lundi 11 octobre 2010

Frambois: la cocotte-minute a explosé

Samedi, des détenus ont saccagé un local. Le comité de la Ligue des droits de l'homme dénonce la passivité des autorités face à leur désespoir.

Samedi vers 11 h 15, ce qui semble être un mouvement de révolte a démarré dans le centre de détention administrative de Frambois, géré par Genève, Vaud et Neuchâtel, où sont enfermés des requérants d'asile déboutés ou frappés d'une non-entrée en matière, en attente d'expulsion. Selon le porte-parole de la police Jean-Philippe Brandt, une quinzaine de détenus ont été impliqués. Ces violences ont démarré en raison d'un «antagonisme» entre un groupe de Géorgiens et un autre d'Africains, selon le policier. Le Collectif droit de rester et la Ligue des droits de l'homme inscrivent ces événements dans le contexte alarmant de désespoir à Frambois. «A l'arrivée de la Brigade de sécurité, un groupe d'Africains était retranché dans la cuisine, explique M. Brandt. Ils avaient répandu partout de l'huile ainsi que sur eux-mêmes, et avaient saccagé le local.» Les pompiers ont aussi été mobilisés, mais par mesure de précaution et non parce que les détenus auraient menacé de s'immoler. A 13 h 30, le calme est revenu. Aucun blessé n'est à déplorer. «Plusieurs patrouilles» ont été dépêchées en tenues anti-émeute, mais l'usage de la contrainte n'a pas été utile.

 La Ligue pas surprise
Pour en savoir plus, la police renvoie aux responsables du centre de Frambois, qui dévient vers le Département de la sécurité, de la police et de l'environnement. Mais l'administration était fermée comme il se doit.
La Ligue des droits de l'homme sait peu de choses des événements: «En appelant par téléphone un détenu samedi nous avons su que deux d'entre eux étaient très énervés et que la police était sur le point d'intervenir. Nous avons entendu des cris. Par la suite, la ligne téléphonique de Frambois était coupée. Les instigateurs ont étés enfermés en cellule pour calmer le jeu. Ce qui s'est passé est grave et nous déplorons cette violence», commente Orlane Varesano, membre du comité.
Mais celle-ci se dit tout sauf surprise. «Vendredi, j'étais à Frambois et j'ai calmé pendant une heure un détenu au bord du désespoir et dont les propos étaient violents.» La Ligue comptait alerter en ce début de semaine la Commission parlementaire des visiteurs de prison de la situation à Frambois.
Car les signes avant-coureurs se multipliaient depuis plusieurs semaines, selon la militante. «Frambois est une cocotte-minute. Les Conseils d'Etat genevois et vaudois étaient au courant et n'ont pris aucune mesure.»

Deux tentatives de suicide
Mme Varesano fait état de deux tentatives de suicide, de cas de mutilation, de grève de la faim et de dépressions graves. «Le 22 septembre, un Géorgien qui devait ce jour-là être expulsé s'est taillé les veines. Il a été secouru par un gardien, ses plaies ont été pansées, puis il a été emmené à l'aéroport par la police qui a quand même tenté de le renvoyer. Il a une femme et un enfant! La politique d'asile ne tient aucun compte de la dimension humaine!»
L'autre tentative de suicide concerne le détenu d'origine africaine avec qui Mme Varesano a parlé vendredi. Il a selon elle tenté de se tuer le 14 septembre, puis a passé une semaine au centre psychiatrique de Belle-Idée. «Il est à Frambois depuis février et son dossier est bloqué par un problème de reconnaissance de nationalité, sans qu'il ne soit informé de l'avancée des procédures. Les autorités savaient que cette reconnaissance par son pays serait problématique mais ont quand même décidé la détention, qui l'a brisé.»
Sans savoir combien de temps ils seront enfermés et sans en comprendre la raison – ils ne sont pas des criminels et jugent leur sort injuste –, les détenus sont exposés à une vive détresse sans que l'encadrement psychologique soit suffisant, témoigne la Ligue des droits de l'homme. Cette détresse est due au principe très violent de la détention administrative, nourrie par un sentiment d'injustice et d'abandon, affirme Mme Varesano. Il ne faudrait pas recourir à cette mesure, et encore moins à son automatisme, ajoute-t-elle.
Les deux personnes qui ont tenté de se suicider auraient été partie prenante des violences samedi. Hier, le calme régnait à Frambois.

Rachad Armanios dans le Courrier

Le minaret de Langenthal réveille les foudres

La confirmation du permis de construire a réveillé la droite extrême. Les musulmans dénoncent une propagande.

Même vide, en matinée, la salle de prière de la communauté musulmane de Langenthal, sise dans une zone industrielle peu séduisante, est ouverte au tout-venant. Sur la vitrine, l’association adresse, avec une affiche géante, ses félicitations au nouveau conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, grand employeur de la bourgade de 15 000 habitants.

«Les musulmans de Langenthal préfèrent pour l’heure rester discrets et éviter les commentaires autour du minaret», avait averti le soir précédent au téléphone Mutalip Karaademi, président de la communauté. Or, vendredi en début d’après-midi, plusieurs des quelque 30 hommes venus pour la prière consentent à partager leur opinion. Qu’ils soient ou non de fervents défenseurs du minaret. «Pour moi, c’est un signe de présence. Il n’est en rien une marque d’intolérance», explique Ibraimi Ibraim, Albanais, en Suisse depuis vingt ans. «Nous aimerions un lieu de prière décent.»

Les discussions autour du minaret ont refait surface avec véhémence depuis une vingtaine de jours dans la localité bernoise. Depuis que le Département cantonal des travaux publics a approuvé le permis de construire pour un minaret et une coupole sur le centre. Le permis avait été confirmé par les autorités communales en juin 2009, suite à un premier recours. Huit personnes avaient alors à nouveau recouru. Avant la votation fédérale.

«Victimes de propagande»

La décision du canton a ravivé les foudres de tous bords. Et même si plusieurs voisins interrogés sont d’accord sur le fond, la forme que prend le désaccord déplaît. «J’espère que la police assurera la sécurité, car il ne faudrait pas que cela dérape», insiste un garagiste. Explication: ce samedi est prévue devant le centre une manifestation «de colère» mobilisée via Internet par des représentants du parti d’extrême droite PNOS et du Parti bernois des automobilistes. Elle a reçu le feu vert des autorités locales, qui n’étaient pas joignables hier. «Nous voulons que la volonté du peuple suisse qui a dit non aux minarets soit respectée», assène Dominic Lüthard, membre du PNOS. Des mouvements autonomistes ont déjà appelé à une contre-manifestation.

«Nous sommes victimes d’une propagande», estime Mutalip Karaademi, sur un ton fatigué. Mais pourquoi persister avec le minaret si le peuple n’en veut pas? «Pourquoi devrions-nous renoncer alors que nous avons reçu le feu vert avant la votation et que nous ne faisons rien de mal? Pourquoi devons-nous toujours revendiquer nos droits?» Les tensions autour du projet d’un minaret de six mètres de hauteur remontent à 2006, lorsque la communauté musulmane dépose une première demande accompagnée d’un vœu d’agrandissement pour son lieu de culte.

A Langenthal, le centre est surtout destiné aux Albanais de Macédoine installés depuis plusieurs décennies dans la région. N’empêche, les réticences sont fortes. «Nous ne combattons pas les personnes mais le symbole d’une idéologie radicale», explique Daniel Zingg, membre de l’Union démocratique fédérale et président du comité officiel «Stopp Minarett», engagé dans ces recours. Il est persuadé que l’association musulmane locale est elle-même dépassée par des pressions externes. «Et cette décision de Berne est un irrespect du vœu démocratique. C’est ça qui maintenant dérange ici.»

Daniel Zingg assure pourtant qu’il ne s’affichera pas samedi aux côtés des manifestants. «Ces gens ne se sont jusqu’ici jamais engagés pour cette problématique. C’est de l’opportunisme.» Par contre, le comité fera recours auprès du Tribunal administratif si les musulmans ne renoncent pas à leur projet.

Respecter les règles

Vendredi, peu avant la prière, les fidèles se retrouvent dans le café au sous-sol du petit immeuble qui abrite la salle de prière. Si le département bernois a donné son feu vert au minaret, il a par contre estimé que les projets d’agrandissement des locaux ne répondaient pas à toutes les conditions. «Nous respectons les règles du jeu», insiste Ibraimi Ibraim, qui s’occupe de la cafétéria. «J’aimerais qu’on se souvienne que nous venons d’une région où plusieurs religions cohabitent.»

Face à la manifestation, l’association a décidé de se faire discrète, respectant «le droit de chacun à exprimer son opinion». Samedi, elle se tiendra à distance du centre. Centre sur le toit duquel trône le gabarit en bois d’un éventuel futur minaret, symbole des turbulences qui agitent les lieux depuis quatre ans.

Anne Fournier dans le Temps

Mission auprès des Gitans maintenue

mission gitans vaud

24 Heures

“Le voile n’a pas besoin de tout le tintouin actuel”

Ghaleb Bencheikh Ghaleb Bencheikh, animateur de l’émission Islam sur France 2 et président de la Conférence mondiale des religions pour la paix était à Lausanne ce week-end. Rencontre.

L’intellectuel Ghaleb Bencheikh pense l’islam en lien avec la modernité. Ce docteur en sciences, fils d’un ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris, a donné une conférence à l’Université de Lausanne (UNIL) vendredi soir. L’occasion de l’interroger sur les dossiers religieux qui agitent la Suisse.

– Quel est votre avis sur le débat que soulève le voile?

– Le voile ne relève que d’une recommandation contingente, faite à un moment donné de l’histoire, pour des femmes particulières, pour qu’elles soient reconnues et pour qu’elles ne soient pas offensées. Cette question n’a vraiment pas besoin de tout le tintouin que nous connaissons maintenant, car elle ne relève pas de l’essentiel.

– Que pensez-vous de la votation sur l’interdiction des minarets en Suisse?

– C’était on ne peut plus idiot des deux côtés. Du côté islamique, parce que les mosquées n’ont pas besoin de minarets. Ce n’est ni une exigence architecturale ni une exigence théologique. La meilleure preuve est la mosquée du Dôme du Rocher à Jérusalem: elle n’a pas de minaret, et cela ne l’a pas empêchée d’être l’une des plus chères au cœur des musulmans. De l’autre côté, c’était tout aussi stupide de considérer que les minarets sont des fusées et qu’ils ne s’harmonisent pas avec l’architecture. Les nations évoluent, le vivre ensemble doit être empreint de respect et de reconnaissance, notamment dans une société ouverte, multiconfessionnelle. Cette votation n’a pas honoré la Suisse.

– Et dans le monde musulman, comment se traduit cette évolution? Comment la tentative d’interpréter le Coran en lien avec la modernité est-elle perçue?

– Mal au niveau des couches populaires. On ne comprend pas. De plus, il y a des atavismes, des réflexes, des peurs: on confond fidélité à la foi et fixisme, attachement à la spiritualité et rigidité. Mal également au niveau du pouvoir politique, quand il est le bras séculier pour imposer la loi dite d’inspiration religieuse. Toutefois, à côté de cela, il y a des intellectuels, des théologiens, des chercheurs qui font bouger les choses. Peut-être pas en nombre suffisant, peut-être pas avec assez de puissance pour servir de levier afin de changer les paradigmes de pensée, mais en tout cas ils existent et cela ouvre des perspectives.

– Le dialogue interreligieux est aujourd’hui très à la mode, qu’en pensez-vous?

– C’est paradoxal. Il y a d’une part une prolifération de colloques, d’associations, de rencontres sur le dialogue interreligieux, et de l’autre il y a une montée de la crainte, de l’hostilité… Toutefois, je pense que le dialogue interreligieux relève d’un besoin vital. Il est nécessaire pour faire reculer les craintes, pour plus de reconnaissance, pour laisser place à l’amitié, à la solidarité, pour construire ensemble une société juste, fraternelle et solidaire.

Sylvain Stauffer, Protestinfo, dans 24 Heures

Succès de l’extrême droite à Vienne

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La Croix-Rouge n’observera pas les vols spéciaux

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24 Heures

Veto belge pour Oskar Freysinger

Le conseiller national UDC n’a pas pu, samedi, s’exprimer à l’endroit prévu à Bruxelles. Une interdiction aussitôt dénoncée comme «une autocensure démocratique».

Le piège était parfait. Et il s’est refermé, samedi, sur ceux qui, à Bruxelles, voulaient empêcher Oskar Freysinger de prononcer sa conférence intitulée «L’islam, une menace?»

D’abord prévue dans le quartier à forte présence musulmane de Schaerbeek, l’intervention de l’élu UDC avait, devant l’opposition de la municipalité, été déplacée à l’hôtel Crowne Plaza, situé juste en face de la Commission européenne, non loin de la mission Suisse auprès de l’UE. Nouveau veto samedi matin, alors qu’une petite cinquantaine de personnes se pressaient devant l’établissement: plutôt que de laisser Oskar Freysinger s’exprimer dans l’indifférence de ce quartier administratif, la direction de l’hôtel, après avoir consulté la police présente sur les lieux, a préféré décliner. Occasion rêvée, pour l’intéressé, de fustiger «l’autocensure démocratique» selon lui en vigueur en Belgique et au sein de l’UE sur la question de l’islam.

Le reste de la journée ne pouvait pas offrir meilleure plate-forme au chantre helvétique de l’interdiction des minarets, convié à raconter le succès de l’initiative populaire suisse par une association locale peu connue, Euboco, qui défend des «valeurs occidentales» et est clairement proche de la droite dure.

Au parlement

Venu écouter Oskar Freysinger, avec lequel il entretient des liens de longue date, le leader flamand du parti d’extrême droite Vlams Belang, Filip de Winter a invité le groupe à rejoindre… le parlement flamand. C’est donc là que l’élu Valaisan a ravi l’assistance en décriant les incompatibilités de l’islam avec la société occidentale et ses lois. Avec force références religieuses, clichés, attaques démagogiques et raccourcis historiques. Pour Oskar Freysinger, cette «histoire belge» ne pouvait pas mieux tomber. Bien que la Commission européenne n’ait rien à voir dans l’affaire, l’élu UDC a fustigé l’UE. «Avec ce que je viens de voir, je constate de nouveau que l’Europe est soumise aux réactions éventuelles de l’islam», a-t-il plusieurs fois répété.

Personne, du côté belge, n’a réagi. Aucune protestation de musulmans n’a eu lieu. A force de peur, de pressions non officielles et d’interdiction, ce qui aurait dû n’être qu’une conférence confidentielle a donné lieu, samedi, à une (petite) victoire de plus à ce populisme anti-islam qui a le vent en poupe. A l’ombre des institutions européennes.

Richard Werly dans le Temps