lundi 22 octobre 2007

Elections 2007, les réactions de la presse internationale



Les élections fédérales ont inspiré des commentaires plutôt inquiets dans la presse étrangère, qui souligne la victoire d'un parti "xénophobe", voire "raciste" et potentiellement dangereux. En Allemagne, la presse souligne un débat politique de plus en plus personnalisé et dénonce les "simplifications tapageuses et provocatrices" de Ch.Blocher. En Italie et en Autriche, les médias jugent que la Suisse est simplement devenue "un pays normal", "comme les autres".
Regardez les interventions des correspondants à l'étranger (Belgique, France, Angleterre et Allemagne) sur la TSR
Commençons par la vision la plus noire de notre pays qui est elle dépeinte dans le plus grand quotidien de Bruxelles, le Soir. Le commentaire de Pascal Martin est sans appel, il appelle au boycott de la Suisse

La Suisse d’Henri Dunant vaut mieux que ce bouillon de culture xénophobe et haineux. Si une série de scandales a autrefois jeté à la face du monde le linge sale de la Confédération, celle-ci s’est aussi avancée vers la modernité. En s’alliant à l’UE, en siégeant à l’ONU, en décriminalisant l’avortement ou en disant « oui » au Pacs.

Mais voilà. Ce pays, qui compte parmi les plus prospères de la planète, est depuis quinze ans un labo pour populistes. Pour vivre dans la bulle de la démocratie directe, pour n’avoir pas de véritable classe politique, la Suisse n’a pas réussi à développer des anticorps susceptibles de combattre son cancer. Elle en devient un exemple pour les apprentis sorciers : frappez fort, ayez le soutien des milieux économiques, ne soulevez pas les vrais problèmes mais jetez le discrédit sur l’étranger.

Demain, vous aurez le pouvoir.

Lire l'article de Serge Enderlin dans LIbération :Le populiste et xénophobe Blocher emporte la Suisse
Où s’arrêtera le vent mauvais du populisme alpin de Christoph Blocher ? Les élections législatives d’hier ont permis à l’UDC (la peu centriste Union démocratique du centre), de renforcer sa position de première force politique du pays acquise en 1999. Le parti de droite dure du tribun zurichois, ministre de la Justice et de la Police de la Confédération, effectue notamment une percée spectaculaire en Suisse romande : il devient la première formation dans les cantons de Vaud et Genève, où il détrône le Parti socialiste...
Dans le Monde, Agathe Duparc écrit:
...Encarts dans les journaux, manifestations, stands, affiches placardées sur tous les murs – dont celle, xénophobe, des moutons blancs boutant hors de Suisse l'"étranger criminel" symbolisé par un mouton noir –, l'UDC aura inondé le pays de ses messages. Avec l'appui constant du charismatique conseiller fédéral Christoph Blocher, qui, jetant par-dessus bord les règles politiques helvétiques, s'est plus comporté en chef de parti qu'en ministre de la justice et de la police...
Dans le Figaro, François Hauter correspondant s'est promené en Gruyère pour tenter d'expliquer cette tentation isolationiste:
Cette image éventuelle d'une Suisse xénophobe épouvante deux Helvètes sur trois, qui ne se reconnaissent pas dans la projection d'un pays recroquevillé sur lui-même, hostile à l'Europe et au tiers-monde. D'abord, font-ils valoir, parce que l'économie suisse repose sur l'immigration et ne survivrait pas à l'isolement. L'art des Suisses a toujours été d'attirer des familles ayant l'esprit d'entreprise. Les industries horlogères furent fondées par ce peuple protestant français dont le Roi-Soleil estimait pouvoir se passer. Même chose pour la banque genevoise. La chimie démarra avec des Français et des Allemands.
Sur 20Mn.fr on peut lire "L'UDC (parti populiste d'extrême droite, Union démocratique du centre), se place en première formation politique du pays, avec 29% des voix."
En Belgique la RTBF constate "le parti populiste et xénophobe conforte sa position"
Voir la séquence vidéo d'Euronews consacrée à ces élections
Radio Canada reprend le même message :L'Union démocratique du centre (UDC), un parti nationaliste et aux positions xénophobes, a remporté dimanche les élections générales en Suisse, selon les premiers résultats rendus publics.
En Algérie, le quotidien la Liberté titre Élections générales en Suisse
La peste brune dans le légendaire pays neutre

Dans la presse anglo-saxonne, les commentaires sont aussi très clairs.
Dans le New York Times, Nick Cummins-Bruce qualifie l'UDC de part d'extrême droite.
After a campaign widely criticized as racist, Switzerland’s far-right Swiss People’s Party strengthened its position as the biggest single party in Parliament in a general election on Sunday, according to a projection after voting ended.
La dépêche de l'Associated Press qui est généralement reprise telle quelle par des centaines de quotidiens locaux tiens le même discours, mais relève aussi que le premier conseiller national noir a été élu à cette occasion:
The People's Party claims foreigners are responsible for much of the crime in the country. In the campaign, the People's Party called for a law to throw out entire immigrant families if a child violates Swiss laws -- the most recent variation of the party's anti-foreigner theme...But although many saw the campaign as tainted by racism or xenophobia, the Swiss also elected their first black parliament member Sunday.
En Grande-Bretagne, le Guardian, quotidien de référence dit:Switzerland's rightwing People's party, accused of racism and fanning Islamophobia, strengthened its position as the country's leading political force yesterday, gaining more than 2 percentage points to win a general election for the second time in a row, according to projections
The Independent poursuit ses articles qui analysent les tendances centripètes de la Suisse
En Espagne, même chose de la part d'El Pais le dernier article est titré BLocher accusé de racisme et xénophobie gagne les élections et 62 députés
En Allemagne, Le Spiegel est très mesuré, selon lui pas grand chose va changer... Même approche de la part de Die Zeit qui n'utilise aucun des substantifs qui font peur (racisme, xénophobie) mais parle d'un choix conservateur et europhobe
Pour consulter l'ensemble des réactions internationales depuis 2mois, cliquer sur ce lien

Ricardo Lumengo élu


Lumengo Ricardo

Pour la première fois, un Noir entre au Conseil national. Ancien requérant d'asile, Ricardo Lumengo a été élu dans le canton de Berne sous les couleurs socialistes. Agé de 45 ans, le juriste siège actuellement au Grand Conseil bernois et au Conseil de Ville de Bienne.

Le Bieler Tagblatt et le Journal du Jura parle de "la plus grosse surprise des élections fédérales dans la région".

Le populiste et xénophobe Blocher emporte la Suisse

Où s’arrêtera le vent mauvais du populisme alpin de Christoph Blocher ? Les élections législatives d’hier ont permis à l’UDC (la peu centriste Union démocratique du centre), de renforcer sa position de première force politique du pays acquise en 1999. Le parti de droite dure du tribun zurichois, ministre de la Justice et de la Police de la Confédération, effectue notamment une percée spectaculaire en Suisse romande : il devient la première formation dans les cantons de Vaud et Genève, où il détrône le Parti socialiste. Cette nouvelle poussée vient conforter une stratégie de conquête progressive du pouvoir entamée il y a plus de quinze ans.

http://www.aerztekomitee.ch/images/Helvetia_auf_reisen_2.jpg

D’élection en élection, ce fils de pasteur protestant (il a 67 ans), assez truculent pour un Suisse, tisse sa toile en instillant dans les esprits la peur de l’extérieur. Premier gros succès politique le 6 décembre 1992, quand, seul contre tous les autres partis du pays, l’UDC blochérienne parvient à convaincre les Suisses de refuser l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE), sorte d’antichambre à l’Union européenne. Les Balkans viennent de s’embraser. La Suisse se sent en première ligne, parce qu’elle voit débarquer des milliers de réfugiés (les Kosovars constituent, depuis plusieurs années, la première communauté étrangère du pays). Dans le nouveau contexte mondial qui suit l’effondrement du bloc de l’Est, la neutralité et la croix blanche ont perdu une grande partie de leur attrait.
Pour Berne, la tentation est forte de rejoindre les grands ensembles qui se dessinent autour d’elle. Mais pour Blocher, ce sera la carte europhobe. Pendant toute la décennie 90, il va bâtir sa popularité autour de ce socle. Il y ajoute la dénonciation des «étrangers profiteurs», ces immigrés qui abuseraient du système d’assurances sociales, et celle des «étrangers délinquants». Deux thèmes d’autant plus porteurs qu’au tournant des années 2000, les caisses publiques accumulent les déficits et la petite délinquance progresse de façon spectaculaire. «Il pose les bonnes questions, mais il apporte les mauvaises réponses», entend-on alors, notamment à gauche, après un nouveau succès de l’UDC en 2003. Le 1er janvier 2004, Christoph Blocher devient l’un des sept ministres du gouvernement de concordance qui dirige le pays. Il va profondément déstabiliser le fonctionnement bien huilé de cette très vieille institution.
Le politologue vaudois François Chérix dresse l’inventaire : «Soif de pouvoir inextinguible, auto-célébration narcissique, posture messianique du sauveur du peuple, désignation paranoïaque d’un ennemi extérieur (l’Europe) et d’ennemis intérieurs (les étrangers et les socialistes), attaques permanentes contre des institutions tournées en dérision.» Au début de sa carrière, Blocher se voyait en aiguillon pour réveiller une Suisse endormie. Il est devenu agitateur, puis très vite acteur à l’intérieur de ce même système, roi de l’improvisation tonitruante, irrespectueux du sacro-saint consensus suisse. Avec sa nouvelle victoire hier, le champion populiste a réussi tous ses paris. Y compris le plus insensé : homme d’affaires milliardaire, patron d’un groupe transnational (Ems-Chemie), il est parvenu à faire oublier à son frileux électorat que son évangile a beau être xénophobe, il est d’abord ultra-libéral.

Le dessin du jour

La bise UDC souffle sur toute la Suisse, par Bürki dans 24 Heures

Des Argentins renouent avec leurs origines le temps d'une Bénichon

Subtilement politique, la fête fribourgeoise a honoré ce week-end les descendants d'immigrés armaillis au pays des gauchos.

Benjamine Currat e Isabelle Rithner en fiesta del Grütli en 1907, en Baradero, encarnan la madre Helvecia. (Archivo Sociedad Suiza de Baradero).
Benjamine Currat et Isabelle Rithner
à la fête du Grütli en 1907, à Baradero,
incarnent la mère Helvétie
(Archivo Sociedad Suiza de Baradero)


Fromage fondu, charcuterie, vin chaud, orgue de Barbarie et soleil rayonnant parviennent difficilement à faire oublier la température hivernale et le vent polaire s'abattant sur Châtel en ce samedi de Bénichon. «Bleu et froid. On se croirait dans la pampa en août», commente, amusé, Martin Nicoulin. Le président de l'association Baradero Fribourg est accompagné d'une délégation forte de dix-huit personnes en provenance de ce qui fut jadis «la première colonie agricole européenne en Argentine».Bien peu parmi les nombreux Châtelois présents savent vraiment de quoi il retourne. «L'épisode a été oublié. Peut-être consciemment?» s'interroge Christophe Mauron. Petit cours de rattrapage par cet auteur d'un ouvrage sur le sujet: «En 1856, une trentaine de personnes de la Veveyse s'établirent à Baradero en Argentine en quête d'une vie meilleure. Plus de 40 000 Suisses et des millions d'Européens les suivront.»

La logique du mouton noir à contre-pied
Pour Martin Nicoulin, «reconstruire aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation, un pont entre deux villes soeurs, c'est prendre l'exact contre-pied de la logique du mouton noir». Le Fribourgeois est ravi de voir «armaillis et gauchos» redécouvrir leur culture commune à l'occasion de cette Bénichon particulière.
Christophe Mauron a la même vision politique de cette manifestation, au cours de laquelle seront lues quelques lettres d'émigrés. «Au-delà du folklore ou du côté patriotique, il faut rappeler que la Veveyse fut une région agricole pauvre, peu industrialisée et génératrice d'immigration...»
En ce week-end électoral, voilà une allusion à peine voilée à l'UDC, le parti de l'ancien syndic châtelois, Joe Genoud. Lequel confirme qu'il «en fallait alors du courage pour tout quitter à la recherche de boulot». Le candidat au National a visité Baradero l'an dernier et déplore que le passé liant «deux villes soeurs distantes de 11 140 km» soit aujourd'hui un peu oublié. L'implantation d'un panneau à l'entrée du village et d'une statue à la maison Saint-Joseph pourraient y remédier.

Un article de Laurent Grabet dans 24 Heures
Lire l'article de Swissinfo sur l'histoire de cette colonie suisse en Argentine (en espagnol)