mercredi 28 septembre 2005

Pas de permis C après 10 ans en Suisse



Voici la séquence du TJ soir consacrée à la session du parlement.

Volonté de fermeté au Conseil National à la radio

Le National a repris à son compte la plupart des conditions sévères fixées par le Conseil des Etats pour réglementer le séjour et l'établissement des migrants, en particulier ceux venant de pays hors Union européenne. Le camp rose-vert, avec l'appui ponctuel de certains bourgeois, s'est battu en vain contre ce tour de vis.

Voici la séquence du journal de midi sur la Première, qui revient en détail sur les débats de ce matin. En particulier avec l'appel désespéré de Ueli Leuenberger en faveur des sans-papiers.

Même après dix ans de séjour et de travail sans interruption en Suisse, les étrangers n'obtiendront plus de permis C automatiquement !
Intervention d'Yvan Perrin, conseiller national UDC Neuchâtelois, précédée des explications de Mehmet Gultas

La réaction des syndicats à la loi sur les étrangers

Lire le communiqué des syndicats

Extraits:
...La loi sur les étrangers est une gifle à l’ensemble des
ressortissant (e)s d’États tiers qui vivent et travaillent en
Suisse. Juridiquement, leur position devient moins bonne que celle
des migrant(e)s en provenance de l’Union européenne (UE),
indépendamment du temps qu’ils ont vécu dans notre pays. Pareil
désavantage ne va pas encourager leur intégration.

On a raté une occasion au sujet d’une loi à réélaborer après 70
années. La Commission USS des migrations propose à l’USS de lutter
contre cette révision en saisissant le référendum.

L'intégration des étrangers, un défi pour les Eglises en Suisse

L'agence de presse catholique APIC communique ce résumé des travaux de la journée de travail de l'association migratio (émanation de la conférence des évêques Suisse) consacrée à "L'intégration des étrangers, un défi pour les Eglises en Suisse".
migratio est l'organe de conseil de la Conférence des évêques suisses pour les migrants. Il vise à favoriser la participation des étrangers à la vie religieuse et sociale en Suisse. migratio soutient la pastorale spécifique dispensée aux fidèles de langue étrangère par des prêtres et des laïcs de leur lieu d'origine et aide à établir une communauté ecclésiale composée d'autochtones et de fidèles de langue étrangère.

Extraits:
...La Suisse est multiculturelle, plus d'un tiers des élèves dans les classes sont d'origine étrangère et 34% du million et demi d'étrangers vivant en Suisse appartiennent à des confessions et religions autres que les Eglises nationales", relève-t-il. En fait, avec les personnes naturalisées et ayant la double nationalité, un tiers de la population helvétique est d'origine étrangère...
... Relevant qu'il n'y a pas d'intégration sans correction des inégalités - qui existent aussi dans la population suisse, tient-il à préciser – il relève que la moitié des élèves dans les classes spéciales sont des étrangers de la deuxième génération et que le chômage est en moyenne trois fois plus élevé au sein de la population migrante que parmi la population suisse. Antonio da Cunha estime qu'en matière d'intégration des étrangers, les Eglises ont un rôle majeur à jouer...

Asile: la Suisse plus stricte que l'Europe




Chef de l'unité chargée du dossier helvétique au HCR, Hans Lunshof s'inquiète de la révision du droit d'asile en Suisse et de son durcissement.

Lire son interview sur Swissinfo

Le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) souligne en effet que certaines dispositions examinées par le parlement suisse figurent parmi les plus sévères d'Europe.

Loi sur les étrangers plus dure

Même après dix ans en Suisse, les étrangers n'auront pas forcément droit à obtenir un permis d'établissement de longue durée. Comme déjà les jours précédents avec le droit d'asile, le Conseil national a durci le ton dans la loi sur les étrangers.

Le National a repris à son compte la plupart des conditions sévères fixées par le Conseil des Etats pour réglementer le séjour et l'établissement des migrants, en particulier ceux venant de pays hors Union européenne. Le camp rose-vert, avec l'appui ponctuel de certains bourgeois, s'est battu en vain contre ce tour de vis.

Par 95 voix contre 84, la Chambre du peuple a finalement supprimé l'octroi automatique d'une autorisation d'établissement aux étrangers vivant depuis au moins dix ans en Suisse. La droite a voulu s'assurer ainsi qu'aucune autorisation ne sera délivrée sans examen préalable approfondi de la part des autorités cantonales.

Lire la dépêche de l'ATS et celle de l'agence AP

Réaction de l'OSAR


Le porte-parole de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) se dit affligé par les décisions du Conseil national sur l'asile.
Lire les propos de Yann Golay porte parole accordés à La Liberté

Le mardi noir de l'asile

En première page du Courrier, Didier Estoppey consacre son éditorial à la révision de la loi sur l'asile:
lls ont osé. En dépit des protestations et des mises en garde émanant de tout ce que le pays compte d'organisations actives auprès des réfugiés, nos élus viennent de mettre la dernière main à toute une série de durcissements du droit d'asile.
Le Conseil national s'est ainsi rallié, sur pratiquement tous les points, aux décisions prises en mars dernier par le Conseil des Etats, avec Christoph Blocher dans le rôle du souffleur. Seule exception notoire: l'aide minimale d'urgence, coupée par les sénateurs aux requérants déboutés, a été maintenue par le National. Une mansuétude sans surprise après un verdict sans appel du Tribunal fédéral, survenu au lendemain du vote aux Etats.
Pour le reste, c'est la politique du pire qui sera désormais réservée à celles et ceux qui auront l'audace de continuer à venir chercher asile en Suisse. Plus d'entrée en matière sans passeport dûment estampillé. Plus d'aide sociale aux déboutés (comme c'est d'ores et déjà le cas pour les requérants frappés de non-entrée en matière). Pas d'admission humanitaire non plus pour les refusés de l'asile dont le renvoi se révèle non exigible. Et pour couronner le tout, des durées de détention portées à deux ans en vue du renvoi. Sans parler de périmètres d'exclusion qui pourront être prononcés contre tous les étrangers ne respectant pas une décision de renvoi. Qui avait, déjà, parlé de libre circulation?
Les débats au National ont montré à quel point ces durcissements se nourrissent de mensonges et d'ignorance. L'écologiste genevois Ueli Leuenberger a ainsi rappelé que, il n'y a pas si longtemps, l'Office fédéral des réfugiés multipliait les refus d'asile pour les requérants se présentant avec un passeport, au motif que le fait d'en posséder un prouvait qu'ils n'étaient pas persécutés... On a aussi entendu l'UDC argovien Luzi Stamm prétendre que l'ensemble des requérants frappés de non-entrée en matière sont partis depuis que l'aide sociale leur a été retirée. Alors que plusieurs rapports de monitoring prouvent le contraire.
Il y a pire: le fait que nos plus hautes autorités soient désormais prêtes, en toute connaissance de cause, à violer les engagements internationaux pris par la Suisse, comme l'a rappelé hier le Haut-Commissariat aux réfugiés. Des violations qui trouvent leur pendant dans la procédure imposée aux Chambres par Christoph Blocher, comme dans le climat dictatorial qui sévit désormais au Parlement. Un élu préférant ne pas être cité, dénonçant un «complot entre UDC, radicaux et PDC», nous confiait hier que les voix discordantes ont été vivement enjointes à ne pas se faire entendre au sein du groupe radical...
Ceux qui veulent continuer à croire à un minimum de dignité préparent d'ores et déjà activement le référendum. Avec la crainte de courir à l'échec devant le peuple. Mais face à tant d'ignominie, il est impossible de ne pas se battre. Même si le chemin pour remonter à la lumière sera plus long que celui suivi par ce pays et sa prétendue tradition humanitaire dans leur descente aux enfers.

Le parlement s'assied sur le droit international

Chantal Savioz titre de cette manière ses commentaires parus dans la Tribune de Genève:


Christoph Blocher n'en démord pas. La révision de la loi sur l'asile, telle qu'elle a été adoptée hier par le Conseil national, est en tout point conforme au droit international. Le chef de Justice et police a répété hier face au parlement que de nombreux experts juridiques avaient donné leur aval.


La révision de la loi heurte toutefois la gauche, mais aussi plusieurs organisations internationales, dont le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), qui, le premier, a réagi hier à la déision de la Chambre du peuple. «Certaines dispositions examinées sont parmi les plus sévères d'Europe.»

Le porte-parole du HCR Ron Redmond a réaffirmé les «sérieuses préoccupations», attirant l'attention sur l'actuelle chute vertigineuse des demandes d'asile. Selon d'autres juristes spécialisés dans le droit international, le nouvel arsenal législatif contrevient largement à certaines dispositions, et en particulier à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), la Convention relative au statut des réfugies (dite Convention de 1951) ainsi que la Convention internationale des droits de l'enfant.

Choquée, l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) n'a pas hésité à interroger la tradition humanitaire suisse et «une loi votée au mépris de ses engagements internationaux». Selon Yann Golay, porte-parole, cet étrillage porté à l'asile est d'autant plus grave qu'«en l'absence d'instance judiciaire compétente et face à une Cour des droits de l'homme surchargée à Strasbourg, les parlementaires suisses sont les seuls garants de la constitutionnalité d'une loi fédérale.»

Non-entrée en matière pour les personnes dépourvues de documents de voyage.

Le HCR se montre préoccupé par la mesure. L'organisation internationale a officiellement demandé hier aux autorités suisses de «s'assurer que cette disposition soit appliquée à chaque cas individuel en respectant la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés».

Ron Redmond redoute que des personnes ayant droit à une protection internationale soient exclues du domaine de l'asile en Suisse. Il cite l'exemple des réfugiés en provenance du Kosovo en 1999. «La plupart n'avaient pas de documents sur eux», a-t-il souligné. Mandaté par la Confédération, le professeur de droit bernois Walter Kälin avait lui aussi rendu une expertise allant dans le même sens en novembre 2004.

Le délai de recours de 5 jours ouvrables sans garantie d'accès à une consultation juridique indépendante.
Cette disposition, introduite dans le cadre des mesures d'allégement budgétaires est entrée en vigueur en avril 2004. Selon l'OSAR, elle porte atteinte à l'article 13 de la CEDH, qui assure un droit de recours à toute personne dont la demande d'asile est rejetée. Un délai de 10 jours ouvrables couplé à une garantie d'accès à une consultation juridique pourrait respecter l'article 13.

Nouvelle forme de détention pour insoumission aux contours flous.

L'OSAR estime que la combinaison de détention figurant dans le projet de loi posent des problèmes de conformité à l'article 5 de la CEDH, qui réserve l'incarcération à des cas précis. Un emprisonnement de deux ans pour un refus de coopérer à son renvoi, pourrait poser un problème de proportionnalité.

La transmission de données personnelles avant la clôture de la procédure d'asile.

Le HCR a pris position contre cette mesure permettant aux autorités suisses de prendre contact avec les autorités du pays d'origine pour l'organisation du renvoi. Suite à une décision de première instance, ce type de contact se révèle en total porte-à-faux avec la Convention sur les réfugiés de 1951 et pourrait se révéler dangereux pour la vie du requérant concerné et de ses proches.

L'exclusion de l'aide sociale pour tous les requérants déboutés.

Le Commissaire européen des droits de l'homme, Alvaro Gil-Robles, a rendu ce printemps un rapport invoquant l'article 3 de la CEDH. Celui-ci proscrit les peines et traitements inhumains ou dégradants. La mesure figurant dans la nouvelle loi pourrait par ailleurs frapper des mineurs, comme l'a souligné le libéral vaudois Claude Ruey, lors des débats. Cet état de fait constituerait une violation à la Convention européenne des droits de l'enfant.
Les socialistes lancent un référendum

La gauche, les Verts ainsi que les libéraux n'ont rien pu faire pour contrer le durcissement de la loi sur l'asile. Le Conseil national a suivi hier les Etats sur tous les points. Une large coalition UDC, radicale et PDC a en effet suivi la ligne dure blochérienne. Il s'agit, selon eux, de lutter contre les abus. Seule l'aide d'urgence a été repêchée in extremis. Une révision taxée d'«inhumaine, inefficace et hypocrite», par les socialistes, pour qui «un référendum apparaît incontournable».

Les conseillers nationaux sont ainsi revenus sur le concept d'admission humanitaire, permettant le regroupement familiale. Ils ont accepté en revanche le renforcement du statut d'admission provisoire. Ils se sont alignés sur les décisions des Etats concernant l'extension des non-entrées en matière aux personnes dépourvues de documents de voyage.

Dans la foulée, les conseillers nationaux ont accepté d'exclure de l'aide sociale tous les requérants déboutés. Pour clore en beauté, ils ont encore dit «oui» à l'extension de la durée d'emprisonnement en vue du refoulement.

Le camp bourgeois a largement souligné le bien fondé d'une loi restrictive, et en tout point conforme au droit international (lire ci-contre). La complexité des situations et celle de l'appareil juridique ont d'ailleurs été évoquées par le radical Philippe Müller. L'Argovien a recommandé à ses collègues de «voter à l'aveugle» le texte.

Le Vert genevois Ueli Leuenberger est quant à lui monté aux barricades, soulignant que cette énième révision engageait notre pays vers «une descente aux enfers». Quant à la présidente du Groupe socialiste, Hilde Fässler, elle a accusé radicaux et PDC de «sacrifier la tradition humanitaire».

La dernière divergence concernant l'aide d'urgence sera probablement éliminée par les Etats ce mois de décembre. La gauche, soutenue par une large coalition d'associations ainsi que les Eglises protestantes, pourra dès lors lancer son référendum. Le peuple sera sans doute appelé à voter début 2007.

Gare au référendum boomerang

C'est ainsi que Raymond Gremaud dans le Journal du Jura intitule son éditorial consacré à l'annonce d'un probable référendum par la gauche et les défenseurs de l'asile:

Le National confirme le durcissement de notre législation sur l'asile voulu par le Conseil des Etats. En témoigne la pluie de mesures de dissuasion qui s'est abattue sur le droit d'asile: exit l'admission humanitaire et l'aide sociale aux requérants déboutés, exclusion d'office de la procédure pour la plupart des requérants dépourvus de papiers d'identité, doublement de la durée maximale de détention dans le cadre des mesures de contrainte, introduction de périmètres d'assignation et d'exclusion, ajout de l'insoumission à la liste des motifs autorisant une détention, fixation d'un délai de trois ans pour le regroupement familial des requérants admis à titre provisoire. La minorité rose-verte estime le droit d'asile largement vidé de sa substance et menace la révision de référendum. A la seule notable exception de la suppression de l'aide d'urgence aux requérants déboutés, la ligne dure a triomphé. Il faut néanmoins inviter à la réflexion ceux qui songent à un référendum. Vrai, on peut s'étonner qu'au moment où les demandes d'asile atteignent leur niveau le plus bas depuis 1987, le Parlement se risque à un tour de vis qui flirte avec les limites du respect de la tradition humanitaire. Mais ce serait oublier que la majorité des élus attribue précisément la diminution des demandes d'asile infondées à la rigueur gouvernementale. Elle apprécie aussi la réduction des coûts qui en découle. Comme les personnes vraiment vulnérables ne semblent pas avoir payé le prix de cette sévérité, la majorité du Parlement a voté l'esprit serein. Dans ces conditions, lancer un référendum peut flatter l'ego de ceux qui sont vissés à de beaux principes. Mais cette perspective préoccupe ceux qui songent aux effets d'une démarche boomerang qui revient à soutenir les requérants comme la corde soutient le pendu. Un tel référendum n'offre-t-il pas une autoroute aux arguments populistes de l'UDC? Qui peut croire que les citoyens qui ont failli provoquer le succès de l'initiative UDC «contre les abus en matière d'asile» en 1992 ne songent pas encore à chasser ce qu'ils considèrent comme des abus? Il paraît pour le moins problématique, pour préserver le sort des requérants, d'en appeler à un peuple qui craint déjà le plombier polonais. L'Eglise protestante l'a bien compris. Elle ne soutient pas le référendum.