lundi 14 juin 2010

La famille du requérant décédé à Zürich a reçu 50’000 francs

L'Office fédéral des migrations (ODM) a versé environ 50'000 francs à la famille du requérant d'asile nigérian décédé à l'aéroport de Zurich lors de son renvoi.

© Laurent Crottet | Office Fédéral des Migrations

ATS | 13.06.2010 | 13:37

L'Office fédéral des migrations (ODM) a versé environ 50'000 francs à la famille du requérant d'asile nigérian décédé à l'aéroport de Zurich lors de son renvoi. L'ODM a confirmé à l'ATS cette information parue dans le journal alémanique "Sonntag".

Le demandeur d'asile nigérian était mort le 17 mars à l'aéroport de Zurich alors qu'il allait être renvoyé dans son pays par vol spécial. En grève de la faim, il avait succombé à un malaise peu après avoir été ligoté de force.

A la suite de ce décès, les vols spéciaux avaient été suspendus temporairement. L'ODM a annoncé à la fin mai qu'ils allaient reprendre progressivement et qu'une équipe médicale serait du voyage.

Sans-papiers: le repli genevois

Il y a deux semaines à Genève, quelque 450 sans-papiers réclamaient la régularisation collective des travailleurs en situation irrégulière, faisant pression pour que le Conseil d'Etat réactive auprès de la Confédération la demande en ce sens déposée en 2005. Début mars, le magistrat socialiste Charles Beer avait annoncé l'intention du gouvernement d'examiner l'opportunité de relancer la procédure. Sa déclaration intervenait en plein débat sur l'accès des sans-papiers à l'apprentissage.

Au vu des réticences d'Isabel Rochat, cheffe de la Sécurité et de la police, mais aussi de l'énergie mise par les autres départements pour ne pas s'exprimer sur la question, on doute que l'exécutif cantonal, au-delà peut-être de l'un ou l'autre de ses membres, ait jamais songé à sortir cette demande des tiroirs fédéraux.
A quoi bon formuler une requête qui n'a aucune chance d'être acceptée? glisse un fonctionnaire. Surtout, pourquoi risquer de braquer l'Office fédéral des migrations, alors que les régularisations au cas par cas fonctionnent si bien? poursuit Isabel Rochat. Ces raisonnements ne tiennent pas. D'abord parce que, si la démarche initiée en 2005 n'a pas abouti, elle a probablement fait beaucoup pour permettre à Genève un nombre élevé de résolutions de cas individuels. Refuser de remettre la pression sur Berne par excès de prudence, c'est risquer d'attendre, les bras croisés, un prochain durcissement de l'administration fédérale. De surcroît, alors que les sans-papiers sont sortis de l'ombre pour crier leur détresse d'y être confinés injustement, laisser leur revendication collective dormir sous la poussière est un mauvais signal. En montrant qu'une solution globale ne fait plus partie de son horizon, le nouveau Conseil d'Etat marquerait une rupture avec le précédent. A force de vanter les mérites des solutions individuelles, il apporte sa caution au système qui permet l'exploitation d'une main-d'oeuvre précarisée justement dans le but de la rendre corvéable à merci – quel Suisse accepterait de garder des enfants toute la semaine pour 700 francs par mois?
Sans compter que les permis humanitaires, délivrés au compte-goutte, le sont de façon arbitraire. Même à Genève où, paraît-il, il suffirait de le demander poliment pour obtenir un permis... C'est ce que rappelle le cas médiatisé de la famille Selimi, menacée d'expulsion alors que le père travaille à Genève depuis vingt ans. Surtout, si le canton du bout du lac a obtenu la majorité des régularisations humanitaires, ailleurs, elles n'ont aucune chance. La démarche de 2005 en vue d'une solution collective avait le mérite de porter un message politique sur le plan national, même si l'on peut regretter que d'autres cantons n'aient pas pris la balle au bond, en particulier celui de Vaud.
Dans l'attente d'un improbable fléchissement de la politique en faveur des 100000 à 150000 sans-papiers de Suisse, le parlement améliorera-t-il le sort de leurs enfants? Ce lundi, le Conseil des Etats examine des motions en faveur de l'accès des jeunes clandestins à l'apprentissage. Après le vote favorable du Conseil national en mars, les sénateurs, davantage conservateurs, transformeront-ils l'essai?

Rachad Armanios dans le Courrier

Nigeria, la bombe à retardement

a dubois-reymond et ambassadeur nigeriaTrafiquants ou pas, les migrants nigérians sont de plus en plus souvent libérés depuis la mort de l’un d’entre eux et la suspension des vols spéciaux. Abuja demande à Berne d’accepter un quota d’immigration légale, demande délicate tandis que l’UDC veut durcir le renvoi des étrangers criminels. Un article de Jean-Claude Péclet dans le Temps.

 

Cinquante mille francs: c’est la somme qu’a reçue, à titre de «geste humanitaire», la famille du Nigérian de 29 ans mort le 17 mars 2010 à l’aéroport de Kloten lors de son rapatriement forcé, confirme au Temps une source sûre. L’enquête, toujours en cours, devra notamment établir pourquoi une information essentielle – depuis quand l’homme faisait-il grève de la faim? – n’a pas été transmise du canton à la police de l’aéroport.

Pour le reste, les tensions les plus vives entre la Suisse et le Nigeria se sont calmées depuis la visite de l’ambassadeur Pierre Helg à Abuja, mi-mai, et depuis que le directeur de l’Office fédéral des migrations (ODM) Alard du Bois-Reymond a fait amende honorable devant l’ambassadeur nigérian Martin Uhomoibhi, fin avril. Quinze jours avant, le chef de l’ODM avait affirmé dans la NZZ am Sonntag que la plupart des Nigérians viennent en Suisse «non comme réfugiés, mais pour y exercer des activités illégales».

Quitte à heurter la fierté de ces derniers, les faits lui donnent raison. L’an dernier, près de 600 d’entre eux ont été condamnés en Suisse pour infraction à la loi sur les stupéfiants – chiffre qui représente un tiers des demandes d’asile nigérianes en 2009. C’est un fait aussi que 99% de ces 1786 demandes – six fois plus nombreuses qu’en 2007 – ne répondent pas aux critères de l’asile.

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Suisse – Nigeria: les chiffres clés

Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique (150 millions d’habitants) et deuxième économie du continent, n’exporte que 0,2% de ses richesses – du pétrole essentiellement – vers la Suisse et n’en importe que 3,1% de ses biens et services. Les exportations suisses ont progressé de 2005 à 2007 et régressent depuis, tandis que les importations de pétrole ont chuté en raison des troubles politiques. Les investissements suisses au Nigeria se montaient fin 2008 à 321 millions de francs (0,34% du total).

Sur le plan de l’entraide judiciaire, Berne a restitué au Nigeria la totalité des 700 millions de dollars de l’ancien dictateur Sani Abacha bloqués en Suisse, ce qui a facilité la conclusion d’un accord de rapatriement en 2003, non signé mais appliqué de fait par Abuja. En 2009, des articles de presse faisaient état de 150 millions de francs bloqués sur des comptes de Credit Suisse dans le cadre d’une affaire de corruption impliquant une société texane active dans le gaz, un avocat britannique et l’ancien ministre du Pétrole Dan Etete. Lors de la visite de l’ambassadeur Pierre Helg en mai, la Suisse a assuré le Nigeria qu’elle «prend des mesures pour que ses institutions financières n’accueillent plus de bien publics détournés», selon un communiqué officiel repris par les médias nigérians.

La Suisse dénoncée pour ses expulsions vers la Grèce

La Suisse doit suspendre les transferts de requérants d’asile vers Athènes, réclame Amnesty International. L’ONG dénonce le sort épouvantable qui y attend les exilés. Berne ne cède pas, mais le débat fait rage. Un article signé Martine Clerc dans 24 Heures.

conditions asile grèce

«En Grèce, les demandeurs d’asile sont traités comme des criminels.» De passage en Suisse, Victoria Banti ne mâche pas ses mots. Au terme d’une année et demie d’enquête dans son pays, cette avocate athénienne et chercheuse pour Amnesty International (AI) vient de publier un rapport accablant sur la question. Sont documentées les conditions «inhumaines» de détention des requérants d’asile, la pénurie de places d’hébergement, la maltraitance policière, ou l’absence d’assistance juridique et d’interprète. Mais aussi, l’impossibilité pour les exilés de faire recours lors de décisions de renvoi.

Le «piège» de Dublin

En Grèce, Victoria Banti a interviewé une cinquantaine d’exilés, dont un Iranien, renvoyé par les autorités suisses, en vertu de l’accord de Dublin. Un «accord piège», critique la chercheuse. Ce système, accepté par le peuple suisse, a pour but d’éviter qu’une même personne dépose des requêtes d’asile dans différents pays. Il permet ainsi son renvoi dans son premier lieu d’entrée officiel en Europe. Des portes d’entrée qui se nomment souvent Italie, Grèce, Espagne, situées aux avant-postes de l’espace de libre circulation Schengen. Mais aussi la Suède. Beaucoup de Suisses se souviennent du transfert vers Stockholm de l’un des «cas Dublin» très médiatisé, l’Irakien Fahad Khammas, héros malgré lui du documentaire La forteresse .

Amnesty International, mais aussi le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) réclament de la Suisse et des Etats signataires de l’accord de Dublin qu’ils suspendent les renvois vers la Grèce. Depuis décembre 2008 et l’entrée en vigueur de l’accord de Dublin, 126 requérants ont été renvoyés par la Suisse vers Athènes. Et plus de 500 personnes attendraient leur transfert. Ce printemps, Amnesty s’est adressé à Eveline Widmer-Schlumpf, lui signifiant les violations du droit international par l’Etat grec. Peine perdue (lire ci-dessous) . A l’instar de la Suisse, les autres Etats Dublin poursuivent les renvois, admettant des dérogations au cas par cas.

Amnesty maintient la pression sur Berne et lance une pétition. «Nous espérons que l’ODM fasse évoluer sa pratique après avoir pris connaissance de notre rapport, insiste Denise Graf, juriste à AI. Le Tribunal administratif fédéral doit encore rendre une décision. Entre-temps, les renvois vers Athènes sont heureusement suspendus.»

Harmoniser les politiques

A terme, préconisent les défenseurs du droit d’asile, seule une harmonisation du droit d’asile entre Etats Dublin mettraient fin aux inégalités de traitement. Mais un tel processus, en cours au sein de l’UE, prendra du temps. «En attendant, la Suisse devrait modifier sa législation pour lui permettre d’accepter des requérants pour des raisons humanitaires, même si notre pays n’est, selon Dublin, pas responsable du traitement de la requête», propose Carlo Sommaruga, conseiller national socialiste genevois .

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Des exceptions pour les personnes vulnérables

Ce printemps, Amnesty International exhortait en vain Eveline Widmer-Schlumpf à suspendre les renvois des requérants vers Athènes. La ministre part du principe que les Etats qui, comme la Grèce, signent des conventions internationales relatives au statut des réfugiés ou aux droits de l’homme, les respectent. La Suisse poursuivra donc les transferts. Avec une exception toutefois pour les familles avec enfants, mineurs non accompagnés et personnes âgées ou malades. En fin de semaine dernière, la section suisse d’Amnesty, accompagnée de Victoria Banti, a encore rencontré des représentants de l’Office fédéral des migrations (ODM). Résultat? «Nous sommes en contact avec les ONG mais aussi avec les autorités grecques, explique Marie Avet, porte-parole de l’ODM. Pour l’instant, je n’ai pas connaissance que l’ODM va modifier sa politique à l’égard de la Grèce.» Marie Avet rappelle que le but de l’accord de Dublin n’est pas d’harmoniser les politiques d’asile européennes mais de déterminer dans quel Etat la procédure doit être menée.

En 2009, la Suisse a transféré 1904 requérants dans d’autres Etats Dublin – principalement l’Italie –, dont 99 vers la Grèce. La plupart sont Nigérians. De son côté, notre pays a dû reprendre 195 personnes, tandis qu’elle rejetait 133 requêtes, selon l’ODM .