lundi 12 septembre 2005

Opinion de Jean-Claude Mermoud dans 24heures





Entre désinformation et instrumentalisation


Attaqué personnellement ces derniers mois, désigné même comme responsable des tensions actuelles au sein de la population en regard de la politique d’asile, je suis frappé des arguments utilisés par les mouvements de défense de l’asile, voire des raccourcis saisissants qu’utilise une partie de la presse.
Voici donc des exemples parmi tant d’autres. Un quotidien romand titre: «Requérant en danger de mort, expulsé malgré un diabète et une hypertension», laissant croire que les services cantonaux et fédéraux ainsi que la plus haute instance de recours de notre pays, la Commission de recours en matière d’asile (CRA) n’ont pas tenu compte de la maladie dont souffre le requérant d’asile! Au passage, sachez que ce dossier a été examiné à 11 reprises par les instances fédérales compétentes et qu’à chaque fois les problèmes médicaux ont été évoqués... Les juges ou les fonctionnaires fédéraux ont en outre précisé que le Kosovo est parfaitement à même de délivrer les médicaments nécessaires au traitement de la pathologie de cette personne.
Deuxième exemple. Mes services et moi-même, voire le Conseil d’Etat, sommes accusés de nous acharner sur le groupe dit des «523» et de garder volontairement les requérants d’asile qui ont commis des délits. Cela est totalement faux! En effet, la priorité est clairement d’agir sur les personnes qui ont été condamnées pénalement, notamment celles qui s’adonnent au trafic de stupéfiants. Mes services prennent systématiquement des mesures de contrainte à l’encontre de ces personnes dans les cas où l’obtention de documents de voyage est possible. Comment parler d’acharnement quand seuls 3 départs sur 36 parmi les requérants dont le dossier a été présenté sous l’angle de la circulaire Metzler ont été effectués sous contrainte!
Troisième exemple. Régulièrement, les difficultés que connaissent les pays de destination, comme la Bosnie-Herzégovine, sont mises en avant. Elles rendraient impraticables les retours. Certes, il n’est pas question de nier la réalité de la situation économique de ces régions. Je me suis rendu sur place et ne l’ai jamais contestée. En revanche, comment passer sous silence que 12 000 requérants d’asile déboutés en Suisse sont déjà rentrés en Bosnie, sans drames particuliers à ma connaissance?
Dernier exemple. Jamais aucune reconnaissance n’est accordée au travail effectué par les autorités actuelles. Aujourd’hui, pourtant, sur plus de mille personnes qui ont été examinées sous l’angle de la circulaire dite «Metzler» par les autorités fédérales à la demande du canton de Vaud, seules 267 sont encore en voie de règlement. Par ailleurs, 33 requérants d’asile ont pu regagner leurs pays avec un programme d’aide au retour qui leur permettra de s’installer durablement et de vivre dignement. D’autres préparent également leur départ: une vingtaine de personnes, déjà inscrites à un programme d’aide au retour, sont sur le point de partir, tandis qu’une soixantaine ont entrepris des démarches auprès du Conseil en vue du retour.
L’évolution des retours volontaires est nette depuis la décision du mois de mai qui a levé la suspension de l’application des mesures de contrainte à l’encontre de la plupart des requérants de ce groupe. Une politique claire, ferme mais aussi sensible est ainsi la seule à même de résoudre ce dossier.

Les manifestants expulsent le Conseil d'Etat


Entre 1000 et 2000 manifestants ont parcouru samedi les rues de Lausanne pour exprimer une fois de plus leur désaccord dans le dossier de l'asile. Avec, comme fil rouge, une satire politique sur le gouvernement.

Lire l'article de Eliane Harsar dans le Courrier

La foule conspue le Conseil d'Etat



Camille Kraft dans 24heures rapporte le déroulement de la manifestation de samedi à Lausanne.
Samedi après-midi à Lausanne, les manifestants soutenants les sans-papiers et les requérants d'asile déboutés, ont mis en scène l'arrestation et l'expulsion des sept membres de l'Exécutif vaudois.

Acculé, Jean-Claude Mermoud n'a pu échapper samedi après-midi aux policiers venus l'arrêter sous le soleil, place Bel-Air. Et c'est sous les huées de la foule qu'il a été plaqué au sol, menotté, puis enfermé dans la remorque d'un tracteur faisant office d'avion. Comme ses six collègues du Conseil d'Etat - dont une plante verte figurant François Marthaler -, le chef du Département des institutions et des relations extérieures s'est vu ensuite signifier son expulsion immédiate du pays par une hôtesse à la voix câline.

Avec ses masques de politiciens en papier mâché et ses slogans types «Un charter pour Blocher et Mermoud sur ses g'noux» ou «Nous ne voulons pas être des parasites de la société», la manifestation organisée par la Coordination Asile Vaud et le Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers a fait sourire les badauds amassés sur son passage. Au sein du cortège, ils étaient quelque 2000 selon les organisateurs (500 à 700 selon la police) à demander l'arrêt des expulsions, ainsi que la régularisation des sans-papiers et des requérants déboutés. Parti de la Palud, le défilé a traversé la Riponne, Bel-Air et le Grand-Pont pour terminer place Saint-François, avec des témoignages de personnes directement concernées par la problématique. «Il y a actuellement des gens en danger, qui sont à la rue ou que l'on force à quitter le pays alors qu'ils sont malades. Il faut continuer le combat», explique cette jeune mère kosovare, dont le fils de 6 ans est né ici.

«En septembre 2004, nous avions organisé une manifestation qui avait eu beaucoup de succès. Voir autant de monde une année après, cela prouve que le mouvement tient la route. Certains sont même venus de Payerne et de Vevey pour participer. Et le public était très varié», se réjouit Yves Sancey, de la Coordination Asile.

Le président du parti radical contre la solution de la crise des 523

Claude-André Fardel, président du PRDV, a engagé un conseiller politique pour l'aider à ancrer davantage le parti à droite et s'oppose à ceux qui, au sein même de son parti, tentent une nouvelle démarche contre le renvoi des requérants d'asile déboutés.

Extrait de l'article de Valdemarc Roulet dans le Temps:

Pourquoi vous opposer, ce mardi au groupe radical du Grand Conseil, à ceux qui veulent pousser le Conseil d'Etat à renégocier l'accord conclu avec la Confédération?

Claude-André Fardel: Ce sont quelques personnes qui interviennent, sans concertation avec le groupe et le parti. Pour ce que j'en sais, la majorité des députés radicaux n'y sont pas favorables. En tout cas, je plaiderai contre. Toute démarche s'écartant de la ligne du Conseil d'Etat ne peut que déstabiliser. Certains requérants qui avaient signé pour leur départ se sont retranchés après avoir entendu des rumeurs sur cette résolution. Nous faisons de la politique et il faut mettre les sensibilités personnelles de côté, le parti doit pouvoir s'exprimer d'une seule voix.

– Existe-t-il vraiment une ligne claire du Parti radical sur ce sujet?


– La ligne est déterminée par l'action du gouvernement. Il faut s'en tenir à l'accord conclu avec la Confédération. Des gens ont été refoulés, d'autres ont accepté de partir, ils méritent une égalité de traitement. De 1200, on est passé aux 523, qui ne sont plus aujourd'hui que 170. La situation n'est pas aussi bloquée que certains le disent.

– Et si le Conseil d'Etat changeait d'avis? La rumeur attribue un certain rôle au conseiller d'Etat Pascal Broulis dans cette nouvelle démarche...

– Le gouvernement a sa ligne, on la connaît. Les quatre magistrats de la majorité sont unanimes sur le sujet. Je ne crois pas à une majorité de circonstance. Pascal Broulis n'est pas en divergence, je ne vois pas comment il pourrait l'être.

– C'est un message que vous lui adressez?

– Il n'y a pas d'autre voie possible. De toute façon, comme députés nous n'avons pas à interférer, la loi fédérale est claire.

...

Elie Elkaim dans le Temps


Valérie de Grafenried donne la parole au président de la Licra qui fustige les tendances xénophobes des parti politiques Suisse:

La multiplication des dérapages xénophobes, antisémites ou racistes font réagir Elie Elkaim. Président de la section suisse de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), il lance aujourd'hui sa campagne pour que les partis suisses adhèrent aux principes de la «Charte des partis politiques européens pour une société tolérante et non raciste», signée à Utrecht en 1998. But de l'opération: que les formations politiques s'engagent davantage en faveur du respect de la personne humaine, tant au sein de leurs propres rangs qu'envers l'opinion publique. Une lettre adressée aux 3000 sections locales, cantonales et aux directions des partis politiques part ce lundi. La missive est cosignée par sept personnalités: l'ancien président de la Confédération Pierre Aubert, Cornelio Sommaruga, ancien président du CICR, les conseillers nationaux Yves Christen et Paul Rechsteiner, le conseiller d'Etat Luigi Pedrazzini, Yvette Jaggi, ancienne conseillère aux Etats, et Olivier Vodoz, ancien conseiller d'Etat. Entretien.

Le Temps: Pourquoi lancer votre action en pleine campagne de votation où il n'y a pas vraiment eu de dérapages xénophobes?

Elie Elkaim: Les inquiétudes de la Licra, s'agissant des dérapages dans le discours politique et surtout des conséquences de ces dérapages, remontent à bien avant cette campagne. Nous vivons depuis quelques années – et plus encore depuis le 26 septembre 2004, jour où la votation sur les naturalisations facilitées a été refusée – un durcissement et parfois une outrance dans le propos politique qui nous avaient été épargnés jusqu'ici. Les conséquences ont été assez nettes tout au long de l'année 2005 puisque nous avons été confrontés à un accroissement des actes racistes anti-noirs ou contre les requérants d'asile, à l'incendie du magasin d'un commerçant juif à Lugano, à la profanation du cimetière de La Tour-de-Peilz et aux graffitis sur la synagogue de Genève. Je fais aussi un lien évident entre ces dérapages politiques et les agressions verbales subies par notre président de la Confédération lors de son discours du Grütli.

– Est-ce un hasard si vous intervenez juste avant la session parlementaire qui traitera des lois sur l'asile et sur les étrangers?

– Il n'y a malheureusement pratiquement pas un mois où une telle campagne ne coïnciderait pas avec une situation critique. Il est exact, ceci étant, que le débat général sur l'asile engendre systématiquement des propos qui accentuent les stéréotypes et la xénophobie à l'égard des étrangers avec ou sans papiers. Le débat politique ne doit plus accréditer l'idée que tout étranger qui souhaite s'établir en Suisse est, a priori, habité de mauvaises intentions ou un délinquant potentiel. Cette dérive inacceptable vient d'ailleurs d'être stigmatisée par la Commission fédérale contre le racisme.

– Qu'attendez-vous concrètement des partis politiques?

– Notre acte est un acte citoyen. La société civile et les partis politiques doivent s'interroger régulièrement sur les limites qu'il faut donner aux messages politiques. A la suite des trop nombreuses catastrophes aériennes de l'été, l'idée d'un «label bleu» pour les compagnies aériennes sûres avait été lancée. Lorsque, en tant que citoyen, je donne ma voix à un parti politique qui revendique la responsabilité de diriger ma ville, mon canton ou mon pays, je souhaite m'assurer qu'il est bien empreint de valeurs humaines et démocratiques qui fondent ce pays. Cette campagne d'adhésion à la Charte européenne est donc une forme de «label bleu» qui serait donné aux partis politiques soucieux de ne jamais alimenter la xénophobie, le racisme et l'antisémitisme.

– Mais, franchement, ne craignez-vous pas que la déclaration à laquelle vous proposez d'adhérer n'aille pas au-delà du seul acte symbolique? Une initiative semblable du Forum contre le racisme en 2003 est rapidement tombée dans les oubliettes...

– Je réponds qu'il y a aujourd'hui une urgence à redéfinir les limites de la liberté de l'expression politique. Les minorités religieuses, nationales ou ethniques de ce pays – rappelons que l'extraordinaire majorité des étrangers en Suisse y sont légalement et parmi ceux qui ne le seraient pas, une extrême minorité occupe les services de police – doivent avoir l'assurance que nos institutions sont suffisamment solides pour que leur personne, sous toutes ses formes, soit respectée et protégée.

– Seul le PS a signé la «Charte des partis politiques européens pour une société non raciste»...

– C'est vrai. Mais en Europe, des partis politiques d'horizons très divers l'ont signée. Près de cent au total. De plus, la simple lecture de cette Charte montre à quel point elle est consensuelle et rien ne justifie qu'un parti politique qui se dit démocratique, quel que soit son bord, n'y adhère pas.

– Pourquoi vos prédécesseurs n'ont-ils pas envisagé cette démarche? Se seraient-ils cassé les dents sur des projets impliquant des partis politiques?

– Non. La Licra, qui réunit des personnes de tous horizons politiques, a toujours agi avec succès auprès des institutions et des partis politiques. Mais il est vrai que la Charte d'Utrecht n'a eu que peu d'écho en Suisse à l'époque de son lancement en 1998. Aujourd'hui, il y a une urgence. Voilà pourquoi j'ai décidé d'agir.


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Les principes en question

La Licra demande aux partis suisses de s'engager à adhérer aux principes déontologiques suivants:


• Défense des droits de l'homme et des principes démocratiques fondamentaux et rejet de toute forme de violence raciste, de toute incitation à la haine et à la persécution raciales et de toute forme de discrimination raciale.

• Refus d'afficher, de publier ou de faire publier, de distribuer ou d'adopter en quelque façon toutes vues et positions susceptibles de susciter ou d'encourager, ou pouvant être raisonnablement considérées comme susceptibles de susciter ou d'encourager les préjugés, l'hostilité ou la division entre les peuples d'origines ethniques ou nationales différentes ou entre les groupes représentants des croyances religieuses différentes. Réactions fermes envers toutes les expressions de sentiments ou comportements racistes dans nos propres rangs.

• Traitement responsable et équitable de tous les thèmes sensibles relatifs à de tels groupes en évitant leur stigmatisation.

• Refus de toute forme d'alliance ou de coopération politique à tout niveau avec tout parti politique incitant à la haine raciale et aux préjugés ethniques ou tentant de les susciter.

• Promotion d'une représentation équitable des divers groupes mentionnés ci-dessus, à tous les niveaux des partis, incluant une responsabilité spécifique à la direction du parti dans l'encouragement et le soutien au recrutement de candidats à des fonctions politiques ou à l'adhésion, de ces groupes.