samedi 5 décembre 2009

Ces Vaudois qui n’ont même pas peur

meme pas peur On commence presque à l’oublier: Vaud a rejeté l’initiative antiminarets. Dans “La semaine politique” de 24 Heures, Justin Favrod, chef de la rubrique Vaud.

Quatre cantons ont dit non le week-end dernier à l’initiative antiminarets. Le canton de Vaud, avec ses 53,1%, n’a trouvé que Genève pour la refuser plus nettement.

Qui se souvient de cette médaille vaudoise frappée en 1845 pour célébrer l’expulsion des jésuites hors du canton? De 1810 à 1970, une loi interdisait aux catholiques d’édifier des clochers dans les districts protestants. Par le passé, il est arrivé que les Vaudois rejettent cultures et confessions qui n’étaient pas les leurs. Mais, depuis plusieurs années, ils ont cessé de craindre l’autre.

Cette évolution s’est manifestée en 1992 par le vote sur l’Espace économique européen, où 78,3% des Vaudois disaient oui contre 49,7% des Suisses. Et cette attitude ne s’est plus démentie depuis lors. Que ce soit sur l’adhésion à l’ONU en 2002 (63,5% de oui contre 54,6% au niveau suisse) ou sur la naturalisation facilitée en 2004 (67,4% contre 43,2%), les Vaudois ont joué l’ouverture. Et, chaque fois, le score cantonal figure dans le peloton de tête de ceux qui approuvent.

Les socialistes vaudois suggèrent que l’Etat devienne laïc (24 heures d’hier) en arguant notamment que Neuchâtel et Genève le sont et qu’ils ont refusé l’initiative. Toutefois, Vaud, si peu laïc, a refusé plus nettement l’initiative que les Neuchâtelois (50,8% de non). Ce n’est donc pas une piste qui s’impose.

Il reste qu’une forte minorité de Vaudois a accepté cette initiative. Et la géographie du vote est à première vue étrange. Il ne dénote pas une coupure gauche-droite de l’électorat. Des communes aux mains de la gauche, comme Sainte-Croix, ont refusé les minarets. Des communes «bourgeoises» les ont acceptés. Quoi de commun, en effet, entre Lausanne, Rivaz et Tannay? De la Terre-Sainte à Lavaux, ces communes ont voté à plus de 60% contre cette initiative. L’«agglomération lémanique» a voté peu ou prou dans ce sens. Plus loin du Léman, la situation est contrastée. De nombreux villages ont accepté l’initiative à plus de 60%. Toutefois, les régions qui bénéficient d’industries performantes et les lieux urbanisés l’ont rejetée.

Un canton coupé en deux. D’un côté, des villages où l’étranger est à la fois absent et menaçant, qui ressentent la mondialisation comme une menace pour leur monde et leurs valeurs. De l’autre, la majorité de la population, qui vit avec et de l’étranger: elle voit dans l’ouverture au monde une chance et un bonheur. Elle n’a pas peur.

Deux maisons pour huit familles de requérants

Pour équilibrer les charges des régions concernant les réfugiés, l'Etat coordonne leur placement. Il vient d'ouvrir deux maisons à Steg et à Rarogne.

La conseillère d'Etat Esther Waeber devant la nouvelle maison destinée aux familles de requérants d'asile, à Steg. NF En Valais, les requérants d'asile forment le 0,57% d'une population qui totalise 303 000 habitants. Cette proportion reste stable depuis des années.

Depuis le début de 2009 cependant, la Suisse applique les accords de Schengen et de Dublin. Cette nouvelle politique conduit à une surcharge pour notre canton. Une cinquantaine de nouveaux cas arrivent chaque mois.

Par rapport à la population, les réfugiés sont 0,65% dans le Valais central, 0,55% dans le Bas-Valais et 0,48% dans le Haut-Valais. Le Bas et le Haut du canton sont donc en situation de rattrapage par rapport au Centre.

Pour rétablir l'équilibre, la conseillère d'Etat en charge des affaires sociales, de la sécurité et de l'intégration Esther Waeber-Kalbermatten a fait ouvrir une maison pour cinq familles à Steg et pour trois familles à Rarogne.

Les cinq familles de Steg regroupent actuellement une vingtaine de personnes, avec les parents et les enfants. Six enfants sont scolarisés. Et la conseillère d'Etat d'insister sur le fait que ces familles veulent s'intégrer à tout prix et qu'elles sont souvent très appréciées dans les communes où elles habitent depuis quelques années.

Les requérants travaillent. Les requérants d'asile peuvent travailler. Le centre de formation du Botza à Vétroz, par exemple, leur dispense différentes formations: langues, informatique, métiers de l'artisanat du second oeuvre, hôtellerie et restauration. Emile Blanc chef adjoint du Service de l'action sociale du canton du Valais précise qu'entre les programmes d'occupation et les emplois en entreprises, 40% des 1736 requérants d'asile actuels sont actifs. Lorsqu'ils sont salariés (387 personnes), ils touchent le salaire de la branche dans laquelle ils sont employés. Le potentiel ouvrier des 1736 requérants serait de 1129 personnes actuellement, soit les 70%.

Alors d'où vient la mauvaise réputation des requérants d'asile? «Quand des problèmes se posent, il s'agit le plus souvent de personnes confrontées à une non-entrée en matière (NEM)», répond Emile Blanc. «Elles sont quand même placées sur le territoire, mais elles n'ont pas le droit à un emploi.» Sur les 1736 réfugiés actuels, une cinquantaine ferait partie de cette catégorie. «En Valais, nous faisons tout pour intégrer nos requérants professionnellement.» C'est la Confédération qui décide quels requérants elle place et où. En Valais, le Conseil d'Etat prend le relais. Par un arrêté du 5 mars 2008, il s'est prononcé pour une gestion centralisée des personnes relevant du droit d'asile.

Un article du Nouvelliste

ERYTHRÉE-SOUDAN: des réfugiés oubliés

KASSALA, 4 décembre 2009 (IRIN) - L’est du Soudan accueille plus de 66 000 réfugiés érythréens enregistrés, dont les premiers sont arrivés en 1968, au cours des premières années de la guerre d’indépendance contre l’Ethiopie. Aujourd’hui, la politique érythréenne de conscription militaire illimitée, ainsi que la sécheresse et le manque d’opportunités économiques, poussent chaque mois quelque 1 800 personnes à franchir la frontière vers le Soudan, d’après le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

Des enfants au camp de réfugiés de Wad Sharifey, qui abrite 15020 réfugiés, en majorité érythréen. Photo: Maram Mazem/IRIN « Les réfugiés sont là depuis 30-40 ans, ce qui correspond à deux ou trois générations, et cela est assez exceptionnel », a dit Peter de Clercq, représentant de l’UNHCR au Soudan.
« Ce sont, à notre connaissance, les réfugiés dont la situation dure depuis le plus longtemps en Afrique. Cela est en grande partie dû à la situation politique en Erythrée », a-t-il dit.
Projetant leur grande évasion vers l’Europe ou Israël, les demandeurs d’asile rêvaient d’une vie meilleure au Soudan. Mais au lieu de cela, des milliers d’entre eux n’y ont trouvé que la dure réalité des conditions de vie pénibles des camps, où ils souffrent du manque de sécurité alimentaire et de soins de santé adaptés, et partagent des ressources rares avec les Soudanais.
A l’arrivée au centre de réception du camp de Shagarab dans l’Etat de Kassala, près de la frontière érythréenne, ils n’ont pas immédiatement accès à un abri approprié. Ce n’est qu’une fois que leur statut de réfugié est confirmé, ce qui peut prendre quatre à six semaines, qu’ils peuvent s’installer dans des tentes ou des huttes, qu’ils doivent souvent construire eux-mêmes.
« La vie ici est difficile. Quand on en entendait parler, de loin, cela avait l’air confortable, mais quand on vient ici, on dirait un camp de service national [érythréen], car on ne peut pas avoir d’argent », a dit un réfugié érythréen de 22 ans.
Shagarab, qui, parmi les trois principaux camps de l’est du Soudan, est celui où les conditions sont les plus mauvaises, accueille plus de 21 000 réfugiés, principalement des Erythréens, ainsi que des Ethiopiens et des Somaliens. Les 1 800 arrivées mensuelles incluent aussi de jeunes hommes qui fuient la conscription obligatoire dans l’armée érythréenne.
« J’ai travaillé dans l’armée pendant plus de 10 ans. Je suis parti parce que ma famille est très pauvre. Pas assez d’argent pour vivre en Erythrée. C’est très dur », a dit un autre réfugié de 34 ans. « Mes trois frères et moi, nous étions tous dans l’armée, donc personne ne pouvait nourrir notre famille », a-t-il ajouté.
Le Programme alimentaire mondial approvisionne les camps en aide alimentaire, mais les réfugiés disent que cela ne suffit pas. Les possibilités d’éducation des enfants ne sont pas non plus appropriées. Sur les 15 000 enfants vivant dans les 12 camps de l’est, 6 000 n’ont pas la chance de recevoir une éducation au niveau du primaire car les écoles n’ont pas la capacité de les accueillir, a dit, plus tard, à Khartoum, George Okoth-Obbo, Directeur du Bureau pour l'Afrique à l’UNHCR.

Lire la suite de cet article de IRIN Service Français (un projet du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies)

Le casse-tête du statut des futurs réfugiés climatiques

Les populations obligées de fuir leurs habitations à cause des conséquences du changement climatique n'ont aucun statut juridique au regard du droit international. Or le problème va aller grandissant. Un article de Laure Daussy dans le Figaro.

En octobre dernier, le gouvernement des Maldives a effectué un conseil des ministres sous l'eau, afin de sensibiliser la communauté internationale au réchauffement climatique : L'archipel risque de disparaître sous le niveau de la mer dans moins de 100 ans.

En octobre dernier, le gouvernement des Maldives a effectué un conseil des ministres sous l'eau, afin de sensibiliser la communauté internationale au réchauffement climatique : L'archipel risque de disparaître sous le niveau de la mer dans moins de 100 ans.

Un État entier qui disparaît sous les eaux. C'est ce qui risque d'arriver aux Maldives dans une centaine d'années, si le niveau de la mer continue de s'élever à cause du réchauffement climatique. Leurs îles rayées de la carte, les 400.000 habitants seraient alors obligés de s'installer dans un autre pays. Cet événement sans précédent dans l'histoire de l'humanité poserait une question : quel statut donner à ces futurs déplacés ?

Selon un rapport de l'ONU, 20 millions de personnes ont fui en 2008 leurs lieux d'habitation suite à des catastrophes climatiques liées au réchauffement de la planète. Environ 80% d'entre elles se sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays, comme au Bangladesh, «où les populations du sud fuient les tempêtes et les inondations vers le nord, et affluent dans des bidonvilles, sans aucune aide» explique François Gemenne *, spécialiste des migrations environnementales. D'autres, quelque 20%, se sont déplacées en dehors de leur propre pays. C'est le cas des habitants du Nicaragua et du Honduras qui ont fui le cyclone Mitch en 1998 en s'installant illégalement aux Etats-Unis. C'est le cas aussi en Afrique, où des populations qui fuient la sécheresse s'installent dans un pays voisin ou émigrent , le plus souvent clandestinement,en Europe.

Or le problème va aller grandissant. En 2050, le nombre de personnes forcées de se déplacer devrait être de l'ordre de 200 ou 250 millions, selon les estimations de l'office international des migrations (OIM). Seraient concernées les populations fuyant l'avancée du désert de Gobi en Chine, les inondations dans le delta du Bangladesh, le delta du Nil, ou encore la submersion de certains archipels. «Ces chiffres sont à prendre avec précaution», nuance toutefois François Gemenne. Il est quasiment impossible pour l'instant de faire des estimations précises.» Les conséquences du réchauffement climatiques sur la planète sont déjà difficiles à connaître précisément, il est donc encore plus délicat d'en prévoir précisemment des conséquences migratoires.

Quel que soit le nombre, le problème est déjà là : jusque ici, ces migrants environnementaux n'entrent dans aucune «case» du droit international. La Convention de Genève de 1951 définit précisément le concept de réfugié, comme étant «une personne victime de persécution», ou voulant «fuir une zone de guerre», explique Jean François Durieux, responsable du changement climatique au Haut-commissariat des Nations-Unis pour les réfugiés (HCR). Les déplacés climatiques n'entrent donc pas dans cette définition. Or, le statut de réfugié permet d'obtenir certains droits, comme la garantie de ne pas être renvoyé dans le pays où sa vie peut être menacée, le droit au travail, au logement. «Autant de garanties auxquels les réfugiés climatiques ne peuvent pas prétendre», explique Christel Cournil **, chercheuse à l'Iris, spécialiste du statut des réfugiés.

3000 Tuvaluens ont fui leur île

Si la notion de réfugié climatique est complexe à délimiter - d'autres facteurs , économiques notamment pouvant venir se rajouter - les agences internationales ont bien conscience des problèmes que pose ce vide juridique. Or, «jusqu'ici, les États rechignent à réfléchir au sort des déplacés climatiques», déplore Jean-François Durieux. Conscients des coûts et des problèmes que cela posera, les États ont peur d'être obligés d'accueillir davantage de migrants. «Tout ce qui touche aux migrations internationales est actuellement tabou» constate-t-il.

Quelques pistes sont déjà envisagées par les chercheurs et les ONG. La définition du réfugié inscrite dans la Convention de Genève, pourrait être élargie, afin d'y intégrer des causes climatiques et non plus seulement la notion de persécution. «Le risque est de créer une concurrence avec le réfugié politique, déjà difficile à obtenir» souligne Jean-François Durieux. Une protection spécifique des déplacés climatiques pourrait par ailleurs être créée, indépendante de la Convention de Genève, associée par exemple aux textes de l'Onu sur le climat. Mais, à l'heure où les pays ont du mal à trouver un terrain d'entente pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, il semble pour l'instant difficile de trouver un consensus sur la question.

La piste «la plus réaliste», selon Jean-François Durieux, serait des conventions d'Etat à Etat, «sur le modèle de ce qui est déjà mis en place entre les îles Tuvalu, menacées par la montée des eaux, et la Nouvelle-Zélande». Il ne s'agit pas encore d'accords de migration environnementale, mais de migration économique : ils permettent aux Tuvaluens de partir travailler en Nouvelle-Zélande. De fait, plus de 3000 Tuvaluens sur les 11 000 habitants de l'archipel ont déjà émmigré en Nouvelle-Zélande, par peur d'être enseveli sous les eaux.

* Auteur de «Géopolitique du changement climatique», aux ed. Armand Colin.

** Auteure de «Le statut interne de l'étranger et les normes supranationales.» (Ed L'Harmattan).

Un article trouvé dans le Figaro