Deux avions ont emmené hier 75 Roms à Bucarest. Paris, qui vient de durcir son discours sécuritaire, a promis d’en expulser 700 d’ici à la fin d’août.
Le gouvernement français semble décidé à tenir ses promesses de «fermeté» envers les Roms: 75 d’entre eux ont été reconduits, hier, à Bucarest. La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, avait en effet annoncé sa décision de renvoyer d’ici à la fin août «700 personnes dans leur pays d’origine», la Roumanie et la Bulgarie. Les deux premiers avions ont décollé hier après-midi, l’un de Paris, l’autre de Lyon.
Bucarest s’étrangle
Tous les passagers de ces vols se sont conformés à la procédure de retour volontaire. Présents en France depuis au moins trois mois mais sans ressources, ils ont accepté un chèque de 300 euros et un billet d’avion pour revenir au pays.
Un dispositif «spécifique au droit administratif français», d’après la Roumanie. Bucarest n’a pas manqué de critiquer la soudaine fermeté affichée outre-Jura. Le ministre roumain des Affaires étrangères, Teodor Baconschi, craint de voir dans ce durcissement des «risques de dérapage populiste» et «certaines réactions xénophobes sur fond de crise économique». Le chef de l’Etat, Traian Basescu, l’a tempéré, en disant «comprendre les problèmes que créent les camps de Roms» en France, mais pour mieux réaffirmer «la réalisation d’un programme d’intégration au niveau européen».
Bruxelles sermonne
Ces expulsions passent mal en Europe. D’autant qu’elles s’ajoutent à d’autres mesures contre les Roms. Suite à des heurts provoqués par des gens du voyage cet été dans le Loir-et-Cher, le gouvernement français avait en effet promis de démanteler 300 camps illicites dans les trois mois.
Un nouveau coup de semonce a été tiré avant-hier de Bruxelles, après celui asséné au début du mois d’août par l’ONU et une campagne de presse dévastatrice aux Etats-Unis et en Angleterre. Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice, enjoint la France de «respecter les règles» de la libre circulation et installation des Européens.
Ladite situation n’est pourtant pas nouvelle. Chaque année depuis 2007, la France expulse toujours plus de Roms – 2500 il y a trois ans, 8400 en 2008, près de 10 000 en 2009. Tout comme le Danemark et l’Italie, ou encore l’Allemagne qui les envoie au Kosovo. Sans bruit.
La vraie rupture, c’est bien la publicité orchestrée par le gouvernement français autour de ces rapatriements. La presse, en particulier anglaise, et les associations humanitaires dénoncent dans cette subite rigueur un calcul politique cynique.
La majorité présidentielle divisée
S’en prendre aux Roms permet au gouvernement, dépassé par de graves faits divers cet été, de cultiver ses résultats chiffrés. Et de montrer à des électeurs venus du Front national en 2007 qu’il ne cède sur rien. Un pari risqué, qui divise la majorité présidentielle.
Christophe Jaquet, Paris, dans 24 Heures