la pub et de la communication, tout a déjà été fait par le passé. Ce genre de critiques est aussi une manière d’interdire la parole. Cela fait partie du jeu politique, mais il ne faut pas se laisser déstabiliser.

Qu’est-ce qui vous fait aimer la communication politique?

C’est la plus intéressante. Le commercial vend du rêve, un monde imaginaire: une montre ou une automobile… En politique, il faut se concentrer sur des problèmes réels: la criminalité, la fiscalité. C’est du concret. Le challenge est aussi d’arriver à intéresser l’homme de la rue à quelque chose qu’il n’aime pas: la politique. Et le convaincre de prendre position, ce qu’il déteste faire, puis d’aller voter. Une campagne dure six semaines, et le dimanche de votation, on connaît tout de suite le résultat. Gagné ou perdu. La campagne était bonne ou mauvaise. C’est brutal, mais excitant.

Le style Segert, c’est la provocation? segert citations

C’est toujours le client qui définit le message. La provocation doit être utilisée à bon escient. Quand il y a un tabou, un problème que personne ne veut voir. Quand les médias et tous les autres partis sont contre nous, nous devons donc frapper fort pour nous faire entendre de la population.

Vos campagnes ont modifié la communication politique en Suisse!

La pub n’est que le messager. C’est l’UDC qui a fait le premier pas. Ce parti s’est imposé en s’emparant de thèmes dont les autres ne voulaient pas. Seul, il a eu le courage d’en parler et de camper sur ses positions même quand toute la classe politique le critiquait. Autrefois, le PS a eu du courage. Aujourd’hui, il recommence à en avoir avec la thématique fiscale. La force, le courage de ses convictions et la volonté de les défendre: c’est ce qu’il manque aux partis du centre. Je le constate quand je travaille avec des élus bourgeois, non UDC, dans des comités interpartis. Ils sont souvent d’accord avec un message, mais ce sont eux qui proposent de le nuancer sous prétexte que «ça ne se dit pas…»

Etes-vous toujours d’accord avec les idées de l’UDC?

Oui, la plupart du temps. Mais en premier lieu, ce sont les thèmes qui m’intéressent. Comment vais-je faire pour créer le débat et imposer les idées. Puis il faut avoir envie de gagner, car l’intensité est grande. L’engagement personnel est donc indispensable.

Vous ne pourriez donc pas travailler pour le PS?

Si. Et cela m’intéresserait de travailler sur des thématiques du PS ou des Verts. Mais je me pose la question: mon engagement personnel et ma motivation seraient-ils suffisants pour que je donne le meilleur et les fasse gagner?

Xavier Alonso (textes) Florian Cella (photos) dans 24 Heures


a segert commentaire

Il veut lancer une initiative pour autoriser à nouveau les minarets

nicolas blancho minaretsLe Conseil central islamique veut abolir l’interdiction des minarets. Mais il va se retrouver seul.

Cela faisait plusieurs mois qu’on n’en avait plus entendu parler. Hier, le controversé Conseil central islamique suisse (CCIS) est sorti du bois pour présenter à Zurich son dernier cheval de bataille: abolir l’interdiction des minarets. Un an jour pour jour après la votation qui a recueilli 57,5% des voix, l’organisation veut faire revoter le peuple. Elle lancera une initiative populaire en janvier.

Le texte prévoit de rayer l’alinéa 3 de l’article 72 de la Constitution fédérale, qui stipule que la construction de minarets est interdite. «Il est discriminatoire et donne une image négative de la Suisse, explique Abdel Azziz Quaasim Illi, membre du conseil. Nous voulons l’abolir sans attendre qu’une institution étrangère, comme la Cour européenne de Strasbourg, casse la décision populaire. Il faut donner aux Suisses la possibilité de corriger leur vote réalisé sous le coup de l’émotion.»

Il se donne jusqu’à fin décembre pour créer un comité composé de plusieurs acteurs politiques, religieux ou culturels. «Le texte devra être déposé à la Chancellerie pour les vérifications d’usage en janvier 2011», précise le porte-parole.

Le CCIS promet de se retirer ensuite du devant de la scène pour faire place au débat. «Je suis conscient de notre image, analyse Nicolas Blancho. Or, cette initiative doit être portée par le plus grand nombre.» Mais le président de l’organisation qui compte 1700 membres – sur 400 000 musulmans en Suisse – n’a pas pour autant collaboré avec d’autres organisations musulmanes. «Nous ne voulions pas qu’il y ait des fuites dans la presse, c’est pourquoi nous avons préparé l’initiative en secret. Mais des contacts ont été pris avec des partis qui ont condamné l’interdiction l’an passé.» Lesquels? Mystère. Il refuse de donner des noms.

«C’est de la provocation!»

Et pour cause. Après vérification, personne n’est au courant du projet! Ni les musulmans, ni les juifs, ni les chrétiens et encore moins les principaux partis politiques. Mieux: tous se montrent sceptiques face à une démarche «inopportune». «On dirait qu’ils lancent une initiative sans réflexion préalable, déplore Hisham Maizar, président de la plus grande fédération d’organisations islamiques de Suisse. Un an après la votation sur les minarets et au lendemain d’un autre scrutin sur les étrangers, le moment est mal choisi. L’idée est peut-être légitime, mais elle ressemble à du populisme.» Un avis partagé par Ueli Leuenberger, président des Verts, qui estime, en plus, que la proposition vient de «gens excentriques qui n’hésitent pas à soutenir la lapidation». Christophe Darbellay, président du PDC, préfère «respecter la décision prise par la population il y a un an». «Attendons de voir si les recours aboutissent à Strasbourg», abonde Kurt Fluri, conseiller national (PLR/SO).

«Les membres du CCIS ne sont pas crédibles, poursuit Christian Levrat, président du Parti socialiste. Cela ressemble à un coup marketing.» Spécialiste des questions musulmanes, le sociologue Stéphane Lathion résume: «C’est de la provocation. D’un côté, il y a le Conseil central islamique, de l’autre l’UDC!»

Dans ce parti justement, on se frotte déjà les mains de recevoir un si joli cadeau pour Noël et à quelques mois des élections fédérales. «C’est bien que ces gens-là prennent la voie démocratique, conclut le Valaisan Oskar Freysinger. On va pouvoir débattre!»

Nadine Haltiner, Zürich, pour 24 Heures

Renvoi d'étrangers: 600 personnes dans les rues de Lausanne

Quelque 600 personnes ont défilé mardi à Lausanne contre la discrimination qu'implique l'initiative UDC acceptée dimanche. A Fribourg, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées au centre ville pour le même motif.

KEYSTONE

© KEYSTONE | Dimanche déjà, des manifestants ont défilé à Lausanne.

600 personnes ont défilé mardi à Lausanne contre le renvoi des étrangers. Les étrangers ne sont pas responsables de la crise, ils ne doivent pas être pris comme bouc émissaire, souligne le Mouvement de lutte contre le racisme (MLCR). Celui-ci avait organisé la manifestation lausannoise.

Partis de la place St-François vers 17h40, les participants ont longuement défilé dans les rues de la ville malgré le froid glacial. S'arrêtant devant le Service de la population, ils ont hué la politique cantonale concernant les étrangers. "Barrons la route au racisme", "mêmes droits pour tous" proclamaient notamment banderolles et pancartes.

"Les étrangers ne sont responsables ni de la criminalité, ni du chômage, ni de la pénurie de logements, ni de la baisse des retraites. Ils n'ont pas à payer de leur dignité et de leurs droits les crises que nous traversons", s'insurge le MLCR. "Nous devons leur montrer notre solidarité".

La manifestation était soutenue par plusieurs collectifs de défense de l'asile, des communautés étrangères, des syndicats, solidaritéS, les Verts et la Gauche anticapitaliste. Une première manifestation à l'appel du MLCR, le 6 novembre, avait réuni 500 personnes.

ATS relayé par la Tribune de Genève