Le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) refuse de porter le chapeau pour les demandes d’asile irakiennes restées en rade à l’Office fédéral des migrations. Contrairement aux allégations de Berne, le HCR ne s’est pas engagé à garantir la protection des Irakiens réfugiés en Syrie et en Egypte. «Il n’y a pas eu d’accord de cette sorte», affirme Susin Park, responsable du HCR en Suisse.
Le 31 août dernier, la ministre Simonetta Sommaruga annonçait que 7000 à 10 000 demandes d’asile déposées entre 2006 et 2008 aux ambassades de Syrie et d’Egypte n’avaient pas été traitées. La conseillère fédérale affirmait toutefois que les personnes concernées avaient obtenu la protection du HCR sur place et qu’elles n’avaient pas été mises en danger. Plusieurs acteurs du dossier à l’époque, dont l’ancien ministre Christoph Blocher, évoquaient aussi l’existence d’un accord entre le HCR et des pays européens.
Aujourd’hui, l’excuse se dégonfle. Certes, le HCR a encouragé les ambassades à lui adresser les réfugiés, afin de les enregistrer et de combler leurs besoins les plus urgents. Mais à aucun moment il ne s’est engagé à garantir leur protection. «Seuls les Etats sont en mesure de donner ces garanties», souligne Susin Park. En conséquence, «la procédure à l’ambassade restait régie par les lois suisses». La loi sur l’asile permet en l’occurrence aux requérants de déposer une demande auprès d’une ambassade. Les Chambres fédérales débattront prochainement de la suppression de cette possibilité.
La Syrie a accueilli environ 1,5 million de réfugiés pendant la guerre en Irak. Face à cet afflux, le HCR a lancé en 2007 un appel aux pays industrialisés pour leur demander d’accueillir 20 000 réfugiés. Mais le Conseil fédéral de l’époque n’a pas voulu d’un contingent de 500 personnes.
Tant à droite qu’à gauche, cette affaire provoque de l’irritation voire de l’indignation parmi les élus. «C’est inacceptable venant d’un pays qui a une telle tradition humanitaire», lance le conseiller national Hugues Hiltpold (plr/GE). Andreas Gross (ps/ZH) y voit quant à lui «un scandale de plus» dans la série des dysfonctionnements du Conseil fédéral sous l’ère Blocher. L’argument d’un accord avec le HCR est «une excuse irresponsable», estime le socialiste. «Le HCR peut soutenir des Etats, mais il ne peut pas se substituer à eux». Le fait que cet accord, selon toute vraisemblance, n’existait pas, montre que «les autorités sous-estiment la gravité du problème.»
«La communication de crise des autorités fédérales n’est pas bonne, estime pour sa part Yvan Perrin (udc/NE). Quand on ment, il faut que ce qu’on dit ne puisse pas être démenti. Ce principe n’est apparemment pas acquis à Berne». Sur le fond, le conseiller national juge «très discutable» la mise au placard des demandes d’asile irakiennes. «Si les ambassades croulaient à ce point sous les demandes, on aurait pu envoyer des renforts.»
Michaël Rodriguez dans le Courrier