par Jacques Barrot
dans la CroixLe démantèlement de la « jungle » de Calais a une nouvelle fois mis en lumière le défi majeur des migrations et de l’asile en Europe, qui s’accompagne de tant de détresses individuelles et de difficultés pour les États membres confrontés à des flux qui ne cessent de s’amplifier.
Au-delà d’une opération qui relève de la responsabilité de la France et qui paraît s’être accomplie dans le respect de la dignité des migrants, nous devons répondre à une situation qui paraît inextricable depuis la fermeture du camp de Sangatte, il y a maintenant sept ans. Il faut être très clair. L’afflux massif de migrants dans la région de Calais n’est pas un problème franco-français. Il n’est pas uniquement un problème franco-britannique. Il s’agit d’un problème européen, auquel doivent répondre des solutions européennes.
Toute action à Calais n’aura donc d’efficacité que si elle s’insère dans une stratégie européenne cohérente, harmonisée et solidaire entre les États membres de l’Union. Cette stratégie, je l’ai proposée aux États membres depuis le mois de juin 2008. Elle a été consacrée par le Pacte européen pour l’immigration et l’asile signé par les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept durant la présidence française de l’Union européenne. Elle actionne (outre l’immigration régulière, qui n’est pas ici l’objet de mon propos) trois principaux leviers : l’asile, la lutte contre l’immigration irrégulière, le partenariat avec les pays d’origine et de transit des migrants.
Développer un esprit de solidarité
En ce qui concerne l’asile, je me bats pour que les États membres acceptent un alignement des conditions d’accueil, des procédures et du statut des réfugiés, afin de limiter au maximum l’errance en Europe des demandeurs d’asile, qui fait le jeu des passeurs. Je souhaite aussi que ma proposition de révision du règlement de Dublin puisse aboutir rapidement. Elle permettrait des accords entre des États membres pour une répartition plus équilibrée des demandeurs d’asile.
Cela éviterait l’asphyxie de certains États riverains de la Méditerranée, vers qui sont actuellement renvoyés comme premier pays d’accueil les demandeurs, alors que ces pays sont déjà submergés par les flux migratoires ! Cela éviterait aussi des abcès de fixation, comme à la frontière franco-britannique.
C’est aussi pour développer cet esprit de solidarité entre les États membres que nous avons lancé avant l’été le projet pilote de réinstallation intra-européenne des réfugiés présents à Malte. La France a donné l’exemple, en accueillant près de 100 réfugiés et en les faisant bénéficier d’un programme d’intégration exemplaire. Enfin, j’espère que dès 2010 le nouveau bureau d’appui européen sur l’asile, que j’ai proposé, pourra apporter son soutien aux États membres confrontés à des situations de crise.
Le chacun pour soi n’est plus une option
Tout en étant fidèle à son devoir d’asile, l’Union européenne doit dans le même temps unir ses efforts pour combattre l’immigration irrégulière. Cela nécessite une action déterminée et coordonnée contre les réseaux de passeurs transfrontaliers, qui exploitent de manière indigne les migrants.
C’est pourquoi j’ai proposé comme une priorité dans le futur programme de Stockholm, qui structurera pour les cinq ans à venir l’espace européen de justice, de liberté et de sécurité, le renforcement de la coopération policière pour démanteler ces réseaux criminels. Il est également indispensable d’améliorer la surveillance des frontières européennes, avec une montée en puissance opérationnelle et financière de notre agence Frontex. Je prépare des propositions en ce sens pour l’année prochaine.
Enfin, l’Union européenne doit mettre tout son poids dans la balance pour négocier des partenariats étroits avec les pays d’origine et de transit des migrants. Si les États membres ne sont pas capables de s’accorder sur les propositions équilibrées faites par la Commission, qui recueillent un large soutien du Parlement européen, il est à craindre que les pénibles événements de Calais ne se reproduisent sans fin, malgré tous les efforts déployés par le monde associatif et les autorités publiques.
Le chacun pour soi n’est plus une option. Les solutions nationales pour maîtriser et organiser les flux migratoires sont insuffisantes face à l’ampleur du problème, qui est un des défis majeurs du XXIe siècle. Seule l’Europe unie et solidaire peut faire face et montrer l’exemple au monde.
Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, responsable pour la justice, la liberté, la sécurité