L’ouverture d’un cantonnement militaire provoque moins de résistances qu’à Gland.
Lundi soir lors d’une séance publique d’information à Orbe, l’ouverture d’un abri provisoire pour requérants d’asile a, une fois de plus, cristallisé les sentiments, parfois contradictoires, des résidents face à l’arrivé de migrants dans leur bourg. Les craintes: «Pouvez-vous nous garantir que nous serons en sécurité? Qu’allez-vous faire contre les dealers et le trafic de drogue?» La solidarité: «les requérants ne sont pas des bêtes sauvages et le centre n’est pas une prison».
L’arrivée des requérants est inéluctable, car les communes n’ont que «la liberté d’accepter» l’injonction du canton, selon le raccourci parlant de Pierre Mercier, municipal de la localité du Nord vaudois. Et le canton a «le devoir d’exécuter la volonté de la Confédération», a renchéri Philippe Leuba, conseiller d’Etat libéral responsable du dossier. Tout en réclamant des procédures plus rapides de la part de l’Office fédéral des migrations pour éviter la surcharge actuelle.
Structures débordées
Dès le 17 octobre prochain un cantonnement militaire va donc héberger 50 hommes célibataires déboutés, en attente d’être expulsé ou en cours de procédure. «Pas un de plus», a promis le chef du Département de l’intérieur. Ces hommes seront originaires en majorité de Tunisie, Erythrée, Nigeria, Afghanistan et Somalie.
Afin d’expliquer et apaiser sans «occulter les risques», les autorités cantonales avaient donné rendez-vous à la population d’Orbe, 6100 habitants. Plus de deux cents personnes ont répondu à l’invitation et rempli la salle du casino.
Selon un canevas bien rodé, les représentants de l’Etablissement vaudois pour l’accueil des migrants (EVAM) ont souligné la pénurie de places d’accueil face à une affluence soutenue depuis une année au moins. La Suisse a vu frapper à ses frontières en un an 18 000 demandeurs d’asile, dont 8,4% sont attribués au canton de Vaud. Les services cantonaux doivent traiter 20 à 30 nouveaux cas chaque semaine. Depuis début 2011, le nombre de requérants hébergés a passé de 4300 à plus de 4500. Du coup, l’EVAM est contraint de trouver un toit, des activités et des travaux d’utilité publique pour un nombre grandissant de personnes.
Acculé, l’Etablissement a recouru à des abris de la protection civile, «la plus mauvaise des solutions». Quatre nouveaux centres ont été ouverts depuis 2008. Deux sur La Côte et deux autres dans la région lausannoise. Avec la fermeture prévue de celui de Nyon, le 31 janvier prochain, «il faudra en dénicher deux supplémentaires», a annoncé Pierre Imhof. Cependant, le directeur de l’EVAM a précisé d’emblée que «ce ne sont pas les hôtes de Nyon qui seront transférés à Orbe».
Bien entendu, «le mieux serait de disposer de logements permanents». Il est cependant difficile de trouver communes et parcelles disponibles. Malgré les difficultés, «des projets sont en discussion» a indiqué encore Pierre Imhof. En attendant, on envisage également des Portakabin au lieu des abris PC.
Philippe Leuba, de son côté, a beaucoup insisté sur la nécessité de se partager «le fardeau». Le canton, a expliqué l’élu, «veille à une répartition équitable des migrants sur tout le territoire». La loi permet d’ailleurs au gouvernement d’imposer son choix aux communes. «Nous sommes punis», s’est exclamé en retour un urbigène excédé. «Non», a rétorqué le magistrat, «nous devons faire preuve de solidarité».
Séance «plus sereine»
L’hébergement des requérants ne doit pas faire face seulement à la pénuries de lieux, mais aussi aux réticences plus ou moins prononcées des riverains. Le canton cherche d’ailleurs à en réduire la portée en privilégiant des petites structures «plus supportables». Vaud, en même temps «expulse plus que les autres cantons les demandeurs coupables d’infractions pénales», a répété Philippe Leuba, en guise de statistique rassurante.
A Gland, néanmoins, la contestation avait été virulente. Une séance d’information similaire s’était transformée au mois de mai en un affrontement sans issue entre habitants échaudés et autorités.
Lundi soir, la confrontation a été «plus sereine», s’est félicité au terme de deux heures de questions Pierre Mercier. L’hostilité a été moins marquée. Une attitude plus compatissante s’est fait entendre. «Mon fils est sorti grandi de cinq mois de service civil à l’EVAM», a témoigné un père de famille. La présence, depuis longtemps, d’appartements abritant quelques dizaines de requérants d’asile, dont des familles, a certainement contribué à estomper les passions.
Le Temps