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mercredi 25 mars 2009
Pétition pour Fahad Khammas
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Côté anglais, le sort des migrants s'envenime
L'Angleterre cesse d'être l'Eldorado pour les clandestins. Elle verrouille de plus en plus ses accès. : Reuters
Il n'y a pas qu'à Calais que la vie est dure pour les clandestins. Ceux qui parviennent à traverser la Manche tombent dans un pays de plus en plus hostile aux illégaux.
Au bout du fil, une voix claire à l'accent mâtiné d'arabe. Taib, un ex-avocat kurde, raconte. Après avoir fui l'Irak en 2000, il s'est retrouvé sur une aire d'autoroute anglaise, débarqué d'un camion dont il ignore le trajet depuis la Turquie. Auprès de la police, il a demandé le droit d'asile, a été logé à Middlesbrough, au Nord-Est. Il y a passé quatre ans, en attendant que se précise son sort.
« On était neuf dans une maison. Je partageais une toute petite chambre avec un autre réfugié. Le gouvernement me donnait 10 £ de bons de nourriture par semaine(10,80 €). C'était très difficile. » Taib attend toujours l'autorisation officielle de rester sur le territoire.
Comme lui, ils sont encore nombreux à tenter l'aventure vers la Grande-Bretagne. Avec de moins en moins d'espoir d'y mener la vie rêvée. 28 000 réfugiés ont été arrêtés à l'entrée du territoire, en 2008, 10 000 de plus qu'en 2007. Ceux qui se faufilent quand même à travers les mailles d'un filet resserré se voient, dans 70 % des cas, refuser le droit de rester.
Trop de disparités en matière d'asile
Lu sur swissinfo
Les cas de rigueur dans le domaine de l'asile sont traités de manière très différente selon les cantons. Dans une étude publiée mardi, l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) dénonce cette inégalité de traitement et demande une harmonisation.
Depuis début 2007, les cantons ont la compétence d'examiner les cas de rigueur, mais ils en font usage de manière très hétérogène. Ainsi, alors que le canton de Vaud a obtenu des autorités fédérales l'octroi de quelque 500 permis humanitaires en 2007 et 2008, Zurich n'en a requis que 20, a indiqué Beat Meiner, secrétaire général de l'OSAR.
La pratique a tendance a être plus tolérante en Suisse romande. Toutefois certains cantons alémaniques se montrent aussi relativement ouverts, à l'image de Berne ou de St-Gall.
Ces divergences, qualifiées de «loterie» par l'OSAR, proviennent de la trop grande marge de manœuvre dont disposent les cantons pour appliquer les critères donnant droit à l'octroi d'un permis B. Les autorités doivent notamment évaluer le degré d'intégration de la personne, sa maîtrise de la langue, sa situation économique et familiale ou son respect des lois.
Pour éviter l'arbitraire, l'auteur de l'étude, le juriste Thomas Baur, propose d'instaurer un droit de recours au niveau cantonal, qui n'existe pas dans la législation actuelle, et de créer des commissions paritaires d'examen dans tous les cantons. Ces organes devraient intégrer des représentants de la société civile et des œuvres d'entraide, et pas seulement des membres des autorités.
Les décisions auraient ainsi une plus grande légitimité et les pratiques cantonales seraient harmonisées, a plaidé l'auteur de l'enquête. L'OSAR demande aussi à l'ODM de transmettre aux cantons des instructions claires et détaillées quant aux modalités de régularisation des cas de rigueur
Le Grand Conseil vaudois s'inquiète du sort de Fahad Khammas
Le Grand Conseil vaudois s'émeut du sort qui attend Fahad Khammas s'il est renvoyé en Irak.
Les députés ont adopté mardi une résolution exprimant leur «plus vive inquiétude» après l'arrestation à Zurich du requérant d'asile débouté.
Le texte a recueilli 75 oui, contre 60 non et 2 abstentions. Il a été soutenu par les groupes de gauche, l'Alliance du centre et quelques radicaux. L'UDC et les libéraux ont refusé la résolution, estimant qu'il était injuste par rapport aux autres requérants déboutés de soutenir le protagoniste du documentaire «La Forteresse» de Fernand Melgar.
Fahad Khammas a été arrêté lundi soir à Zurich, après le rejet de son recours par le Tribunal administratif fédéral. Il devrait être renvoyé en Irak via la Suède, pays où il a déposé sa première demande d'asile. M. Khammas a été traducteur pour les forces armées américaines. Ses défenseurs craignent qu'il soit victime de représailles et tué s'il rentre à Bagdad.
Le nombre de demandeurs d'asile en hausse de 12% en 2008
Par Reuters, publié le 24/03/2009 à 14:19 - mis à jour le 24/03/2009 à 16:47
GENEVE - Environ 383.000 demandeurs d'asile ont déposé des dossiers dans les pays occidentaux en 2008, soit une hausse de 12% par rapport à l'année précédente, selon les données publiées mardi par les Nations unies.
Un demandeur d'asile soudanais sur le port de Calais. Selon les données publiées par les Nations unies, environ 383.000 demandeurs d'asile ont déposé des dossiers dans les pays occidentaux en 2008, soit une hausse de 12% par rapport à l'année précédente. (Reuters/Pascal Rossignol)
Irakiens, Somaliens et Afghans, qui fuient la guerre dans leur pays, ont notamment continué à affluer à l'Ouest, alors même que des pays d'accueil traditionnels comme la Suède ont adopté des politiques plus strictes en matière d'asile politique.
Les demandes sont en conséquence remises dans un bien plus grand nombre de pays - 51 au total.
Avec 40.500 demandes déposées dans 37 pays occidentaux en 2008, les Irakiens arrivent en tête de la liste pour la troisième année consécutive, précise le haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce chiffre représente toutefois une baisse de 10% par rapport à 2007.
Les requêtes déposées par des Irakiens en Suède ont chuté de 67% mais leur nombre a presque triplé en Norvège et quadruplé en Finlande.
Au niveau mondial viennent ensuite les Somaliens, avec 21.800 demandes, notamment en Italie, une hausse de 77% en un an, "ce qui reflète la détérioration de la situation dans ce pays".
Les Russes arrivent en troisième position, avec 20.500 requêtes, surtout en Pologne.
Les Afghans ont déposé 18.500 demandes, presque deux fois plus qu'en 2007, avec la Grande-Bretagne, la Turquie et la Grèce comme principales destinations.
LA FRANCE AU TROISIÈME RANG MONDIAL
Les Chinois ont été 17.400 à demander l'asile, un chiffre relativement stable, pour moitié aux Etats-Unis.
Viennent ensuite les Nigérians (13.700), les Pakistanais (13.300), les Erythréens (12.300), les Mexicains (12.200) et les Iraniens (10.800).
Au total, les pays européens ont reçu près de 290.000 dossiers, une hausse de 13% par rapport à l'année précédente. Environ 238.000 demandes ont été déposées dans les Vingt-Sept pays de l'Union européenne, une hausse de 6%.
En Amérique du Nord, 86.000 nouvelles demandes ont été remises (+9%), dont 49.000 aux Etats-Unis (-3%).
Le Canada, avec 36.900 demandes, a connu une hausse spectaculaire de 30% des dossiers, venant notamment de Haïtiens et de Mexicains, et devient le deuxième pays d'accueil le plus demandé derrière les Etats-Unis, où 13% des demandes mondiales sont enregistrées.
La France qui a reçu 35.200 demandes se classe au troisième rang mondial et au premier en Europe, avec l'afflux de nombreux réfugiés maliens.
L'Italie est quatrième, avec 31.200 requêtes, plus du double qu'en 2007, en raison notamment de l'afflux d'immigrés clandestins qui arrivent sur l'île de Lampedusa.
Suit en cinquième place la Grande-Bretagne, avec 30.500 dossiers (+8%).
La Suisse, où les demandes ont grimpé de 53% à 16.610, a prôné mardi une meilleure coopération afin de "mieux partager le fardeau" et d'éviter une "spirale" dans le durcissement des législations des pays d'accueil, a dit la ministre de la Justice, Eveline Widmer-Schlumpf.
Il y a eu 4.700 demandes en Australie (+19%), environ 2.000 au Japon, de même qu'en Corée du Sud, principalement de réfugiés birmans.
Asile: les chiffres et la réalité
Asile: les chiffres et la réalité
LE COURRIER - Paru le Mercredi 25 Mars 2009SIMON PETITE
Le métier de conseiller fédéral est décidément ingrat. Pour sa première apparition devant les médias à Genève, Eveline Widmer-Schlumpf avait prévu de faire la promotion de ses mesures de durcissement de l'asile. Mais c'était sans compter l'arrestation, la veille, d'un requérant irakien à Zurich.
En temps normal, l'intéressé ne serait jamais sorti de l'anonymat des statistiques. Un renvoi de plus ou de moins? Mais Fahad Kammas n'est autre que le principal protagoniste de «La Forteresse». Ce documentaire, qui a valu à son réalisateur Fernand Melgar un léopard d'or au dernier festival de Locarno, raconte le quotidien du centre d'enregistrement de Vallorbe.
Mme Widmer-Schlumpf n'ignore rien de ce cas, puisqu'elle a vu le film. Bien sûr que faire du cinéma ne constitue pas un motif d'asile suffisant. Quant à ceux qui s'énervent de la médiatisation de ce cas au détriment d'autres, on leur rétorquera que l'Irakien s'apprête malgré tout à être expulsé.
A l'émotion suscitée par les histoires relatées dans les médias, la conseillère fédérale préfère les chiffres. C'est plus commode. L'an dernier, les demandes d'asile ont augmenté de 53,1%, notez la virgule. Il faut donc à tout prix diminuer l'attractivité de la Suisse, a défendu Mme Widmer-Schlumpf.
D'où le nouveau tour de vis proposé. Une des mesures en consultation jusqu'à la mi-avril consiste à supprimer la possibilité de déposer une demande d'asile dans les ambassades helvétiques. Là aussi, la ministre a cité des chiffres: 3000 requêtes en 2008 pour un taux d'acceptation de moins de 10%. Conclusion de la Grisonne: «Beaucoup de travail pour peu de résultats.»
Si la conseillère fédérale souhaite juguler l'afflux de réfugiés, ce n'est pas pour le plaisir des chiffres. Il s'agit de garder une marge de manoeuvre politique pour accueillir les personnes vraiment en danger. On aimerait la croire. Mais l'exemple de M. Kammas est loin d'être rassurant.
Le jeune homme a eu le tort de s'engager comme interprète auprès de l'armée étasunienne en Irak. Alors que l'occupant a entamé son retrait mais que le pays est loin d'être pacifié, il n'est pas difficile d'imaginer les risques encourus par les anciens collaborateurs. Si lui ne se trouve pas en danger, qui peut prétendre l'être?
On nous dit que le problème est ailleurs. La Suisse ne peut accueillir le héros de «La Forteresse», car il a déjà déposé une demande d'asile en Suède. L'Union européenne et les accords de Shengen-Dublin ratifiés par la Suisse ont bon dos. En réalité, rien n'empêcherait Berne de se saisir de cette demande d'asile, comme de tant d'autres.
Quant aux circonstances de l'arrestation de M. Kammas, Mme Widmer-Schlumpf évoque le «hasard». Des requérants arrêtés alors qu'ils sont convoqués pour toucher l'aide sociale ou pour d'autres motifs bénins, ce genre de coïncidences arrivent pourtant fréquemment en Suisse. Naïveté ou cynisme? Laissons à la ministre le bénéfice du doute.
Il faut pourtant reconnaître à celle qui a succédé à Christoph Blocher une certaine lucidité. Les durcissements de l'asile ont des limites, a-t-elle concédé. D'autant plus que tous les pays européens rivalisent de fermeture. Qui brisera la spirale de ces durcissements?
Pourquoi Fahad sera finalement renvoyé
L’arrestation surprise, à Zurich, du héros du film La forteresse a indigné ses défenseurs. L’Irakien sera probablement renvoyé dans son pays via la Suède. Mais de nombreuses interrogations restent en suspens. Le point. Un article de Martine Clerc dans 24 Heures.
Fahad K. est incarcéré depuis lundi après-midi dans une prison zurichoise. L’arrestation surprise du requérant d’asile irakien – alors qu’il se rendait à l’Office cantonal des migrations pour collaborer au bon déroulement de sa procédure – a provoqué la stupeur de ses défenseurs. Fahad K. a en effet été interpellé avant même que son avocate ne soit mise au courant de la décision négative du Tribunal administratif fédéral (TAF).
Une chose est sûre: dans trois jours, peut-être plus, le jeune homme, que le cinéaste lausannois Fernand Melgar a filmé dans son documentaire La forteresse, devrait être renvoyé en Suède en vertu des accords de Dublin. C’est à Stockholm en effet qu’il a déposé sa première demande d’asile. De là, il pourrait être expulsé vers Bagdad, où il risque la mort.
FAHAD K. EST-IL TOMBÉ DANS UN GUET-APENS? C’est l’accusation lancée par Fernand Melgar. «Lundi, Fahad, à la demande de l’Office fédéral des migrations, s’est rendu, confiant, à l’Office des migrations de Zurich pour s’y inscrire, car il avait été attribué à ce canton. C’était un piège. Il y a été immédiatement arrêté.» Elise Shubs, la mandataire juridique de l’Irakien, dénonce: «La décision négative du TAF ne m’est parvenue par fax que lundi après-midi, au moment même de l’arrestation, alors que l’arrêt était daté du 19 mars. C’est incompréhensible!»
«Il ne s’agit pas d’un piège, mais d’un hasard», corrige-t-on à l’Office fédéral des migrations (ODM). La police zurichoise aurait-elle été prévenue de la décision négative de la justice avant même la mandataire juridique de l’Irakien? «Absolument pas. La mandataire a bien été la première informée lundi dernier, puis l’ODM, et enfin l’Office des migrations du canton de Zurich dans l’heure qui a suivi», assure Magnus Hoffmann, porte-parole du TAF. La police aurait été avertie par l’Office cantonal des migrations. «La date du 19 mars inscrite sur l’arrêt indique le jour où la décision a été prise par les juges, précise le porte-parole du TAF. Mais il n’est pas rare que son envoi aux parties intervienne plusieurs jours après.»
POURQUOI LE RENVOI? Le TAF se base principalement sur l’application stricte des accords de Dublin: le requérant d’asile est renvoyé dans le premier pays de l’espace Dublin, en l’occurrence la Suède, où il a déposé une demande. L’arrêt précise aussi que l’Etat scandinave respecte les conventions internationales en matière d’asile.
LA SUISSE AVAIT-ELLE LE CHOIX? En clair, les juges fédéraux auraient-ils pu appliquer la clause de souveraineté, rendant possible le traitement de la demande d’asile de Fahad K. par la Confédération? «En principe oui, estime Francesco Maiani, professeur à l’IDHEAP (Institut des hautes études en administration publique), expert en droit européen de l’asile. Mais en l’espèce, le TAF a fait preuve d’une très grande retenue vis-à-vis de la décision de l’ODM de ne pas appliquer cette clause.» Cet arrêt est-il amené à faire jurisprudence? «On ne saurait pas exclure que le TAF intervienne à l’avenir pour bloquer un «transfert Dublin». Dans ce cas particulier, les juges n’étaient manifestement pas persuadés des risques encourus par le requérant en Irak. Et d’autre part, ils ont attribué du poids au fait que le requérant disposerait encore d’un recours en Suède.» En aucun cas, Fahad K. ne pouvait être considéré comme un «cas de rigueur», la durée de sa présence en Suisse n’étant pas suffisante (lire ci-dessous).
SERA-T-IL RENVOYÉ EN IRAK? Possible, via la Suède qui a déjà refusé sa demande d’asile. Mais les juges du TAF assurent avoir des garanties de l’Etat scandinave que Fahad K. pourra déposer un recours dès son arrivée à Stockholm. Il pourra ainsi demeurer en Suède jusqu’à l’issue de la procédure. «Il s’agit de garanties claires dont le Tribunal ne voit aucune raison de mettre en doute la fiabilité», tranche le TAF.
Elise Shubs, elle, nourrit des doutes. L’an dernier, l’Irakien n’avait pas eu l’opportunité de faire valoir ses droits dans le temps imparti. Elle rappelle la politique d’asile restrictive de la Suède, qui a mis en place des procédures accélérées pour renvoyer chez eux les migrants irakiens. «La Suède expulse des requérants vers tout le territoire irakien. Alors que la Confédération ne renvoie que les ressortissants irakiens vers le nord du pays, jugé sécurisé.» Rappelons que la Suisse, la France et Amnesty International (AI) sont à l’heure actuelle opposés à tout renvoi forcé vers l’Irak. La section suisse d’AI a déjà pris contact avec son homologue suédoise pour garantir un soutien à Fahad K. dès son renvoi. «Amnesty a les preuves que d’autres interprètes irakiens qui collaboraient, comme Monsieur K., avec les forces américaines ont été tués en raison de leur activité», martèle Daniel Graf, porte-parole.
QUE RÉPOND EVELINE WIDMER-SCHLUMPF? Mi-mars, la conseillère fédérale avait reçu Fernand Melgar à Berne pour évoquer le sort de l'Irakien. Le réalisateur s’était dit touché par son «écoute bienveillante». Aujourd’hui, il se sent «profondément trahi». Invitée hier à Genève par le Club suisse de la presse, la ministre a estimé que même si le cas de Fahad K. a été médiatisé et que le sujet est émotionnel, il n’y a pas de raison de le traiter différemment des autres requérants. Elle a soutenu la décision de non-entrée en matière de ses services, rappelant que l’Irakien dispose encore en Suède d’une possibilité de recours. Sur l’arrestation à Zurich: «Il n’y a pas eu de piège. Si la décision du TAF est tombée au moment où Monsieur K. était à Zurich, c’était un hasard. La loi a été appliquée.»
L'OSAR dénonce la loterie des cas de rigueur
Pour obtenir un permis B humanitaire (cas de rigueur), mieux vaut se trouver sur territoire vaudois ou genevois qu’à Zurich ou à Zoug. Entre 2007 et 2008, Vaud, champion toutes catégories, a délivré plus de 500 permis humanitaires, suivi de Genève avec 200. Les lanternes rouges Zurich et Zoug ont distribué moins de 20 permis chacun. Cette inégalité de traitement est vivement dénoncée par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) qui souhaite que Berne donne des instructions claires aux cantons.
Marge d’appréciation
Aujourd’hui, la question des cas de rigueur est abandonnée largement à l’appréciation des cantons. De passage à Genève hier, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf a défendu l’autonomie des cantons tout en admettant la critique. «Nous travaillons à l’harmonisation des critères, mais ceux-ci ne seront jamais complètement identiques: les cantons bénéficient d’une marge de manœuvre importante et c’est normal.»
Dans la loi sur l’asile, les requérants déboutés, ceux qui sont en cours de procédure ou ceux au bénéfice d’admission provisoire peuvent être considérés comme «cas de rigueur» à certaines conditions.
La première est clairement formulée dans la loi: cinq ans de séjour, au minimum, sur le territoire suisse. Deuxièmement, le requérant doit être dans l’impossibilité de réintégrer son pays d’origine. Eveline Widmer-Schlumpf a donné hier son interprétation: «Cela signifie que le requérant est en danger de mort ou qu’il risque la torture en cas de retour.»
Viennent ensuite les critères qui permettent d’évaluer le degré d’intégration du requérant dans la société suisse: maîtrise de la langue du canton d’accueil, situation économique, présence d’une famille avec des enfants scolarisés, respect des lois.
Ces éléments sont laissés à l’appréciation des cantons. Ce qui explique une partie des disparités. Pour le reste, les différences découlent du fait qu’il n’y a pas de droit au permis humanitaire. Chaque canton est libre d’octroyer ou non ces permis à ceux qui en font la demande. Formellement, c’est Berne qui octroie le permis, mais il est assez rare, pour les cas de rigueur, que l’Office des migrations (ODM) ne suive pas les cantons. Si Zurich ou Zoug ne délivre presque pas de permis, c’est donc simplement parce qu’ils ne les demandent pas. Au nom d’une politique migratoire plus restrictive.
CÉDRIC WAELTI, 24 Heures.
La forteresse a trouvé sa maîtresse
«C’est un hasard.» Voilà la réponse de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf lorsqu’on lui demande si les autorités ont tendu un piège à Fahad K. Pour rappel, le réfugié irakien s’est fait arrêter par la police alors qu’il se rendait à un banal rendez-vous à l’Office cantonal des migrations (ODM). Sans être au courant que son recours au Tribunal administratif fédéral avait été rejeté. Curieusement, ni lui ni son avocate n’avaient reçu la décision. L’administration zurichoise, si.
Pour l’ODM, la coïncidence tombe bien. Pour les amis de Fahad, dont le réalisateur vaudois Fernand Melgar, le coup est rude. Le 2 mars dernier, grâce à une mobilisation jusque dans les couloirs de Kloten, il avait remporté, avec ses compagnons d’armes, une victoire éclatante sur l’administration: Fahad était expulsé de l’avion et obtenait le droit de rester, quelques jours de plus, en Suisse. Tout cela devant les médias et les caméras de télévision. Un véritable affront pour Eveline Widmer-Schlumpf.
Pour la cheffe du Département de justice et police, qui a déjà montré en d’autres circonstances qu’elle avait le cuir épais, céder sur le cas Fahad n’a jamais été une option. Le héros du documentaire La forteresse, soutenu par de nombreux politiques, à droite comme à gauche, révèle d’un coup, avec fracas, le côté brutal d’une politique migratoire. Donnant un visage et un nom aux réfugiés anonymes, contraints chaque jour de quitter le pays. Une personnalisation insup- portable aux yeux des autorités. Car elle fait vaciller tout le système d’asile, qui repose sur une empathie discrète, mesurée et surtout provisoire.
Pour Eveline Widmer-Schlumpf, qui n’a pas eu à forcer sa nature, faire une exception avec le cas Fahad aurait été un aveu de faiblesse dont l’UDC se serait délectée. La ministre a donc montré qui tenait les clés de la forteresse.
Commentaire de Cédric Waelti dans 24 Heures.
Blocher attaqué sur l'accueil
Eveline Widmer-Schlumpf l’admet: Berne n’a pas su anticiper l’augmentation des demandes d’asile. Par rapport à 2008, celle-ci atteint plus de 50%. Pour faire face à cet afflux, de nombreux cantons ont dû ouvrir des abris de protection civile. La semaine dernière, Genève en a mis deux à disposition: l’un à Carouge, l’autre en ville de Genève. Sans faire de sentiments, la conseillère fédérale reconnaît que cette situation n’est pas idéale. Tout en désignant Christoph Blocher: «C’est mon prédécesseur qui avait provoqué le démantèlement de la capacité d’accueil dans les cantons», a rappelé la ministre du Département de justice et police. Et de promettre que Berne fera marche arrière. «Je vais recréer une réserve d’accueil suffisante», assure Eveline Widmer-Schlumpf.
Cédric Waelti, 24 Heures.
Pie Tshibanda, porte-voix de ceux qui viennent de loin
L’écrivain-conteur belge d’origine congolaise Pie Tshibanda est en tournée en Suisse romande avec deux spectacles. Une occasion rare pour le public européen de se voir dans le miroir qu’il lui tend.
Il vient tout juste de le présenter à 400 élèves du collège de Saint-Maurice, son Fou noir au pays des Blancs. Un spectacle qu’il a emmené autour du monde, du Sénégal à Tahiti. Pas vraiment classique, en fait. Plutôt une histoire qu’il raconte à ceux qui veulent bien l’écouter. Son histoire. Celle d’un écrivain et intellectuel congolais devenu gênant lorsqu’il s’est mis à témoigner des persécutions des Kasaïais du Katanga, en 1995. D’un condamné à l’exil loin des siens, dans une Belgique qui ne veut pas de lui.
«Le plus dur, c’était de perdre tout statut du jour au lendemain. J’étais quelqu’un d’écouté dans mon pays, et là, je n’étais plus rien.» Ce refus du statut d’anonyme ou de statistique est l’un des moteurs de son message. «Je ne suis pas l’Africain, je ne suis pas l’immigré. J’ai un nom, je suis Pie Tshibanda.»
Pas d’angélisme
Mais l’écrivain de 58 ans ne s’invite pas sur scène pour se lamenter. Car il explique aussi comment, peu à peu, les portes et les cœurs des habitants du petit village wallon qu’il habite se sont ouverts, pour faire finalement de leur invité surprise un objet de fierté. Il n’est pas là pour juger non plus. Bien sûr, il parle de colonisation, il parle de racisme. Mais tout simplement parce que ce sont des chapitres de l’histoire qu’il est venu conter.
Et avec le rôle de porte-voix, qui désormais est le sien, il parle aussi pour les autres. Lorsque certains viennent le voir après un spectacle pour lui dire: «On veut bien accueillir quelques réfugiés chez nous, mais des comme toi», il répond en souriant: «Je ne suis pas meilleur qu’un autre, c’est juste que vous m’avez donné l’occasion de vous parler.» Certains pourraient crier à l’angélisme, mais l’homme en a trop vu pour tomber dans ce travers-là. Et sur scène comme devant un café, il passe du rire à la gravité au détour d’un mot.
A cheval entre deux mondes, il tient un miroir à double face. Pour que tant les Africains rêvant d’Europe que les Européens craignant l’Afrique puissent s’y regarder en face. Son nouveau spectacle, Je ne suis pas sorcier, qu’il présentera à l’espace des Terreaux, poursuit ce travail d’échange et de décodage. En posant ses deux yeux, l’africain et l’européen, sur la vie, l’amour ou la mort, il va à l’essentiel de son message: «Je viens chez vous, mais je ne suis pas venu les mains vides.»
MARC ISMAIL
Pie Tshibanda sera à l’Espace culturel des Terreaux du jeudi 26 au dimanche 29 mars. Horaires et réservations: www.terreaux.org ou 021 320 00 46
... et il continuera sa tournée en se produisant le jeudi 2 avril à Moudon, 20H, salle de la Gare.