Les enfants de requérants d'asile déboutés peuvent normalement terminer leur année scolaire avant leur renvoi. Mais l'accord de Dublin est venu changer la donne. Un article de Laura Drompt dans le Courrier.
Mardi, une famille résidant au foyer d'accueil pour requérants d'asile à Anières a été expulsée vers la Bulgarie. La veille des promotions, au petit matin, les forces de l'ordre sont venues chercher les parents et leurs deux enfants afin de les escorter jusqu'à l'aéroport.
Les deux jeunes étant mineurs et scolarisés dans le primaire à Genève, ils auraient dû avoir le droit de parader mercredi avec leurs camarades. Car il existe un accord entre le Département de l'instruction publique (DIP) et l'Office cantonal de la population (OCP) prévoyant d'attendre la fin de l'année scolaire avant d'expulser des enfants.
Cette mesure permet aux écoliers de terminer sereinement leurs travaux, et de se préparer le mieux possible à leur renvoi. «Nous essayons d'appliquer les décisions d'expulsion avec le plus d'humanité possible. On attend les vacances, si possible celles d'été avant de renvoyer les enfants. Cela leur permet de parvenir à un certain aboutissement, et l'événement est moins marquant que s'ils arrêtent l'école en milieu de parcours», explique Jean-Luc Boesiger, directeur ad intérim au Service de la scolarité de l'enseignement primaire. Et même de cette façon, un renvoi peut représenter un déchirement traumatisant pour l'enfant qui s'en va, comme pour ses camarades.
Or plusieurs exceptions ont été notées à la suite de la mise en application de l'accord de Dublin. Depuis décembre 2008, les requérants d'asile peuvent être reconduits vers le premier pays signataire où ils sont arrivés. Mais les délais sont extrêmement courts. L'accord de Dublin n'est applicable que durant les dix-huit mois suivant l'arrivée des migrants. Passé ce laps de temps, il devient beaucoup plus difficile pour les autorités de les refouler. Dans ce cadre, la question des enfants en cours de scolarisation ne se pose pas, selon Bernard Ducrest, chef du service des étrangers et confédérés (SEC). «Pour un 'renvoi Dublin' il est exclu d'attendre la fin de l'année. Les délais à respecter sont beaucoup trop courts.» Au point que la machine administrative n'est pas parvenue à accorder une journée de plus pour permettre à deux écoliers de se rendre à la remise des diplômes.
Des expulsions appelées à se répéter
Exit, donc, la bonne intention de rendre les expulsions «plus humaines» pour les jeunes enfants? «Non», insiste Jean-Luc Boesiger. «Quelques cas liés aux accords de Dublin n'ont pas permis de respecter cet usage, mais la règle restera d'attendre la fin des cours. Pour cela, nous collaborons étroitement entre le DIP, l'OCP et le Département de la sécurité.»
Bernard Ducrest, lui, est moins catégorique. «La fin d'un cycle, cela compte beaucoup pour nous. Mais, dans le cas d'un élève de 1e primaire par exemple, attendre la fin de l'année n'est pas un but en soi.»
Cette façon de penser n'est toutefois pas du goût de tous. Diverses associations se sont dites indignées face à la situation de la famille qui résidait à Anières. A l'exemple d'Olivier Baud, président de la Société pédagogique genevoise: «Nous sommes choqués que des enfants aient été renvoyés de la sorte, juste avant leurs promotions. Tout le monde est en émoi.»
Et pourtant, si l'on en croit le SEC, l'expulsion de familles avec des mineurs avant la fin de l'année scolaire sera appelée à se répéter. Mais Bernard Ducrest tient à préciser que cela devrait se faire uniquement dans le cadre des accords de Dublin. «Dans une autre procédure de demande d'asile, les enfants pourront aller aux promotions.»