Lire l'éditorial de Didier Estoppey et de Marco Gregori dans le Courrier
Beaucoup de mal a déjà été dit dans ces colonnes sur la Loi sur les étrangers et celle sur l'asile votées en décembre par les Chambres fédérales. A tel point qu'il nous a semblé essentiel de faire un geste en faveur de ceux qui ont décidé de lutter contre la dérive xénophobe –qui ne date pas d'aujourd'hui- d'une grande majorité du Parlement et du Conseil fédéral, en lançant l'indispensable double référendum. C'est ainsi que Le Courrier a pris l'initiative d'offrir gracieusement une page aux référendaires pour y publier des feuilles de signatures. A travers cette démarche exceptionnelle et approuvée à l'unanimité par le personnel, nous allons au-delà de notre mission de journal d'information et d'opinion, puisque nous publions sans la facturer de la documentation qui, sur un plan administratif, s'apparente à de la publicité. Cet engagement de notre part mérite une explication.
Comme le stipule sa charte rédactionnelle, Le Courrier «veut promouvoir la primauté de la personne humaine» et «a pris explicitement l'option de défendre en priorité les plus pauvres et les défavorisés». Or lorsque l'on constate le sort que les deux lois récemment approuvées réservent aux principes de solidarité, de respect de la dignité, de soutien aux plus démunis, on se dit qu'un quotidien comme Le Courrier se doit de faire tout son possible pour contrecarrer les noirs desseins de la majorité politique du pays. Cette démarche s'inscrit d'ailleurs en continuité des informations que nous diffusons régulièrement.
Notre intention n'est pas de réaliser une campagne auto-promotionnelle. Faire oeuvre de vertu sur le dos des candidats à l'asile serait pour le moins malvenu. Il n'est pas non plus question de venir financièrement en aide aux référendaires. Vu les nombreux partis, associations ou syndicats qui donnent vie aux différents comités, ceux-ci ont largement de quoi financer une page dans Le Courrier. Notre action s'inscrit dans une logique de résistance active face à la blochérisation ambiante.
Une tendance qui n'est pas propre à la Suisse: il n'est qu'à voir la manière dont un Jean-Marie Le Pen se gausse aujourd'hui de voir le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy reprendre les idées d'un Front national autour duquel la droite française entendait, il y a trois ans encore, établir un cordon sanitaire, pour mesurer la vitesse de la régression des valeurs sur lesquelles se sont construites les démocraties européennes. En Suisse, ce phénomène se traduit par un soutien de la quasi totalité du centre droite à deux lois scélérates. Alors que celle sur l'asile est pire, sur de nombreux points, que l'initiative de l'UDC combattue en 2002 par cette même droite, et rejetée de justesse par la population.
Pour faire avaler au bon peuple les méfaits d'un capitalisme outrancier, il faut trouver des boucs émissaires. Aujourd'hui, on s'attaque aux migrants avant de passer aux chômeurs, aux mendiants ou aux marginaux. Le Courrier se doit d'apporter son modeste soutien à une lutte qui nous concerne tous.