samedi 18 décembre 2010

Non à la privation de l'aide d'urgence pour les débouté-e-s

Communiqué du collectif Droit de rester suite à la décision de retirer le droit à l'assurance maladie et à l'aide d'urgence pour les requérants du refuge lausannois.

main_tendueL'aide d'urgence est un régime de contrainte. Ce constat est avéré depuis son application dès le premier janvier 2008: l'aide d'urgence instaure un traitement discriminatoire, inhumain, viole les droits fondamentaux et atteint les débouté-e-s dans leur santé physique et psychique. De surcroît, la menace de supprimer l'aide d'urgence est utilisée de manière récurrente et contraire au droit par le SPOP, dans le but d'obliger des personnes à « consentir » à leur renvoi. Récemment, le SPOP accroît sa pression sur les personnes déboutées, et de manière ciblée sur celles qui sont protégées au refuge ouvert par le Collectif Droit de rester et la Coordination asile-migration Vaud depuis le 11 octobre 2010. En effet, le SPOP a supprimé pour ces personnes l'octroi de l'aide d'urgence ainsi que l'affiliation à une assurance-maladie obligatoire des soins de base. Motif: les personnes ne résident plus en centres ou en foyers d'aide d'urgence.

Or l'obligation de vie en centre d'hébergement pour bénéficier de l'aide d'urgence n'apparaît ni dans la Loi sur l'aide aux requérants d'asile et à certaines catégories d'étrangers (LARA), ni dans le Guide d'assistance édité par l'EVAM. Ce revirement arbitraire de politique pose en outre un problème d'égalité de traitement flagrant, car de nombreuses personnes qui reçoivent l'aide d'urgence résident dans un appartement. Cette mesure apparait donc comme une rétorsion administrative qui s'abat sur les débouté-e-s en lutte et protégé-e-s en refuge. Elle sanctionne ainsi ces personnes d'avoir trouvé un soutien et une dignité nouvelle en tentant de les précariser encore plus.

Climat de double peine oblige, afin d'être bien certain que la sanction produira ses effets, le SPOP redouble la mesure d'une privation de l'assurance-maladie. Les personnes qui résident au refuge se sont vues retirer la couverture maladie octroyée aux débouté-e-s par le biais de l'EVAM. Cette privation d'un droit de base, fort problématique au vu de la législation fédérale (LAMAL), avait affecté dans un premier temps l'ensemble des débouté-e-s célibataires. En décembre 2008, M. Phlippe Leuba assurait en conférence de presse qu'était désormais « garanti l’accès à l’assurance-maladie pour toute personne à  l’aide d’urgence » (http://www.evam.ch/). Pourquoi ce retour en arrière et pour une catégorie ciblée de personne? Comment est-il soutenable de refuser à des personnes leur affiliation à l'assurance-maladie de base alors que le droit fédéral prévoit son caractère obligatoire et qu'elles se trouvent sans ressources (interdites de travail, soumises au régime d'aide d'urgence)? Cette mesure n'est rien d'autre qu'une action de répression politique et administrative visant à « sans papiérisation » des personnes déboutées, leur renoncement aux droits et leur disparition.

Le refuge est un lieu public, connu des autorités. Les personnes n'y sont pas cachées, mais protégées, en toute connaissance de cause, politique et médiatique, des autorités. Il est ainsi parfaitement hypocrite et abusif de faire comme si les personnes n'existaient plus pour le SPOP. La privation d'assurance empêche les personnes de continuer leur traitement et fait obstacle à leur droit au réexamen de leur dossier, car sans assurance elles ne peuvent rassembler les rapports médicaux nécessaires à cette procédure. Nous exigeons ainsi que ces deux mesures soient immédiatement levées, que cesse le harcèlement administratif sur les personnes déboutées et que les autorités mettent leur zèle ailleurs, en particulier dans l'examen des demandes de régularisation de personnes qui habitent et font vivre ce canton depuis des années et ne sauraient être renvoyées dans un pays où ils et elles n'ont plus aucun lien.

Collectif Droit de rester

Les requérants d'asile du refuge privés d'assurance-maladie

Le collectif Droit de rester dénonce le «harcèlement administratif» des migrants qui ont obtenu la protection de l'Eglise. Les requérants déboutés actuellement hébergés à la paroisse catholique du St-Esprit, à Lausanne, ont été privés de l'aide d'urgence et de la couverture d'assurance-maladie. Hier en conférence de presse dans les locaux du refuge, les défenseurs des migrants ont demandé aux autorités vaudoises de lever immédiatement ces restrictions. Ils mèneront une action symbolique aujourd'hui à midi à la place de la Palud, à l'occasion de la Journée internationale des migrants.

Le refuge, ouvert le 11 octobre dernier, en est à sa quatrième paroisse différente. Toutes les trois semaines, il est forcé de déménager. Une précarité dont les migrants et le collectif Droit de rester se seraient bien passés. Mais elle leur a été imposée par les Eglises.
Selon la loi, un bâtiment qui n'est pas affecté au logement ne peut pas être occupé plus de trois semaines. Protestants et catholiques veulent respecter scrupuleusement cette règle. En offrant un refuge à des requérants déboutés, les Eglises s'exposent toutefois à un autre risque: celui d'être poursuivies pour aide au séjour illégal.
Le refuge accueille actuellement deux jeunes hommes: Didier, un Congolais arrivé en Suisse il y a huit ans, et Diallo, originaire de Sierra Leone. Ce dernier dit avoir fui son pays il y a près de douze ans pour échapper à sa condition d'enfant-soldat: «Mon village a été entièrement détruit, ce qui a été confirmé par la délégation sierra-léonaise lors de mon audition. Toute ma famille a été tuée.»
Comme tous deux sont en Suisse depuis plus de cinq ans, ils ont déposé des demandes de permis humanitaire. Mais le canton les a écartées, s'insurge le collectif Droit de rester. Les militants fustigent le cercle vicieux dans lequel sont jetés les requérants d'asile déboutés: forcés d'arrêter de travailler, privés de ressources financières, ils voient se convertir la moindre amende en jours de prison. «Du coup, le canton les considère comme des délinquants et refuse de leur accorder un permis», explique Fanny Jaquet, membre du collectif.
L'assurance-maladie de base est obligatoire et universelle. Personne ne devrait donc en être privé, quelle que soit sa situation administrative. Comment certains requérants d'asile déboutés peuvent-ils se retrouver sans couverture?
«L'assurance-maladie fait partie des prestations de l'aide d'urgence», explique Pierre Imhof, directeur de l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM). Sans aide d'urgence, pas d'assurance-maladie. Or, pour avoir droit à l'aide d'urgence, les migrants doivent se présenter régulièrement au Service de la population (SPOP). Ce qui reviendrait, pour certains, à se jeter dans la gueule du loup.
Deuxième problème: l'octroi de l'aide d'urgence est généralement conditionné à l'hébergement dans un foyer de l'EVAM. Ceci pour «éviter des abus de prestations», commente Pierre Imhof: «Nous n'avons jamais eu l'occasion de nous prononcer sur le cas d'un refuge, reprend-il. Mais je pense que si on nous avait fait la demande, on aurait pu trouver une solution.»

Michaël Rodriguez dans le Courrier