Les Etats membres de l’Espace de Schengen, dont la Suisse, ne pourront plus décider seuls de rétablir des contrôles aux frontières. La Commission européenne veut avoir son mot à dire.
La Commission européenne ne veut plus laisser aux Etats membres de l’espace Schengen, dont la Suisse, le soin de décider seuls de rétablir les contrôles à leurs frontières. Ils devront avoir le feu vert de Bruxelles lors d’événements «prévisibles» et «imprévisibles». En vertu d’un projet présenté vendredi par la Commission européenne, le champ des possibilités offertes aux gouvernements pour demander bientôt un tel retour aux contrôles sera élargi. Il inclut un événement tel qu’une vague d’immigration massive ou les défaillances d’un pays de l’Espace Schengen apparues dans la surveillance de ses frontières.
Actuellement, les 25 pays membres de l’espace Schengen, dont la Suisse, peuvent décider de rétablir temporairement les contrôles de leur propre chef en cas de menaces terroristes ou de grands événements comme un sommet de chefs d’Etat ou une compétition sportive. En introduisant un mécanisme qui de facto constitue une clause d’exclusion temporaire de Schengen, la Commission vise aussi sans les nommer des pays comme la Grèce, qui a de la peine à empêcher le passage d’immigrants clandestins via sa frontière avec la Turquie. En contrepartie, Bruxelles veut que les gouvernements ne décident plus à leur guise de rétablir les contrôles. Ils devront demander l’autorisation à la Commission et justifier en détail les requêtes. L’exécutif européen soumettrait ensuite ces demandes à l’approbation des Etats membres.
La décision serait prise par un comité au sein duquel siègent tous les pays de l’Espace Schengen, dont la Suisse, la Norvège et l’Islande, qui ne font pas partie de l’Union européenne. Mais seuls les Etats membres de l’UE auraient le droit de se prononcer sur ces demandes. Dans des «situations d’urgence», les gouvernements pourront encore rétablir les contrôles sans feu vert préalable de Bruxelles, mais pendant une période limitée à cinq jours. Passé ce délai, Bruxelles serait alors chargée d’évaluer les conditions de sécurité, éventuellement en dépêchant des enquêteurs sur le terrain.
La Suisse va examiner attentivement la proposition de la Commission et prendra ensuite position, a déclaré à l’ats Guido Balmer, porte-parole du Département fédéral de justice et police (DFJP). Sur le principe, Berne estime que la libre-circulation des personnes ne doit être limitée que dans des «situations extrêmes». M. Balmer a ainsi salué la définition de critères clairs pour justifier une telle décision. Et de rappeler que la Confédération a déjà souligné qu’à son avis la compétence de réintroduire des contrôles aux frontières doit rester du ressort des Etats membres. En mai, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga avait ainsi déclaré à Bruxelles que la Confédération n’était «pas la seule» à trouver une telle proposition inconcevable. L’objectif de la réforme est aussi de rassurer des pays comme la France. Paris avait ainsi réclamé des changements en début d’année après l’arrivée sur son sol d’immigrants fuyant les pays arabes.
Catherine Cossy dans le Temps