Pierre Imhof est responsable de l’accueil des migrants dans le canton de Vaud depuis 2004. Il réagit à la bagarre générale qui a eu lieu au foyer de Nyon (VD) mardi soir.
Une nouvelle rixe dans un centre de requérants. La routine?
De cette ampleur-là, c’est exceptionnel. De par le nombre de requérants impliqués et les moyens de police mobilisés (ndlr: onze patrouilles de la gendarmerie, et trois policiers ont été blessés). Il y a de temps en temps des bagarres, des coups de couteau, des interventions pour trafic de drogue. Mais entre peu de personnes. Cette fois-ci, c’était proche de l’émeute.
La situation a-t-elle été rapidement maîtrisée?
Il y a encore eu de l’excitation deux jours après. Elle s’explique par l’incompréhension des migrants. La rumeur courait que le ressortissant nigérian arrêté – accusé d’avoir donné le coup de couteau, avec un canif – avait été exécuté. J’ai pu leur expliquer que la procédure pénale avait été respectée. Que leur compatriote avait un avocat. Je leur ai surtout rappelé qu’une bagarre générale, des coups de couteau, même suite à un vol présumé, c’est inadmissible. Ces requérants ont une méconnaissance de notre système juridique, ils se méfient des institutions. Mes explications les ont toutefois raisonnés.
Comment expliquez-vous la rixe?
C’est révélateur des conditions de l’asile en Suisse, qui sont, pour certaines personnes qui n’y répondent pas, très restrictives. Ce centre d’accueil de Nyon est situé temporairement dans un abri de la protection civile. Nous ne pouvons pas y placer des familles, des femmes ou des enfants. Du coup, il n’y a que des jeunes hommes célibataires. Ce sont des cas dits de Dublin en attente du renvoi dans le pays européen où ils ont déposé leur première demande d’asile. L’attente, l’absence de projet d’avenir en Suisse, la promiscuité, les éventuelles tensions entre communautés expliquent en partie ce qui s’est passé.
Il y a quand même un agresseur?
Evidemment. Ces requérants sont responsables de ce qu’ils font dans le centre, et nous y veillons.
Mais les conditions de vie à Nyon ne contribuent pas au calme?
Les solutions existent pour éviter les tensions. Je le répète: les bagarres sont rares dans le canton. Grâce à une politique de dialogue et de collaboration, tant avec les migrants qu’avec les autorités locales et la police. Une juste répartition entre hommes célibataires et familles dans les différents lieux d’accueil vaudois favorise la tranquillité. Pour y parvenir à Nyon, nous devons fermer l’abri PCi après avoir construit un nouveau bâtiment. Mais deux oppositions bloquent ce projet (ndlr: un élu UDC et une élue radicale font opposition). Ce serait aussi une économie financière. Un abri PCi n’est pas conçu pour accueillir des requérants indéfiniment.
Ces deux oppositions vous coûtent donc cher?
Elles nous coûtent cher, financièrement et humainement.
Propos recueillis par Dominique Botti dans le Matin